LA RESTAURATION

La première Restauration a duré moins de 100 jours. Après Waterloo, Louis XVIII revient au pouvoir pour la seconde fois. La conscription est supprimée. L’Armée impériale est licenciée par l'Ordonnance Royale du 16 juillet 1815. Il reste un million de soldats survivants de la Grande Armée. Pour bénéficier d'une pension, ils doivent avoir 30 ans de service. Même si les campagnes comptent double, il y a bien peu de bénéficiaires de ces pensions, d'autant que ceux qui ont participé à la campagne des 100 jours sont exclus de tous droits.

Pour les Français un objectif : reconstituer l’Empire colonial disparu pour redonner à la France sa grandeur. Pour des motifs à la fois économiques et politiques, la France envoie ses soldats en Afrique, en Amérique, en Asie, en Océanie. Jusqu’ en 1870, le destin des soldats français se jouera aux colonies. Pendant quelques années la conscription étant supprimée, les effectifs de l’armée sont composés uniquement d’engagés volontaires. On sait ce que volontaires veut dire en ses temps de difficultés économiques où s’engager est le plus souvent une occasion d’échapper à la misère. Le retour du drapeau blanc de la royauté indispose un grand nombre de ces soldats même volontaires.

Les conquêtes du Sénégal, de l’ Inde dès 1817, de Madagascar et de Guyane en 1818 sont des expéditions lointaines où la Marine est mise à contribution. Cette marine est dirigée de nouveau par des officiers royalistes revenus d’exil. Ils n’ont pas commandé à la mer depuis 20 ans (ou plus) et vont vite démontrer leurs limites. L’exemple le plus flagrant est le naufrage de  la Méduse au large de la Mauritanie. Le commandant Hugues Duroy de Chaumareys, qui n’a pas arpenté une passerelle depuis 25 ans, va échouer son navire sur un banc de sable pourtant connu et évacuer le bord avec son état-major en abandonnant son équipage et ses passagers. Il y a 200 morts. Le célèbre tableau que Géricault va brosser de ce fait divers porte un coup sévère au prestige de la marine. Dès 1817, le ministre de la marine, le comte Molé, va débarquer 700 officiers “rentrés” dont 12 amiraux et 96 capitaines de vaisseau. Simultanément il va réintégrer des officiers trop vite licenciés à la fin des Cent-jours. Mais en trois ans, les efforts consentis dans les dernières années de l'Empire vont se dilapider. La Restauration pratique une politique budgétaire austère et la Marine est l'une des premières touchées. Le souvenir de Trafalgar reste marqué dans tous les esprits. A quoi bon consacrer de l'argent pour une Marine qui n'égalera jamais celle de l'ennemi héréditaire. D'autant plus que le recrutement des équipages reste insoluble. Cette situation n'empêche pas une reprise en main de la discipline par l'application stricte des règlements .

1816 : Atlantique.

Expédié de France, la quasi-totalité d’un bataillon de Troupes de marine à destination du Sénégal disparaît en mer . Ceux qui restent avec femmes et enfants recrutent les premiers soldats de couleur pour reconstituer un bataillon : le 1er Bataillon du Sénégal. La France s’implante en Afrique de l’ouest, elle n’en partira plus. Le bataillon va s’étoffer ensuite avec l’apport de nouveaux soldats métropolitains.

1818 : France.

Le service militaire obligatoire est rétabli le 12 mars 1818 (loi Gouvion-Saint-Cyr) et la durée en est fixée à 6 ans. Le tirage au sort est en vigueur pour recruter 40 000 hommes par an (soit un conscrit sur 10) pour maintenir l‘armée à un effectif voisin de 200 000 hommes. La possibilité de se faire remplacer est maintenue. Pour moraliser ce système, une loi de 1855 limite le remplacement à la famille proche et crée l'exonération.

1821 : France.

