1810 : Espagne.

Les années 1810 et 1811 faute de grandes batailles, pourraient laisser croire à une période de paix, il n’en est rien . En Espagne, les meilleures troupes sont décimées. Les villes de Grenade (28 janvier), de Seville (1 février), de Malaga (5 février), de Lérida (13 mai), d'Almeida (28 août) sont conquises, mais pour Cadix, il faut entamer un siège le 4 février. Le 27 et 28 septembre, une bataille oppose les Français à une coalition anglo-espagnole à Busaco.

1810 : France.

Les “vieilles moustaches” qui constituent l'essentiel des troupes en Espagne subissent des pertes, certes sans commune mesure avec les grandes batailles. Mais tous ces morts vont cruellement manquer dans les batailles à venir. Les désertions, insoumissions commencent à détruire la Grande Armée. En 1810, 100 000 condamnations sont prononcées pour désertions. La contribution en hommes devient trop importante pour la population. Les déserteurs et les réfractaires se multiplient. Ils gagnent les forêts, se cachent dans les villes, protégés par la population. Les gendarmes ne suffisent plus à les rattraper tous. Des régions entières n’envoient plus d’hommes à la guerre. A la fin de 1810, les historiens estiment à 160 000 le nombre des réfractaires. Des milliers d’étrangers des pays conquis vont être incorporés à l’armée si bien qu’à la campagne suivante, sur 400 000 hommes, 125 000 seulement sont des Français d’origine.

A Paris, la colonne de la Grande Armée est terminée. Commandée par Napoléon à la gloire de ses soldats, elle est coulée avec le bronze de 1200 canons pris à l'ennemi. Après bien des vicissitudes, elle existe toujours.

1810 : Guadeloupe.

Le 30 janvier, 8 000 soldats anglais débarquent en plusieurs points de la cote. Les 1 200 Français résistent quelques jours mais se rendent le 6 février. Les Anglais rendront la Guadeloupe à la France en 1814.

 Hussard Chasseur à cheval

1811 : Espagne.

La guerre de guérilla continue en Espagne. Des batailles rangées ont cependant lieu où les Français ne sont pas toujours à leur avantage.

Bataille à Chiclana le 5 mars 1811, c'est une victoire difficile des troupes du maréchal Victor sur les troupes britanniques et espagnoles. Les troupes françaises, pourtant inférieures en nombre, résistent et repoussent tous les assauts anglais après de sanglants corps à corps . Les Français y perdent 2 500 morts et blessés, les Coalisés 3 500 tués, blessés et prisonniers. Les 24e, 54e et 96e de Ligne se sont particulièrement distingués et un rapport est envoyé à l'Empereur pour signaler leur brillante conduite.

A Olivenca, le 4 avril, les Français subissent la défaite, victoire à Fuentes de Onoro le 3 mai. Le 11 mai, 18 000 Français rencontre 31 000 coalisés à Albuera. Le combat est indécis et c'est l'artillerie française qui sauve la situation. 6 500 Français sont morts et blessés, 10 000 Alliés sont morts et blessés mais surtout 4 000 des 8 000 Anglais. Ils n'oublieront pas la leçon.

1812 : Espagne

Le 22 juillet 1812, l'Armée française de Marmont subit une défaite aux Arapiles. Les Alliés ont 47 400 fantassins anglais, portugais et espagnols, 3 330 cavaliers et 60 canons. Les Français ont 46 600 fantassins, 3 400 cavaliers et 78 canons. Les forces sont donc sensiblement égales, le commandement fera la différence. La bataille commence après 16H30, lorsque les Anglais, appuyés par l'artillerie et par deux brigades de cavalerie , lancent leur 3e division contre les unités avancées françaises. L’attaque aussi soudaine surprend les Français. Les Hussards et des chasseurs français et les 1 400 hommes du 101e de ligne réagissent et la division anglaise se replie vers le sommet d'une petite colline. « Mort aux Français ! », les Coalisés lancent alors une nouvelle charge, bousculent les Français qui refluent et se heurtent à ceux qui continuaient d'avancer. C'est le désordre, le drapeau du 101e est perdu. Pendant ce temps, les 14 000 hommes de la 4e division anglaise, de la 5e division et d'une brigade indépendante portugaise, poursuivent leur progression. Soutenue par 2 000 cavaliers britanniques, et accompagnée des 6e et 7e divisions espagnoles, une autre force de 14 000 hommes attaque le centre de l'Armée française. C'est la débandade parmi les Français. Wellington, qui parcourt à cheval les lignes donne aussitôt l'ordre à ses Dragons de charger les fantassins en fuite. Les fuyards sont piétinés et écrasés. La plupart d'entre eux tombent, tués ou mutilés, sous les coups des cavaliers. En quarante minutes, trois divisions françaises sont anéanties.

