1941

20 janvier 1941

Les Suisses commencent à libérer les soldats français qu'ils avaient internés lors de la fin de la campagne de 1940. Les premiers trains les ramènent en zone libre.

Si l'Armée française a capitulé en Europe, il reste d’importantes forces encore disponibles. Tout ne va pas pour le mieux dans cette Armée d'armistice déchirée entre le serment fait au Maréchal Pétain et le désir de chasser les Allemands. Mais pendant plus d'un an, c'est une armée métropolitaine exclusivement composée de volontaires. Nous l'avons vu les conscrits potentiels sont incorporés aux Chantiers de Jeunesse ou déportés par le S.T.O.. 

En Afrique du Nord, 30 000 hommes sont opérationnels. L'effectif est porté à 120 000 hommes par la mobilisation d'hommes encore disponibles, musulmans et européens. Sous le contrôle d'inspecteurs allemands et italiens qu'il est facile de berner. Sur ce vaste territoire des dépôts de matériel sont camouflés. Ce matériel sera, hélas, bien dépassé quand l'heure sera venue de s'en servir.

Décembre 1941

Parution du décret "Nacht und Nebel Erlass" (nuit et brouillard) qui ordonne de s'emparer des personnes présentant un danger pour la sécurité de l'Allemagne. Consigne est de les faire disparaître quelque part en Allemagne sans laisser de trace. Les prisonniers de guerre détenus en Allemagne sont aussi concernés par cette mesure. Les évadés repris sont parfois livrés à la Gestapo. Ensuite leur sort est lié aux arbitraires de ce sinistre service qui tisse sa toile sur l'Europe.

Les Français face aux Japonais

Le 29 juillet 1941, les Japonais pénètrent en Indochine Française conformément à un accord signé avec le Gouvernement de Vichy le même jour. Ils sont 50 000 et viennent participer à la "défense commune". L'amiral Jean Decoux qui commande en Indochine depuis juin 1940, respecteux des ordres reçus de l'Amiral Darlan, va se retrouver entraîné dans une collaboration avec l'occupant. De fait, les 54 000 hommes de l'Armée Française, dont 12 000 d'origine européenne, vont coexister avec les troupes japonaises sans aucune collaboration militaire. Toutes les facilités sont accordées aux Japonais qui s'établissent dans des camps de la Coloniale, les bases maritimes, les bases aériennes. De la base de Saïgon-Tan Son Nhut partent les appareils qui coulent les cuirassés anglais Repulse et Prince of Wales en décembre 1941.

Très vite, toutes les exportations de matières premières partent vers le Japon. Premier différent lorsque les Japonais demandent la mise à leur disposition des navires marchands. Les équipages, qui sont des civils, refusent et mettent sacs à terre. Les paquebots Aramis, D'Artagnan, Leconte-de-Lisle et Bernardin-de-Saint-Pierre seront coulés par l'aviation alliée plus tard.

Decoux toujours respectueux des ordres de Vichy s'enfonce encore plus dans la collaboration lorsqu'il accepte une décoration japonaise. En 1945, les Britanniques oublieront, pas les Américains. Les officiers de marine français occupent tous les postes importants négligeant leurs confrères de l'armée de terre et de l'aviation. Les soldats suspectés de Gaulisme sont incarcérés au camp de Long-Xuyen. Quelques autres passent en Chine. Le culte de Pétain est en vigueur comme en métropole. Puis une commission allemande débarque en 1943. Collaboration bien entretenue par les Japonais qui ramène chez eux les contingents vietnamiens et laotiens capturés sur le front français en 1940.

Nous verrons en 1945 ce qu'il adviendra de la collaboration franco-japonaise.

28 mai 1942

L'occupant instaure en zone occupée le port de l'étoile jaune pour les Juifs. Les anciens combattants, survivants de 1914-1918, ceux de 1939-1940 en sont exemptés dans un premier temps. Le gouvernement de Vichy qui s'appuie pourtant sur les anciens combattants institue un statut pour les juifs même anciens combattants. Les juifs titulaires de la carte de combattants et qui avaient pu jusque là continuer à exercer une fonction, à condition toutefois qu'elle soit subalterne, se voit appliquer la même mesure qu’à leur coreligionnaire. Désormais toute une série d'emplois leur est interdite.

15 juin 1942

Mise en place de la relève, 1 prisonnier libéré contre 3 volontaires pour travailler en Allemagne. Succès très limité de cette mesure. Voir le chapitre sur les Prisonniers de Guerre.