Reconstitution de l’Infanterie de Marine par mise à la disposition du Ministère de la Marine de troupes de l’armée de terre. Ce sont 2 régiments d’infanterie et un d’artillerie pour le service des arsenaux et des troupes à bord. Ce n’est qu’en 1828 que des Troupes de Marine commencent à être affectées aux colonies et exclusivement à l'extérieur de la métropole. Ces unités ne doivent pas comporter de conscrits car en principe, ces derniers sont exclusivement affectés en métropole. L'Afrique du Nord ne sera pas considérée comme une colonie et les conscrits pourront y être envoyés. L’Artillerie de marine, elle n’a jamais cessé de combattre depuis la Révolution, elle fait partie intégrante de l’artillerie des batailles de l’Empire. Avec la réorganisation des Troupes de marine, l’Artillerie de marine va combattre désormais également outre-mer.

1822 : La Rochelle.

Le 21 septembre 1822, quatre sergents du 45e Régiment de ligne, basé à La Rochelle, sont guillotinés à Paris, en place de Grève. Leur crime est d'appartenir à une organisation secrète, la Charbonnerie, qui fait profession de comploter contre le régime. Mais à travers cet exemple, c'est bien à tous les nostalgiques de l'Empire et à tous les suspects de "libéralisme" que le pouvoir s'adresse.

1823 : Espagne.

Les représentants de la Sainte-Alliance (Russie, Autriche, Prusse) réunis à Vérone confient à la France le soin de donner une leçon aux libéraux espagnols qui viennent de s'emparer du pouvoir. Le corps expéditionnaire de 80 000 hommes est placé sous le commandement du duc d'Angoulême, neveu du roi Louis XVIII. Comme prévu, l'affaire est une promenade militaire. Rien à voir avec la guerre contre Napoléon 1er ! Les Français entrent à Burgos le 6 mai. Tandis que les Français approchent de Madrid, l'Assemblée des Cortés aux mains des libéraux transfère la famille royale à Cadix, en Andalousie. L'Armée française entre à Madrid le 23 mai puis traverse la péninsule à la recherche de la famille royale. Elle arrive à son tour devant Cadix.

La marine avec 67 bâtiments (amiral Duperré) appuie cette intervention en bombardant les forts de l'Ile Verte et Santi-Pétri. La prise du fort du Trocadéro le 31 août, qui défend le port de Cadix, est l'élément marquant de la campagne. Le fort est enlevé à la baïonnette, à marée basse, par les soldats qui n'ont pas hésité à se jeter à l'eau. La marine débarque 4 500 hommes renforçants les troupes à terre. Le 23 septembre, c'est la ville de Cadix qui est bombardée. La ville capitule le 1er octobre et le roi d’Espagne est remis sur le trône.

1824 : France

Par la loi Suchet, la conscription est portée à 8 ans et le contingent annuel passe à 60 000 hommes.

16 septembre 1824 : France.

Mort de Louis XVIII. Son frère, le comte d’Artois, lui succède sous le nom de Charles X .

1825 : Paris.

Le souvenir de l'Empire est plus que jamais très fort. Les obsèques du Général Foix, qui s'est battu à Orthez en 1815, donnent lieu à de vives manifestations contre le régime. En 1827, la Garde Nationale va accueillir "froidement" Charles X à l'occasion d'une revue, la Garde est dissoute dès le lendemain. Maladresse qui coûtera peut-être son trône au roi dans quelques années.

1825 : Sénégal.

Recruter des troupes indigènes est plus facile à réaliser par décret que sur le terrain. Le recrutement est notoirement insuffisant et une détachement du 16e d'Infanterie légère débarque au SénégaL.

1827 : Méditerranée.

Bataille navale de Navarin où une flotte anglo-franco-russe de 10 vaisseaux et 10 frégates défait une flotte turco-égyptienne. La France y dispose de 10 grands vaisseaux sur un total de 26. Les alliés alignent 1298 canons et 18 000 hommes contre 62 navires turcs avec 2106 canons et 22 000 hommes. Il semble que le tir de la flotte alliée soit consécutive à un "malentendu" provoqué par l'amiral anglais Codrinton. Au soir du 20 octobre, la flotte turque est anéantie. Les Turcs comptent 6 000 morts, les Alliés 654 tués et blessés. Pour la première fois depuis 1674, les Français et les Anglais sont alliés. Les navires français (amiral de Rigny) ont fait leur part du travail, notamment le vaisseau le Breslau et la frégate l'Armide. Les Français ont perdu 42 tués et 142 blessés. Ce sera la dernière bataille exclusivement de navires à voiles. La machine à vapeur va apparaître.