La victoire de Wellington est presque totale. A 18H00, les Français déclenchent une contre-attaque par leur centre. Les Alliés se replient non sans laisser quelques hommes sur le terrain, sabrés par la cavalerie française. Clauzel lance sa division de Dragons forte d'environ 1400 hommes dans une charge sans grand effet autour des carrés de soldats anglo-portugais. Les Alliés contre-attaquent et les Français reculent. Les combats continuent toute la soirée. Bientôt, il ne reste plus aux Français que la division de Foy, à l'extrémité de l'aile droite, pour couvrir les débris de l'armée en retraite. Les soldats français prennent la fuite à travers une zone de forêt épaisse, franchissent une rivière et poursuivent leur repli vers l'est. Ce n'est pas encore une défaite décisive mais l'avancée des Alliés vers la France deviendra inévitable. Dans cette bataille des Arapiles ou de Salamanque les Français ont perdu 14 000 hommes dont 7 000 prisonniers et 20 canons. Les Alliés ont perdu 5 200 tués, blessés ou disparus. Mais les préoccupations de Napoléon sont déjà ailleurs.

1812 : Pologne, Russie.

La guerre menace après l'alliance secrète conclue entre l'Autriche et la Russie (mais connue de la France)

Les effectifs de la Grande Armée passent à 700 000 hommes dont 300 000 Français. Ces soldats de la Grande Armée sont Italiens, Suisses, Hollandais, Croates, Espagnols, Portugais, Danois, Wurtembergeois, Polonais, Westphaliens, Saxons, Prussiens, Bavarois, Autrichiens répartis en 8 corps d’armée. Pour plus de facilité, nous les nommerons tous : les Français. La Grande Armée dispose de 1 100 canons. C’est la plus imposante force militaire jamais constituée. Le 23 juin 1812, la Grande Armée franchit le Niémen et marche sur la Russie. Il faut 5 jours à l’armée pour franchir le fleuve.

Les Russes sont 220 000 répartis en 2 armées, l'armée Bragation et l'armée de Barclay de Tolly. Désireux de détruire les armées russes rapidement, Napoléon tente de livrer bataille le plus vite possible, et le plus près possible. D'abord devant Vilna (Vilnius en Lituanie). Mais la Grande Armée progresse très lentement et quand Murat, le 28 juin 1812, attaque Vilna, il ne découvre qu’une ville en flammes que les Russes viennent d’évacuer. Les Russes ont échappé au piège et à la bataille. La Grande Armée doit continuer à marcher et tenter de retrouver les Russes ailleurs. Napoléon tente une nouvelle approche vers la région de Vitebsk (Biélorussie). Mais les Russes s'échappent toujours. Sauf à Mohilev (Russie) où Davout parvient à bloquer un corps d'armée russe. Avec ses 22 000 fantassins et 6 000 cavaliers, il tue ou blesse 6 000 soldats russes, s'empare de la ville et pille les magasins. Il a perdu cependant 1 000 hommes des 57e, 61e, 111e, et 108e de ligne et des cuirassiers du gl Valence.

Napoléon tente d’empêcher les troupes de Bagration qui ont évacué Drissa de rejoindre l’armée de Barclay de Tolly. Il se précipite sur l’arrière-garde de Barclay et le bat à Ostrowno les 25 et 26 juillet 1812. Le 27 juillet, l’Armée russe semble faire front en avant de Vitebsk, barrant la route. Mais elle se replie dans la nuit. La manœuvre de Vitebsk a échoué. Napoléon tentera une troisième manœuvre dite de Smolensk pour obliger les Russes à livrer la bataille décisive. La tactique russe est simple, reculer dans un pays dévasté et attendre l’hiver.

