24 au 31 janvier 1960

Les Européens d’Alger organisent un mouvement de protestation contre la politique du Général de Gaulle qui se dit désormais favorable à l’autodétermination en Algérie. Les émeutiers pensent faire basculer l’armée. Une manifestation est organisée le 24 janvier. Parmi les manifestants, les Unités Territoriales. Face à eux : 300 gardiens de la paix (qui se dispersent très vite), 17 escadrons de gendarmerie et 3 régiments de parachutistes de la 10ème division venus du bled (3e R.P.I.Ma., 1er R.E.P. et 1er Chasseurs paras). Des appelés font encore une fois partie des troupes chargées du maintien de l’ordre à Alger. La manifestation déborde les parachutistes qui laissent faire. La journée se passe dans le calme mais vers 17H00, les gendarmes, arme déchargée à la main, crosse en avant, s’avancent vers les manifestants qui refusent de se disperser. Les insultes et les projectiles pleuvent sur les gendarmes. A 18H12, du haut d’un immeuble, un coup de feu puis des rafales de fusil-mitrailleur claquent. Les gendarmes sont tombés dans un piège. Des gendarmes s'écroulent, d'autres se réfugient dans les entrées d’immeuble. Les paras n’interviennent que 40 minutes plus tard et font écran entre les Unités Territoriales, la foule en furie et les gendarmes. Personne ne s’avise de tirer sur les parachutistes « les enfants chéris d‘Alger«. 14 gendarmes ont été tués, 123 sont blessés. On déplore 6 morts et 24 blessés dans les rangs des manifestants tués par les tireurs embusqués qui indifféremment ont tirés dans la foule et les gendarmes. Une partie des manifestants dressent des barricades. Pendant que de hélicoptères armés survolent Alger, les militaires cherchent par la négociation à faire entendre raison aux insurgés. Rien n’y fait. A 19H53, Alger est déclaré en État de siège. Les troupes bouclent la ville. Les insurgés s’installent entre leurs barricades de pavés. Personne ne donne l’ordre de détruire les barricades par la force. Les barricades sont isolés du reste de la ville, ce qui n’empêche pas la fraternisation entre les insurgés et les paras. Ceux ci sont remplacés par d’autres troupes venues du bled. La rébellion va durer 7 jours. Le 1er février, les derniers insurgés quittent les barricades, montent dans des camions militaires pour s’engager au 1er R.E.P. Les appelés du contingent entreprennent de démonter les barricades, de refaire les chaussées, faisant disparaître les traces de ces jours d’émeute.

Deuxième tournée de De Gaulle en Algérie, il commence à parler “d’une Algérie indépendante liée à la France”.

Pendant qu’Alger est en ébullition, la guerre continue aux barrages et sans le bled. Seule la ville d’Oran a connu quelques échauffourées. Sur les barrages, les combats sont féroces. Des dizaines de jeunes appelés meurent tous les jours. Sur les routes, les embuscades se généralisent. Dans les villes, les attentats sont nombreux, les lieux publics fréquentés par les militaires sont particulièrement visés, à Biskra, Oran, Orléansville, Bône, Affreville, même à Sidi-Bel-Abbès, le fief de la Légion. A Alger, les attentats reprennent après 3 ans d’interruption. Alors que le haut commandement annonçait la fin de l’A.L.N., les unités opérationnelles parcourent la campagne, campant dans les mechtas abandonnées, mangent froid, n’allumant pas de feu. Les médecins se plaignent du mauvais état physique des hommes. Privés de sommeil, mal nourris, crapahutant sur un terrain difficile, chargés d’armes et de munitions, ils sont épuisés physiquement et mentalement. Ils ne comprennent pas et ne comprendront jamais ce qu’ils font ici. Seule la camaraderie leur permet de tenir. Le bruit que des négociations sont engagées avec le F.L.N. commencent à circuler. Le contingent comprend mal alors que les opérations militaires continuent. Les exigences des Pieds-noirs, l’absence de renseignement sur la durée du séjour commencent à indisposer. Pourtant les officiers de terrain restent frappés par le courage des appelés qui continuent à faire leur boulot. Les opérations continuent sur le terrain, Prométhée, Cigale, Flammèche, Rubis I puis Rubis II, Cigale, Éventail, Alex, Ariège, Charente, etc.