1827: Algérie.

Sous le prétexte d’une insulte faite à notre consul (un coup de chasse-mouches aurait été donné par le dey ? ), la Marine française entame un blocus des côtes algériennes le 17 juin avec 3 navires. Des excuses sont exigées du Bey qui ne peut se soumettre à une telle humiliation. Pendant 3 ans, des navires bloquent le port d’Alger empêchant les navires barbaresques d’entrer et de sortir, par contre les autres navires circulent normalement. C’est le début d’un long processus qui va déboucher à partir de 1830 sur la colonisation de l’Afrique du Nord.

1828 : Grèce.

L’action de 1827 se poursuit avec le débarquement de 14 000 soldats français (gl Maison) le 1er août 1828. Cette expédition de Morée s'accompagne d'une forte participation des scientifiques de l'époque. La Grèce est alors "à la mode". Le 30 octobre, les troupes égyptiennes évacuent le Péloponnèse. Le gros des troupes françaises rentre dès novembre et il reste jusqu'en 1833 une brigade d'occupation.

1829 : Algérie.

Devant Alger, les marins s’ennuient et les incidents sont fréquents. Les équipages de trois chaloupes qui se sont égarées dans la brume doivent livrer combat à plusieurs centaines d’assaillants. Les marins sont massacrés. Un navire qui s’approche de la côte essuie une vive canonnade. La France tente une conciliation le 30 juillet. L’entrevue se passe bien mais en sortant du port, les navires français encaissent 90 coups de canon.

Les plans d’une invasion de l’Algérie établis sous Napoléon Ier en 1808 sont sortis des archives. Cette fois la France sollicite l’accord des autres nations européennes et l’obtient, même si pour l’Angleterre, c’est du bout des lèvres. Des observateurs européens doivent accompagner l’expédition. En 3 mois, les préparatifs de l’expédition sont terminés.

1830 : Algérie.

Une flotte de 99 (où 104 ?) navires de guerre armés par 27 000 marins dont 11 vaisseaux, 25 frégates, accompagne 572 transports. Pour la première fois, la flotte française comprend 7 navires à vapeur et roues à aubes. Dont 4 de 160 cv, le Sphinx, le Pélican, le Souffleur, le Nageur. Ces navires modernes assurent les liaisons et au besoin remorquent les voiliers.

Le corps de débarquement est composé de 3 divisions d’infanterie (soit 18 régiments avec 31 000 fantassins), de 2 bataillons de cavalerie (venus des 13e et 17e Chasseurs), 112 bouches à feu et leurs artilleurs, des hommes du Génie et leur matériel de siège et 127 Gendarmes. Pour l’ensemble 36 450 officiers, sous-officiers et soldats. Les géographes, géologues, interprètes, peintres ne sont pas comptabilisés. Les soldats sont réservés sur le choix du commandant en chef, de Bourmont, le déserteur de Waterloo. Il est brocardé dans une chanson que tous les soldats fredonnent. Dans leur majorité, les soldats sont des engagés, mais il y a aussi un nombre important de conscrits. Conscrits toujours tirés au sort parmi les ruraux qui n’ont pu payer un remplaçant. Conscrits qui après tant d’années de service sont devenus souvent des professionnels de la guerre. Ils ont tous plus de 3 ans de service. Rappelons nous que ces conscrits sont plus de 200 000 aux armées. Tous ces soldats ont été conditionnés par toute une littérature abondamment diffusée par les curés et les maires, présentant les Arabes comme des sauvages, attardés, maltraitant leurs femmes, vivant dans la saleté, aux mœurs dissolues. Le soldat français va apporter avec lui la civilisation. Si les hommes de troupe peuvent en douter, les officiers eux n’en doutent pas. Les soldats sont lourdement équipés comme pour une campagne en Europe. Le pantalon garance est toujours en usage. Sa couleur aura son importance dans les batailles à venir. Exceptionnellement, l’intendance suit. Des transports sont chargés de farine, biscuits, riz et légumes secs, bœufs et lard salés. Une partie des transports est d’ailleurs fournie par les autres pays européens.