Napoléon veut à tout prix emporter la décision par une bataille générale avec les 2 armées russes. Il estime qu'une attaque de front n'entraînerait pas le résultat escompté, car elle inciterait les Russes à continuer leur retraite. Il se propose alors d'amener par surprise son armée sur la ligne de retraite de l'adversaire et conçoit la manœuvre de Smolensk, consistant à laisser devant le front ennemi un simple rideau constitué par de la cavalerie et de petits détachements d'infanterie, puis à exécuter une rapide marche de flanc, enfin à traverser le Dniepr, à remonter le fleuve jusqu'à Smolensk et à arriver ainsi en force sur les arrières des Russes. Il ne reste plus à ses soldats qu'à marcher.

Mais Bagration devinant les intentions des Français envoie en toute hâte la division Neverowski à Smolensk. Cette division résiste pendant toute la journée à Murat et Ney, permettant à Barclay d'opérer un repli général. La surprise est manquée. L'Armée française entoure pratiquement la ville de Smolensk. Les Russes vont -ils se battre ? Le 17 août au matin, les Russes commencent à sortir, mais il ne s'agit que d'une feinte, tandis que l'armée de Bagration se retire sur Moscou. L'Empereur ordonne l'attaque générale pour enlever la ville. Lorsque la nuit tombe, la Grande Armée se prépare. Les divisions de Barclay se retirent, masquées par la nuit, et gagnent la campagne au nord de la ville après avoir mis le feu à celle-ci. A 02H00 le 18, les Français entrent dans une ville désertée et en flammes. La manoeuvre de Smolensk a échoué.

A la Grande Armée, il manque déjà 150 000 hommes égarés, fuyards, déserteurs. La Grande Armée voit ses effectifs fondre au soleil car il fait très chaud dans cet été 1812. Buvant n‘importe quelle eau, nombre de soldats souffrent de dysenterie. Un nombre important de soldats déserte. D’autres enfin, plus enclin au pillage, suivent de loin le gros de l’armée et seront absents au moment des batailles.

Barclay de Tolly est remplacé au commandement de l’armée russe par Kutuzov qui poursuit le repli de ses troupes. Pour ne pas laisser les Français entrer dans Moscou sans combat, Kutuzov attend Napoléon près du village de Borodino sur la Moskowa. Avec près de 140.000 hommes à sa disposition, il établit une solide position défensive au sud du village. Ses soldats bâtissent des redoutes où il fait placer ses canons, 640 pièces d’artillerie au total. Le centre russe est installé sur la Grande Redoute. Napoléon a 128.000 hommes. Les troupes françaises disposent de 590 canons.

Il fait froid, l’Armée française après avoir allumé ses feux, se prépare. A 03H00 réveil. Premier coup de canon à 05H30. Les Français attaquent la colline où se tient l’avant-garde russe. Au nord, un autre corps attaque le village de Borodino et doit attendre que l'avant-garde russe soit engagée pour se rabattre sur le centre russe. La position russe est prise.

A 09H30, la cavalerie française charge les Russes et balaie le plateau entre la redoute des Trois Flèches et la Grande Redoute. .Les 10e, 5e, 8e Cuirassiers et deux régiments de carabiniers chargent sabre au clair, généraux en tête. Les Français lancent une attaque combinée en direction de la Grande Redoute, sans succès.

A 10H00, les Français concentrent en une grande batterie 400 canons pour balayer les positions russes. et attaquer la Grande Redoute. Les Russes parviennent à repousser les Français. Les pertes sont lourdes des deux côtés. La cavalerie française lance un nouvel assaut contre la Grande Redoute, elle est repoussée. Vers 14H00, la cavalerie française attaque encore. A 15H00, les Français sont maîtres de la Grande Redoute. Mais le centre russe tient toujours et la cavalerie russe attaque le flanc gauche de l’Armée française. En vain. Les Français déplacent leur artillerie et canonnent les Russes qui reculent. A 20H00, la bataille prend fin. Les Français ont 9.000 morts et 15.000 blessés, 9 généraux ont été tués. Les Russes perdent environ 45.000 hommes, tués et blessés dont Bragation. Les Russes se replient vers Moscou. A 21H00, le calme règne de nouveau sur une plaine dévastée. Les Russes appellent cette bataille Borodino, les Français, la Moskova. Depuis quelques années, les Russes admettent la victoire de Napoléon, le général russe Kutuzof aurait falsifié son bulletin de victoire.

