Michel Brun

Le camp Sainte Marthe à Marseille

"A l’arrivée, comme des centaines de milliers de garçons qui transitèrent par la ville de la « bonne mère », nous fûmes embarqués en camion pour rejoindre le camp Sainte Marthe. Très vite nous fûmes installés dans de vastes chambrées et très vite nous avons compris qu’il ne fallait pas moisir dans le secteur car des corvées allaient être distribuées. L’un d’entre nous repéra au fond d’une cour et derrière un bâtiment une large brèche dans un mur qui aurait permis le passage d’une escouade ! On s’engouffra à toute allure en escaladant deux ou trois parpaings. J’ai toujours pensé que la direction du camp connaissait ce trou mais laissait faire les « évasions » réalisant ainsi de substantielles économies sur la nourriture. A peine avions nous retrouvé la liberté qu’un camion s’arrêta à notre hauteur et le chauffeur nous proposa de nous descendre en ville. Il nous débarqua sur le Vieux Port. Malheureusement en sautant du bahut le bas de ma capote (manteau de soldat) est resté accroché à une aspérité et j’ai entendu « crac ». Le haut de la fente était déchiré horizontalement sur 5 cms. Tout de suite j’ai pensé à la sanction si je n’arrivais pas à réparer le vêtement. C’est une brave patronne de bistrot qui me voyant bien ennuyé sorti de sa boite à ouvrage fil et aiguille pour recoudre impeccablement la déchirure. Plus tard, copain avec un magasinier, j’ai pu changer ma capote accidentée contre une autre pratiquement neuve. Je passe les détails de notre virée dans les rues chaudes de Marseille, ils ne furent pas glorieux et ils ressemblent en tout point à ceux que vécurent nos prédécesseurs et nos successeurs. Un soldat en goguette ça manque souvent d’imagination et il ne fait que rééditer les nombreuses couillonnades qu’il a entendu raconter pas les anciens."

Michel Brun