Partie de Toulon le 26 mai 1830, la flotte arrive en vue des côtes algériennes le 31 mai. L’Amiral Duperré, sur la Provence, qui commande la flotte (de Bourmont commandant les troupes terrestres) estime que les vents ne sont pas favorables pour mettre les soldats à terre et la flotte fait demi-tour. S’abritant derrière l’île de Majorque, la flotte attend quelques jours puis repart. Les soldats sont dans leurs embarcations depuis 3 semaines.

Le 14 juin 1830 à 4 heures du matin, les troupes sont mises à terre à Sidi-Ferruch (aujourd'hui Sidi-Fredj) à quelques kilomètres à l’ouest d’Alger sous la protection des vaisseaux de guerre qui tiennent tout l‘horizon marin. Le Sphinx et le Nageur ont pu s'approcher et neutralisent les quelques batteries côtières. L’honneur de débarquer les premiers revient à 2 marins anonymes de la Surveillante  qui touchent terre avec la première chaloupe et plantent un drapeau français. Les premiers soldats débarqués sont 3 bataillons d’infanterie du 4e Régiment d’Infanterie Légère, du 2e d’Infanterie Légère et du 3e d’Infanterie de Ligne. Se doutent-ils qu’ils sont les premiers de millions d’autres soldats qui débarqueront dans les 134 ans qui vont suivre, certainement pas. A midi, le débarquement de 20 000 hommes de l’infanterie est terminé. La sueur ruisselle sous les habits vestes. Le sac arrache la peau du dos, il contient 5 jours de vivres et de munitions. A la main, le fusil 1777 pèsent des tonnes. A la tombée du jour, toute la presqu’île de Sidi Ferruch est conquise au prix de 32 tués et blessés. C’est un triomphe, il reste à prendre Alger. En trois jours, toutes les troupes et tout le matériel sont à terre. Des compagnies de marins sont chargés de la défense du camp retranché.

Le 19 juin, c’est la contre-attaque arabo-turque. 40 000 janissaires et supplétifs attaquent les colonnes françaises. Baïonnettes au canon, les Français s’élancent. En face, c’est la débandade. Les Français perdent 57 tués et 437 blessés, dont plusieurs mourront faute de soins appropriés. Si l’intendance suit, le service de santé est encore insuffisant. La marche sur Alger est très lente car le Génie construit au fur et à mesure de l’avance une route pour les chariots et l’artillerie.

Le 29 juin, Alger est en vue, toujours surveillé de la mer par le blocus. Un seul obstacle subsiste “Fort l’Empereur”, l’ouvrage qui défend Alger depuis la terre.


Fort l’Empereur

Le 4 juillet, l’artillerie française bombarde le fort. A 10H00, violente explosion, le fort vient de disparaître dans un nuage de fumée (coup heureux ou destruction volontaire). Le 35e de Ligne part à l’assaut suivit par d‘autres régiments. Quelques minutes plus tard, 2 soldats du 17e de Ligne hissent le drapeau blanc fleurdelisé sur le fort. Le Dey envoie des parlementaires. Il n’y a aura pas plus de combat pour Alger.

Alger est occupé le 5 juillet 1830. La Casbah est pillée. Dans les coffres, un imposant butin est saisi. Son montant rembourse le Trésor Français des frais engagés pour l’expédition (et même au delà). Le bilan humain est à accueillir avec prudence : 400 morts et 2 600 blessés. Les malades ne sont pas encore comptabilisés et de nombreux blessés vont mourir. Les captifs enfermés à Alger voient enfin la liberté. Après 3 mois d’installation et de harcèlements, ce sont 6 000 hommes qui sont hors de combat, tués, blessés, malades. Dès la mise à terre, le soldat va découvrir une forme de guerre inhabituelle encore. Impossible de sortir isolé du retranchement, un coup de sabre et une tête vole.

Une colonne est envoyée en direction de Blida. Un contingent de 2 500 hommes (huit compagnies d’infanterie, un bataillon de marche, 24 sapeurs, un escadrons des nouveaux Chasseurs d’Afrique) installe son bivouac sous les murs de cette ville. Attaquée, la troupe revient sur Alger. Une colonne prend la route pour occuper Oran (21e de Ligne et 2 obusiers). Deux régiments de Ligne débarquent à Bône. Pour l’heure, les tentatives d’occupation se limitent à la côte. La conquête ne sera pas aussi facile que prévue.