25 août 1942

Décret de mobilisation des Alsaciens et des Mosellans dans l'Armée allemande. Sur 200 000 mobilisables, 40 000 désertent. En mai 1941, ils avaient déjà été mobilisé dans une forme de travail obligatoire. Cette fois, tous les hommes sont appelés au service armé y compris les anciens de la Ligne Maginot. Les classes nées entre 1908 et 1928 sont dispersées dans les unités de la Kriegsmarine, de la Werhmatch ou de la Waffen SS (jamais plus de 5 % d'entre eux dans les unités allemandes). Ils seront 110 000 Alsaciens et 30 000 Lorrains, les “Malgré Nous” à combattre sur le front de l'est et quelques uns à l'ouest, en uniforme felgrau. Certains d'entre eux, prisonniers de l'Armée Rouge mettront plus de 15 ans à être libérés. 40 000 seront tués ou portés disparus et 17 000 faits prisonniers par l’U.R.S.S., 35 000 seront blessés et invalides.

11 novembre 1942

A la suite du débarquement anglo-américain en Afrique du Nord (voir chapitre suivant), l'Armée allemande franchit la ligne de démarcation (opération Anton). Ce n'est pas uné réelle surprise, le gouvernement de Vichy s'y attend depuis le 9 novembre. Cette opération baptisée d'abord Attila est prévue par les Allemands de longue date (certainement décembre 1940 ?), manquait un prétexte et l'accord des Français. De l'accord, les Allemands vont s'en passer et le prétexte est trouvé, protéger les côtes françaises d'une agression anglo-américaine. Le 10 novembre, l'Armée d'armistice est en état d'alerte, ses unités prêtes au combat. Le gl Verneau, Chef d’État-Major de l’Armée de Vichy a rejoint son PC de campagne et attend (le gl Verneau prendra la tête de l'Organisation de résistance de l'armée après l'arrestation du gl Frère, sera capturé et mourra à Buchenwald). Le gl Bridoux, ministre de la guerre tranche : rentrez dans vos casernes. Il faut un appel téléphonique à chaque commandant de division pour les persuader d'obéir. C'est le gl Delmotte qui s'y attache. La situation est de plus en plus confuse. Les généraux sont perplexes puis finissent pas obéir. Les troupes rejoignent leurs cantonnements d'où elles vont voir défiler les colonnes allemandes.

07H00, 11 novembre, les premières unités allemandes franchissent la ligne de démarcation. Les postes frontières alertent Vichy. A 08H30, le ministre de la guerre le gl Bridoux donne l'ordre de ne pas résister. A 09H20, le train blindé de Von Rundstedt est en gare de Vichy. Le 12 novembre à 05H20, les avants-gardes allemandes sont à Marseille. Peu après, elles sont à Montauban, Perpignan et Chambéry. Plusieurs personnalités françaises sont emprisonnées. Les services de la Gestapo commencent leur besogne. La Wehrmacht met la main sur les approvisionnements de l'Armée d'armistice. Les ordres de distribuer les stocks à la population civile n'ont pas été suivi par des militaires-fonctionnaires bornés, faute d'ordres écrits que le ministre Bridoux est bien en peine de leurs transmettre.

Le commandant de la 16e Région Militaire de Montpellie, le gl De Lattre de Tassigny est l'un des rares à être opposé à l'absence de réaction à l'arrivée des Allemands. Mais il ne veut pas exposer ses soldats. C'est suivi d'une compagnie de l'Ecole des Cadres qu'il prend la route. Il est arrêté par les gendarmes. Il est emprisonné à Toulouse puis à Lyon avec quelques autres officiers, De Lattre paie cette volonté de résistance de 10 ans de prison. Il s'évadera de Riom en septembre 1943. Nous allons le retrouver.

Deux enclaves échappent à l'occupation allemande : Vichy et la base navale de Toulon.

27 novembre 1942

L'Armée d'armistice est désarmée et dissoute. La dernière illusion de Vichy de participer à la reconquête du territoire s'évanouit. Les casernes sont occupées par l'Armée allemande qui y découvre les stocks d'armes dissimulés souvent à l'insu du gouvernement de Vichy. 

27 novembre 1942 :Toulon

01H30, les habitants de Cuges-les-Pins sont réveillés par les bruits de chenilles qui traversent le village. La gendarmerie est envahie, les fils de téléphone coupés. A 03H30, mêmes scènes à Ollioules. La 7.panzer et la SS.Das Reich sont en marche vers Toulon. C'est l'opération Lila pour se saisir du port, de l'arsenal, des navires. Des commandos de marins accompagnent l'armée. Les SS traversent la Valette en trombe. A 04H30, ils débouchent sur le terre-plein du fort Lamalgue. La 7.panzer est en retard. Erreur des SS, ils oublient de couper le réseau marine de téléphone et l'amiral Robin, en pyjama, appelle le major-général, l'amiral Dornon qui prévient l'amiral Jean de Laborde, commandant supérieur de la flotte à Toulon, sur son navire-amiral le Strasbourg. 04H57, de Laborde donne l'ordre d'allumer les feux sur tous les navires, branle-bas de combat pour toute l'escadre. Les téléphones crépitent, les messagers partent dans toutes les directions. Les ordres de Laborde ne peuvent toucher en principe que les navires de haute-mer mais bientôt le relais est pris pour les navires en cale-sèche, la D.C.A., la 2e flotille de patrouille, la division de police, les écoles, les sous-marins du Mourillon. Les Allemands devraient avoir déjà atteints les navires. Les SS. s'égarent dans le dédale de l'arsenal, les panzers ont une heure de retard.