Dans un discours le 4 novembre, De Gaulle prononce les mots "Algérie Algérienne". La phrase tombe comme un couperet sur les soldats qui se demandent pourquoi ils sont venus en Algérie pour en arriver là ? Pourquoi tous ces copains morts ? Le 11 novembre, une vaste manifestation se déroule à Alger. Le service d’ordre est composé de gendarmes et de C.R.S. Le gouvernement n’a-t-il plus confiance à l’armée ? Le 10 décembre, nouvelles manifestations pour la venue de de Gaulle en Algérie. Les Européens d’Algérie sont en colère. Les heurts entre manifestants, C.R.S. et gendarmes sont violents. Le 11 novembre, ce sont les musulmans d‘Alger qui descendent en ville, drapeaux vert et blanc du F.L.N. en tête. Ils y auraient été poussés par les officiers des S.A.U. (l’équivalent urbain des S.A.S.) ? Les règlements de compte commencent. Le 18e Chasseurs parachutistes est placé en travers de la foule pour l’empêcher d’aller dans les quartiers européens. "On" tire sur les paras qui ripostent. Il y là aussi les Tirailleurs Algériens du 1er R.T.A. qui n’y comprennent plus rien. Plus loin, une unité du Matériel intercepte une ambulance bourrée d’armes. A Oran, à Bône, de semblables émeutes se déroulent. Le 14 décembre, le calme s’installe. Les autorités dénombrent 123 morts et 600 blessés dans toute l’Algérie.

13 février 1960

La guerre d'Algérie et les événements d'Alger occultent un événement très important qui se déroulent pourtant en Algérie au Sahara. La France procède à son premier essai d'une arme nucléaire. D'autres essais dans l'atmosphère et souterrains suivront. Des appelés en sont témoins. Subirent-ils les conséquences des radiations ? L'Armée reste très discrète sur ce problème malgré les jugements des tribunaux .

1961

8 janvier, référendum en métropole et en Algérie, sur l‘organisation des pouvoirs publics en Algérie. Les soldats deviennent agents électoraux. Il le faut car la question est incompréhensible pour une population illettrée, personne n’irait voter. Des camions sont chargés d’aller chercher les électeurs et de les emmener au bureau de vote. On persuade les électeurs de bien voter « oui. » Les soldats votent également, du moins ceux de plus de 21 ans. Les autres peuvent mourir pour la France mais ne votent pas. Les opérations militaires continuent. Ceux qui participent à l’opération « Ariège » dans les Aurès ne savent pas encore que c’est la dernière grande opération dans le djebel. Les grandes unités des réserves générales et les commandos de chasse font un grand nombre de prisonniers. Jamais plus ces unités ne devaient être engagées contre les djounouds.

Février 1961.

Naissance à Madrid de l’Organisation de l’Armée Secrète (O.A.S.). Pour l’instant cette naissance est discrète mais nous aurons l’occasion de parler de cette organisation.

21 au 26 avril 1961

Un putsch est organisé à Alger par 4 généraux prestigieux et un groupe d’officiers. Leur but est de conserver l’Algérie, coûte que coûte, à la France, mais par quels moyens et sous quel statut ? Les unités favorables au coup d’état ne sont pas négligeables : 1er R.E.C. (Régiment Étranger de Cavalerie), 16e Dragons, 13e D.B.L.E.(Demi-Brigade de la Légion Étrangère), 8e R.P.I.Ma (ancien Régiment de Parachutistes Coloniaux devenu Parachutistes d’Infanterie de Marine), 1er Cuir (Cuirassiers), 14e et 18e R.C.P.(Régiment de Chasseurs Parachutistes), Commandos Marines et Commandos de l’Air, 2e R.E.C., 5e R.E.I. (Régiment Étranger d’Infanterie), 8e R.C.A. et le 1er R.E.P. (Régiment Étranger de Parachutistes). Lorsque le 1er R.E.P. entre à Alger le 21 avril à 02H00 la résistance est nulle. Silencieux, les paras occupent tous les points stratégiques. Quelques officiers supérieurs et responsables politiques sont faits prisonniers par les insurgés.

Mais l’Armée d’Algérie ne marche pas d’un bloc. La Marine et l’Aviation ne suivent pas. D’ailleurs même dans les unités en révolte, tous ne sont pas d’accord. Au 14e R.C.P., deux compagnies refusent de suivre. La 13e D.B.L.E. se retire du complot, puis c’est le 1er R.E.C.. Les appelés, qui ne pensent toujours qu’à la même chose : rentrer au pays, ne marchent pas. A l’écoute permanente de leur transistor, ils refusent l’aventure.


La bataille du transistor

Des cadres d’active refusent de participer au complot. Des appelés d’ unités encore indécises rejoignent des unités fidèles à la République, comme ces 380 appelés du 9e R.C.P. qui prennent la route vers un régiment fidèle. Les appelés d ‘un régiment du Constantinois forcent les magasins d’armes. Les appelés du 14e Bataillon de Chasseurs mettent leur officiers en état d ‘arrestation. Des avions de la base aérienne de Maison-Blanche prennent l’air à la barde des Légionnaires. Des appelés se sont embarqués dans les avions qui partent se réfugier en métropole. Pour ne pas s’aliéner encore plus le contingent, les insurgés laissent partir les 800 libérables qui attendent devant le  El Mansour  dans le port d‘Alger. Y aurait-il une coupure entre l'armée de métier et le contingent ?