Alger 1830

A Paris, d’autres événements se déroulent, la Royauté est renversée.

Ces évènements n’arrêtent pas la conquête. En novembre, une colonne prend la route du sud à partir d’Alger. La ville de Blida est rapidement dépassée, une garnison y est laissée et par les gorges de la Chiffa la colonne poursuit sa route en direction de Médéa. La piste est difficile. Les sapeurs sont contraints de tailler une route pour l’artillerie. Au col de Mouzaia, c’est le combat. L’ennemi recule et Médéa est conquise. Une garnison s‘installe. Toute la conquête sera ainsi. Des colonnes parcourent le pays en combattant tour à tour les tribus qui finissent pas se soumettre.

Le nouveau gouvernement à désormais d’autres projets que la conquête de l’Algérie. La grande majorité des troupes rentre en France. Il reste moins de 10 000 hommes en Algérie (les 28e, 15e, 20e et 30e de Ligne tirés au sort). L’occupation se limite à Alger et ses environs proches. Même Sidi-Ferruch a été abandonné. Pour suppléer en partie au départ des troupes métropolitaines, 2 000 Zouaouas sont recrutés (création des Zouaves le 1er octobre 1830). Ils seront mieux connus sous le nom de Zouaves. Il est fait appel aux volontaires parisiens sans travail. Il va en arriver quelques centaines, sans aucune expérience militaire. Les "volontaires de la Charte" arrivent en Algérie en février 1831 et sont incorporés aux Zouaves avant de composer le 87ème de Ligne. On créé également deux escadrons de Zouaves à cheval qui seront incorporés plus tard aux Chasseurs d'Afrique.

1830 : France.

La durée du service est portée à 7 ans, toujours avec tirage au sort. Mais après 7 ans, les hommes sont libérés du service car le système des réserves n’est pas encore institué. Ces sept années ne comportent pratiquement aucune permission. Les permissions de la journée, de la nuit, de 24 heures sont inconnues. Seul est connu le quartier libre après le travail. Une circonstance grave, décès d’un père ou d’une mère peut permettre une permission de 8 à 15 jours. Cela reste une exception. Seuls les officiers peuvent espérer un congé de 30 jours. Au bout de 5 à 6 ans de service, les sous-officiers, caporaux et soldats pouvant justifier d’une bonne conduite peuvent solliciter un congé de 6 mois ou congé de semestre. Mentionnons que les conscrits étaient bien incapable de payer les frais de transport jusque chez eux. Il faudra attendre une vingtaine d’années avant qu’un système de permissions soit institué.

1830 : Paris.

27 Juillet : Le régime devient de plus en autoritaire sous l'influence des "étrangers de l'intérieur" que sont les émigrés revenus d'exil dans les bagages du Roi. Le roi veut légiférer par ordonnances sans l’avis du Parlement. Dès la promulgation des Premières Ordonnances supprimant la liberté de la presse, prononçant la dissolution du Parlement, et modifiant les règles du droit de vote, les manifestants descendent dans la rue à Paris. La saisie des journaux par le police aggrave la situation. Les députés refusent la dissolution de l'Assemblée et une partie se réfugie à l'Hotel de Ville de Paris.

La garnison de Paris est alors composée de 3 Régiments de Gardes Suisses (c'est une vieille tradition de la monarche française), de 2 régiments de cavalerie (lanciers et cuirassiers), de 4 régiments d'infanterie légère (5ème, 50ème, 53ème et 15ème), de 11 compagnies de Fusilliers, de Gendarmes d'élite et de 2 batteries d'artillerie. En banlieue proche, des troupes peuvent entrer dans Paris en quelques heures. Plus loin, d'autres bataillons d'infanterie et escadrons de cavalerie peuvent arriver en quelques jours. Avec la Garde Royale forte de 1 000 cavaliers et 300 fantassins, le Roi dispose immédiatement de 19 000 hommes. En huit jours, il peut disposer de 25 900 hommes et 36 pièces d'artillerie. Il n'en aura pas le temps. En réalité, beaucoup de soldats sont isolés, de garde devant les bâtiments officiels. Les régiments les plus expérimentés sont en Algérie. Les combats vont durer trois jours.