L'assaut donné par des chars au Mourillon est repoussé un moment par quelques rafales de fusils-mitrailleurs. Les équipages des sous-marins à peine habillés lancent les moteurs du Casabianca, de la Vénus, de l'Iris, du Glorieux et du Marsouin. Ils vont s'échapper alors que l'arsenal du Mourillon tombe entre les mains allemandes.

La base navale est désormais prise en tenaille. Les projecteurs allemands balaient les bassins, la Luftwaffe sillonne le ciel, lançant des fusées éclairantes et les premières bombes tombent.

05H20, l'amiral Laborde donne l'ordre ultime : "Dispositions Finales". Tout a été prévu, les équipages savent ce qu'ils ont à faire. En moins de 20 minutes, l'ordre parvient à tous les navires. "Dispositions finales, c'est "Se Saborder !". Les Allemands sont au pied de la passerelle du Strasbourg. L'ordre de Laborde ne peut plus être arrêté. Depuis Vichy, Laval et l'Amiral Le Luc prévenus tentent d'arrêter les destructions. Le major-général l'amiral Dornon les ignorent et prend la décision de laisser faire. A 06H00, les Allemands débouchent sur les quais en grand nombre. Trop tard, les navires commencent à s'enfoncer dans le bruit des explosions. Les marins français sur les quais, les larmes aux yeux regardent leurs navires disparaître. Les marins allemands sont aussi émus. Sur le Strasbourg, de Laborde refuse de partir. Un blindé allemand prend position derrière le batiment. Le commandant en second procède aux sommations d'usage et commande le feu d'une mitrailleuse sur le blindé qui riposte avec un obus qui n'éclate pas. 4 hommes sont blessés cependant et le lieutenant de vaisseau Faye est tué. Trois navires sont apparemment intacts, l'Algérie, le Colbert, la Marseillaise. Des marins allemands veulent monter à bord. Les marins français vont leur sauver la vie car les navires sont vite transformés en brûlots.

Sur le Strasbourg, de Laborde refuse de descendre. Les généraux allemands échouent dans leur tentative de le raisonner et n'osent pas employer la force. Ce n'est qu'en fin d'après-midi, sur ordre du Maréchal Pétain, que de Laborde consent à quitter son navire. Après la guerre, l'amiral Jean de Laborde sera condamné à mort et sa peine commuée en détention (il sera libéré en 1957).

Quelques marins ont été tentés de résister, mais ils sont trop peu nombreux pour influer sur ce coup de force. Des milliers d'autres sont faits prisonniers. La marine de guerre française vient de disparaître. 90 navires ont appliqués les consignes de sabordage : 3 cuirassés, 7 croiseurs, 15 contre-torpilleurs, 13 torpilleurs, 6 avisos, 12 sous-marins, 9 patrouilleurs et dragueurs, 19 bâtiments de servitude, 1 bâtiment-école, 28 remorqueurs et 4 docks de levage sont inutilisables. Sont intacts, une demi-douzaine de navires en réparations qui n'avaient pas d'équipage.

Des 5 sous-marins évadés, le Marsouin venu d'Alger après le 8 novembre et le Casabianca rejoignent Oran. L'Iris se réfugie à Barcelone, un tiers de son équipage est rapatrié, les autres restent à bord jusqu'au jour où les Espagnols les internent au camp de Miranda. Le commandant en second, qui avait fait appareiller le navire en l'absence du capitaine, est resté à bord et les Espagnols n'osent le déloger. Ils vont attendre février 1943 pour restituer à l'Iris une partie de son équipage et le diriger sur Carthagène. A la fin de la guerre, l'Iris rejoint Oran avec 10 hommes et un officier qui ont entretenu le navire. Le commandant de la Vénus arrivé dans les fonds de 300 mètres croit voir le Casabianca couler alors qu'il plonge. Il fait embarquer ses quelques hommes dans un canot et saborde son navire. Le Glorieux se dirige vers Barcelone puis vers Valence. En cours de route, il intercepte un message destiné au Marsouin lui prescrivant de joindre le cap Matifou où l'attendra un escorteur de la marine d'Alger. Le Glorieux prend cette route et rejoint l'Afrique du Nord.

17 février 1943

Décret instituant le S.T.O. pour les jeunes gens nés en 1920, 1921 et 1922. Comme par miracle, un grand nombre de jeunes trouvent des emplois immédiatement dans les P.T.T., la S.NC.F., la Gendarmerie, les Marins-Pompiers, etc. Des fonctionnaires de l'administration française sabotent les directives qu'ils viennent de promulger.


Les prisonniers



L'Armée d'Afrique