Les appelés ne sont pas là pour renverser le gouvernement de Paris. L’information circule que l’opinion publique de métropole est totalement au côté du Général de Gaulle. En métropole, par peur d’un lâcher de parachutistes, dans l’affolement, des réservistes sont rappelés pour garder des points stratégiques à Paris et en province. Le gouvernement appelle la population à se rassembler sur les aérodromes parisiens pour faire barrage aux putschistes. L’Élysée et la Chambre des députés sont protégés par des unités blindées. Les unités métropolitaines dont la loyauté est suspecte sont consignées.

L’armée française ce n’est pas uniquement les troupes d’Algérie. Les unités d’Allemagne ne bougent pas. Les appelés d’Allemagne n’espère qu’une chose, que la guerre en Algérie se termine vite pour ne pas avoir à la faire. Les unités métropolitaines qui devaient entrer dans Paris : 501e Régiment de Chars de Combat, 2e Hussards refusent de marcher. A Orléans, les officiers insurgés qui se présentent au 2e Hussards ne peuvent même pas franchir le poste de garde.

Faute d’un appui massif, tout va aller très vite. En 4 jours, le putsch a échoué. Les 4 généraux sont en fuite. Ils seront jugés par la suite. 500 officiers sont mis en congé spécial, 1 300 démissionnent (ou sont vivement invités à le faire). Des hauts fonctionnaires sont révoqués, coupables de tiédeur, des officiers généraux sont mis derrière les barreaux.

Le 1er Régiment Étranger de Parachutistes, les 14e et 18e Régiments de Chasseurs Parachutistes sont dissous, leurs effectifs répartis dans d’autres unités. Les autorités politiques manifesteront envers les obscurs et sans-grade, qu’étaient les appelés, une ingratitude qui n’est pas loin du mépris que leur avait montré les putschistes qui ne s’étaient aucunement souciés de leurs éventuelles réactions à un coup d’état. Dès le début de la guerre le haut-commandement en Algérie a d’ailleurs exprimé le plus grand mépris pour ces appelés. Un nombre important de rapports affirmait que cette masse ne pense pas. Le contingent aurait il une opinion ? Qui s’en soucie, à part les officiers de terrain qui partagent son sort au quotidien. Mais l'opinion va changer. Ultérieurement, les putschistes seront amnistiés et les appelés oubliés.

20 mai 1961 : France

Des pourparlers sont engagés à Evian entre des représentants du gouvernement français et le G.P.R.A. (gouvernement provisoire de la république algérienne). La gouvernement français annonce à cette occasion une trêve unilatérale. Toutes les opérations offensives de l’Armée française sont interrompues. Dans les faits, elles continuent dans l’Ouarsenis, la Kabylie. Les opérations de patrouille et de contrôle continuent. Des appelés continuent à mourir tous les jours. Les pourparlers sont rompus le 13 juin.

8 juillet 1961

La 2e Division Légère d’Infanterie est retirée d’Algérie et regagne la métropole. A la fin du mois, c’est une seconde division qui rentre. Le désengagement est commencé. Le bled est peu à peu dégarni ; les garnisons se recentrent autour des villes. Le maintien de l’ordre dans les villes est confié aux gendarmes et aux C.R.S., les appelés ne devraient plus participer à ces opérations.

Le 20 juillet de nouvelles négociations s’ouvrent à Lugrin. Elles dureront 8 jours, sans succès.

Les attentats se multiplient, l’Algérie glisse vers l’anarchie. Attentats O.A.S. contre les musulmans, attentats F.L.N. contre les Européens, O.A.S. contre gendarmes et C.R.S., A.L.N. contre les troupes françaises. Embuscades, mitraillages, assassinats, deviennent le lot quotidien. Le 16 août, le commandement relance les opérations militaires contre les maquis de l’A.L.N.. Il est bien tard , entre-temps, l’A.L.N. s’est renforcée.

Les rues d’Alger
Les rues d’Alger

A Alger et à Oran, il faut se résoudre à utiliser de nouveau la troupe pour maintenir l’ordre. Tirailleurs, Parachutistes, Zouaves, sont de nouveau pris pour cible. Avec les gendarmes et les C.R.S. venus de métropole, il y a maintenant 35 000 hommes pour maintenir l’ordre à Alger. Les soldats multiplient les quadrillages, les contrôles, les perquisitions. Des incidents éclatent à Blida, à Baraki, avec leur lot de morts et de blessés.

Suite au putsch manqué, l’O.A.S tente de faire basculer l’opinion publique en faveur du maintien de l’Algérie à la France. Les attentats de l’O.A.S. en métropole ne se comptent plus, des garnisons sont attaquées. Ces actes vont à l’encontre du but recherché, l’opinion publique métropolitaine ne bascule pas dans le camp de l’O.A.S. et des manifestations monstres dans les grandes villes de France dénoncent les attentats.


1959



1962