Les Gendarmes à cheval tirent les premiers coups de feu le 27 juillet sur la foule. Le maréchal Marmont chargé du maintien de l'ordre fait intervenir les Gardes Suisses, les Lanciers, la Ligne. On commence à relever les premiers cadavres. Les premières barricades sont dressées dans les rues dès le 27 juillet au soir. Marmont fait regrouper ses troupes qui gardaient les points sensibles alors que les premiers drapeaux tricolores flottent sur la ville et que les fleurs de lys sont abattues. Les troupes de Saint Denis, Rueil et Versailles entrent dans Paris, drapeaux en tête. 15 cartouches par homme, pas de ravitaillement, pas d'artillerie. La soupe a été vite avalée juste avant le départ. Les cuisines roulantes ont été supprimées. Avec les troupes de Paris, 4 colonnes sont formées qui marchent sur les barricades. Les premières barricades sont démantelées après une vive bataille. Mais très vite les "forces de l'ordre" sont tenues en échec face à la détermination des émeutiers et au manque de munitions. Le 28 juillet, les coups de fusil, les briques, les pavés tombent de toutes les fenêtres sur les soldats. Les insurgés ressortent des portes derrière les soldats. Sous un soleil accablant, les soldats ne sont pas ravitaillés. Les ordres ne sont pas clairs, le colonel du 5ème de ligne (Callavier d'Albizi) va se plaindre auprès de son général qui ne sait que décider. Le 5ème de Ligne met crosses en l'air. Voilà tout un régiment qui fait défection.

Le ventre vide et assoiffés les soldats n'avancent plus. Leurs officiers en sont réduits à leur distribuer de l'argent pour qu'ils achètent sur place ce que l'on veut bien leur vendre. Des bataillons entiers n'ont pas mangé depuis 36 heures. Les soldats qui protègent le roi au château de Saint Cloud ne sont pas mieux lotis. Le roi leur fait distribuer du vin. Le 29 juillet, Marmont propose une trêve. Elle n'est pas appliquée. Les insurgés attaquent le Palais du Louvre où sont retranchés les Gardes Suisses. On tiraille de partout. Vers les 09H00, les Suisses abandonnent et se retirent à toutes jambes. Les insurgés envahissent les palais du Louvre et des Tuileries (Tuileries détruites en 1870).

En un autre endroit, un groupe d'insurgés se retrouve face au 15ème de Ligne, 30 fusils contre 1 500. Scène racontée par Alexandre Dumas à la tête du groupe d'insurgés : "le Capitaine et Dumas discutent. L'officier sans ordre précis l'informe que si les insurgés ne tirent pas sur les soldats ceux-ci ne tireront pas." Dumas et ses 50 insurgés se retirent. Cà ne se passe pas toujours ainsi , Dumas raconte que sur son chemin il voit une centaine d'insurgés qui sont pris sous le feu d'un canon. 15 hommes en réchappent. Dumas rentre chez lui, son groupe de disperse.

Le commandement ne dispose plus des effectifs suffisants pour enlever les 6 000 barricades qui se sont élevées. Marmont qui bat en retraite avec ses soldats est remplacé par le Dauphin Louis-Antoine (héritier du trône) . Aucune troupe de province n’a été appelée et ne sauraient arriver à temps. Paris est aux mains des insurgés. Le 30 juillet, on entend encore des coups de feu isolés. Les troupes retraitent toujours.

Au château de Saint Cloud, le roi n'est plus entouré que de sa garde et de quelques troupes "fidèles". La cour se décide à partir vers Trianon où rien n'est prêt. Les soldats affamés et assoiffés,s'installent dans le parc. Certains n'on rien mangé depuis 24 heures. On abat les vaches de la laiterie royale pour les nourrir, on trouve un peu de fourrage pour les chevaux. On se sert des cuisines de Versailles. Resté à Saint Cloud, le Dauphin donne l'ordre à ses soldats de charger la foule qui s'approche. Les Lanciers de la Garde refusent puis dans une confusion totale chargent les insurgés. Les fantassins refusent eux de marcher et passent aux insurgés. Le Dauphin abandonne.

