L'APRES SERVICE MILITAIRE


2 novembre 1964
Je retrouve mon travail à la Caisse d'épargne, entreprise où j'étais entré voilà déjà 4 ans, remplaçant moi-même à l'époque un garçon parti en Algérie. L'effectif s'est étoffé de 2 jeunes femmes. Je retrouve mon poste derrière le guichet, et la vie reprend. Ce travail va durer encore 35 ans, jusqu'au 31 mars 1999, où profitant d'une opportunité, je dirais au revoir à cette entreprise, qui m'a permis de gagner ma vie, mais m'a sucé beaucoup d'énergie.

Tous ceux qui constituerait plus tard ma famille sont ou seront aux armées, un dans l'infanterie de marine, d'autres dans les blindés, dans les missiles Pluton, dans le génie, dans l'aviation, dans les chasseurs alpins, bien peu en seront exemptés. Tous goûteront au bonheur des 3 jours. Plus tard ce seront les neveux qui passeront un séjour en uniforme, dans la gendarmerie, les paras, etc. A nous tous nous sommes certainement très représentatifs de la diversité des affectations décidées par les officiers orienteurs. Je verrais aussi avec plaisir partir les jeunes collègues recrutés par l'entreprise. Puis ce recrutement avant le service cessera, les dirigeants n'appréciant pas cette coupure.

Je suis rentré de mon service militaire avec une foule de questions, alors sans réponse :
- pourquoi cette guerre d'Algérie ?
- pourquoi ces 23716 soldats morts et ces 64985 soldats blessés en Algérie (d'après les chiffres officiels) ?
- pourquoi tant de suicides et d'accidents ?
- pourquoi la torture, les corvées de bois, la gégène, les déportations de population ?
- pourquoi cet exode massif des pieds-noirs ?
- pourquoi une armée, pour une fois, puissante et expérimentée avait-elle été contrainte de plier bagages alors qu'elle avait gagné militairement ?
- pourquoi avons-nous réélus au cours des années qui ont suivi cette guerre, les hommes politiques qui nous y ont emmenés ?

Je ne cesserai de m'intéresser à cette guerre, lisant et relisant de multiples ouvrages sur le sujet. Par extension, je m'intéresserai également aux autres guerres du 20ème siècle, menées par la France.

Je ne me moquerai plus des chansons d’Enrico Macias, parlant avec nostalgie de son pays natal.

Que reste-il de ces 16 mois du service militaire :
- des souvenirs plein les yeux de paysages magnifiques,
- le souvenir de l'entraide régnant entre ces exilés,
- l'extrême misère de la population qui nous avait chassés,
- la chance de n'avoir eu que quelques mois à faire en Algérie, contre 36 mois parfois qu'avaient du y passer nos anciens,
- l'impression d'avoir participé à ma modeste place à une aventure collective,
- l'apprentissage de la paresse.
- le temps perdu à attendre. Attente de l'heure du repas, attente de la fin de la garde, attente de la permission, attente du courrier, attente, attente, attente, et surtout attente de la quille.

Bien des années plus tard, en 1978, profitant de vacances en Alsace, j'emmènerais ma famille à Karlsruhe. La caserne n'a pas changé, le parc à camions s'est étoffé débordant sur un terrain en arrière. L'Unité a changé de nom et s'appelle désormais le 135ème Régiment du Train. Depuis le retrait des Forces Françaises d'Allemagne, qu'est devenue cette unité ?

Sur la route d'autres vacances, nous nous arrêterons à Laon. Le quartier Foch, n'a pas changé non plus. Il est alors occupé par un régiment d'artillerie.

Bien entendu, je n'ai jamais revu Blida et Baraki.
Lors d'un voyage en Tunisie, et d'un autre au Maroc, j'ai retrouvé un peu de l'atmosphère de l'Algérie de 1963. La foule, les paysages, la misère, les odeurs et j'ai enfin pu voir le désert.

Pendant des mois, je recevrai des courriers de l'Armée, me sollicitant pour adhérer à une association de sous-officier de réserve. Je n'y répondrai pas.

Rappel comme réserviste

Un jour de 1971, une convocation m'indique que je dois me rendre du 7 au 10 décembre à une période obligatoire de 4 jours à Lille.
Pendant une semaine, un groupe de sous-officiers de réserve comme moi, va plancher sur des graphiques de marche de convoi, suivre des cours théoriques, se mettre au courant de la nouvelle organisation du Train, effectuer des exercices sur papier, visiter la gare de triage de Lille, et revivre l'ambiance de la caserne. Nous couchons en chambrée collective et mangeons au mess avec les gradés en place. Faute de tenue convenable, le capitaine instructeur nous laisse en civil.
Je me retrouve notamment avec un autre dieppois (Jean ), ancien du train aéroporté et un ancien des tirailleurs algériens (Jean-Louis), pour qui le train sont totalement inconnu et d'autres venus d'horizons divers. Nous sommes payés suivant notre grade au tarif des sous-officiers de métier. (75,11F par jour, primes comprises).

J'effectuerai , ainsi que la loi nous l'impose, mes changements d'adresse auprès de la gendarmerie.

Je recevrai ensuite des documents m'indiquant où me rendre en cas de conflit.

Malgré le démantèlement du Centre Mobilisateur de St Valéry en Caux, je n'ai reçu aucune autre affectation.

Je n'ai jamais reçu de document m'indiquant que j'étais libéré de toute obligation. Mais la réforme en cours des Armées n'oblige plus des soldats amateurs comme nous à être réservistes.

Et pourquoi pas, après tout çà ?

 

Il me faudra attendre 40 ans pour toucher de nouveau un U 55 au Musée du Train à Tours. Ces camions sont devenus des pièces de musée, quand aux hommes !Mes recherches vont me permettre de retrouver des anciens de mon unité de diverses époques et alors j'ai écrit un site sur le Groupe de Transport 535 et puis sur l'Arme du Train en Algérie, arme totalement méconnue des historiens dans l'ombre des unités opérationnelles et les contacts avec de vrais anciens d'Algérie vont me permettre de tenter de sauver la mémoire de ces hommes.

Ecoutez une marche

Je recherche toutes photos et documents relatifs aux camps de Baraki et Blida et toutes informations sur l'histoire des GCT 535, GT 521 et 135ème Régiment du Train.

Je vous remercie de votre indulgence.

Je répond à chaque message, même pour un simple remerciement.