Paris le 1er août est calme et de nouvelles autorités provisoires se mettent en place. La plupart des généraux ont rejoints l'insurrection . Le roi et la cour partent de Trianon pour Rambouillet où là non plus rien n'est prêt. Il lui reste de moins en moins de soldats. Le 2 août au matin, le 2ème Régiment de Grenadiers de la Garde fait défection, colonel en tête. Plusieurs escadrons de cavalerie et des soldats isolés partent également. Le 2 août, Charles X et le Dauphin abdiquent, ils n'ont plus de troupes et se refusent à continuer les combats.

Charles X et la famille royale partent en exil et s'embarquent le 16 août à Cherbourg. Le roi est déjà remplacé sur le trone depuis le 10 par Philippe d’Orléans qui prend le nom de Louis Philippe 1er, Roi des Français.

Le bilan est lourd pour 3 jours d’émeute : 200 tués et 600 blessés chez les militaires, 1 800 tués et 4 500 blessés chez les manifestants.

Une des premières décisions du nouveau gouvernement est de rétablir le drapeau tricolore.

1831 : Lyon.

"Vivre libre en travaillant ou mourir en combattant", les Canuts (ouvriers de la soie de Lyon) veulent un prix plus juste pour leur travail. Le 21 novembre, ils décident la grève générale. Une échauffourée avec la troupe tourne à l'avantage des Canuts. Ils capturent le commandant de la Garde Nationale locale. Le bilan : 170 morts dans les deux camps.

Le gouvernement de Paris décide l'envoi de soldats supplémentaires. 26 000 hommes et 150 canons sont envoyés à Lyon sous le commandement du duc d'Orléans (fils de Louis-Philippe) et du Maréchal Soult. Les troupes entrent dans Lyon. Les meneurs seront poursuivis. "Il faut que les ouvriers sachent bien qu’il n’y a pas de remède pour eux que la patience et la résignation. Casimir Perrier ".

1831 : Portugal.

La Marine française intervient au Portugal pour arrêter les provocations contre les ressortissants étrangers. Une flotte se présente devant Lisbonne pour exiger la libération immédiate des Français détenus et le paiement d’une indemnité. Le 11 juillet, l’amiral Roussin décide de forcer le goulet qui précède le port de Lisbonne. Après le bombardement des forts et de la tour de Belem qui sont neutralisés (15 000 boulets), le vaisseau amiral mouille à 500 mètres des quais de Lisbonne terrifiée. La 14 juillet, une convention est signée qui accorde à la France satisfaction sur toutes ses exigences.

1831 : Algérie.

Loi du 9 mars 1831 de laquelle découlent : ordonnances, décrets, arrêtés et décisions qui concernent les différents corps de l’Armée d’Afrique, dont les premières applications portent sur la création de la Légion Étrangère en date du 10 mars 1831, et l’organisation des corps indigènes le 21 mars 1831. C'est la véritable création de l'Armée d'Afrique qui ne cessera d'étoffer ses effectifs ( Malgré la fin de la présence militaire française en Afrique du Nord, des régiments de notre armée portent encore le nom de ces régiments créés en 1831).

Car après bien des hésitations, la France décide de conserver l’Algérie et de nouvelles troupes repartent. Au côté de la Légion Étrangère qui vient d’être créée, les soldats français traversent la Méditerranée. Cette conquête s’accompagne d’une colonisation. Des colons venus d'Europe s’installent. A leur côté, il faut établir de petites garnisons pour les protéger. Il était temps que des renforts arrivent, les régiments de ligne en garnison en Algérie ont été décimés par la maladie. Le plus cruellement touché le 30e de Ligne est réduit à presque rien (100 hommes en état). Il ne compte plus que 3 officiers, une de ses compagnies compte 6 hommes. Il est dissout et les survivants versés dans d’autres régiments. Au 55e de ligne, en 1833, 1 800 hommes sur 2 400 sont malades. Même la Légion supporte des lourdes pertes, au 6e Bataillon, 300 soldats meurent en 2 mois. Alors pensons aux conscrits !


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