Le 14 septembre 1812 : entrée dans Moscou des premières troupes. Dire troupes françaises serait inexact car les premières unités sont le 10e régiment de Hussards polonais, des Uhlans prussiens et des Chasseurs wurtembergeois. Un pillage gigantesque commence.

La ville à peine conquise est incendiée par les Russes. Les soldats français ne peuvent réagir, la plupart sont trop occupés à piller ou à se saouler. Le 21 septembre, Moscou arrête de brûler faute de combustible. 20 000 blessés et malades ont perdu la vie dans les maisons en flammes. Les Français s'installent mais que faire d'une ville où il n'y a plus rien. Les reconnaissances laissent voir que les troupes russes sont tout autour de la ville. Une de ces reconnaissances se traduit par la perte de 2 000 hommes et de 36 canons à Tarontino.

Le 19 octobre 1812, Napoléon après bien des hésitations ordonne la retraite vers la Prusse. La Grande Armée repart accompagnée par 150 000 civils étrangers, hommes, femmes et enfants, qui fuient Moscou. A Malo-Jaroslawetz, à 100 kms de Moscou, le 24 octobre, Kutuzov avec 20 000 hommes barre la route. 15 000 Français les engagent. Quand Kutuzov rompt le combat, il a perdu 6 000 hommes mais 5 000 Français restent sur le terrain. Le 30 octobre 1812, les soldats en retraite repassent sur les lieux de la bataille de la Moskova. Les corps de 20 000 morts sont encore sur le terrain, dévorés en partie par les oiseaux et les bêtes sauvages.

Cette retraite, reste tristement célèbre, car nous avons les récits des survivants de ce désastre. Cette retraite se déroule au début de l’hiver russe dans un pays ravagé où il n’y a plus ni vivres, ni abris. Plus qu’une armée en retraite, c’est une horde qui marche. Les soldats sont surchargés du butin raflé à Moscou, sacrifiant le ravitaillement. Ils le paieront de leur vie. Dans la journée, les températures oscillent entre -16°C et - 18°C, la nuit c’est pire, elles descendent à -30°. Les hommes de l’avant-garde s’enfoncent jusqu’aux genoux dans la neige, les autres pataugent sur leurs traces dans une soupe collante jonchée de tout le butin dont les soldats se débarrassent. Les colonnes en retraite sont harcelées par les Cosaques à cheval qui tuent tous ceux qui s’écartent. Ces irréguliers de l’Armée russe restent hors de portée de fusil mais ils sont à l’affût de tout signe de faiblesse. Tout traînard est massacré. Tout groupe qui s’arrête est anéanti. Les hommes dorment en marchant. S’arrêter, c’est geler sur place ou mourir de la main des Cosaques. La nuit, les bivouacs sont attaqués, quelques hommes tués au hasard et demain ce sera pareil. .Malgré tout, il faut continuer à se battre. A Wiasma, le 3 novembre, 4 000 Français de plus meurent.

Mais ce qui ressort des récits, c’est l’omniprésence de la faim et du froid. Des cas de cannibalisme sont rapportés, vrais ou faux ? On se bat pour un bout de pain dur, pour un morceau de cheval, pour un morceau de chien. Il y a bien des jours, sauf exception, qu’il n’y a plus d’uniforme et le soldat se couvre de tout ce qu’il trouve. A Smolensk, l’armée pense retrouver des vivres que Napoléon a prévu en réserve. L’espoir est vain, la Garde est passée en premier et a raflé ce qui n’avait pas été vendu par les préposés aux approvisionnements.

L’armée repart et continue à combattre, à Krasnoê, où la Garde intervient, ce qui ne lui arrive pas souvent. L’Empereur estimera qu’il lui reste environ 40 000 hommes en état de se battre.

La rivière Bérézina barre la route. Il faut traverser. Le 23 novembre, les Russes de l'armée Pahlen, refoulés et mis en déroute, se sont retirés sur Borissov où ils ont brûlé le pont. Il existe un gué à trois lieues en amont de Borissov. Malgré les glaçons, des cavaliers ont traversé dans l'eau profonde de trois ou quatre pieds et sont arrivé sans encombre sur l'autre rive. Les Russes de Wittgenstein (30 000 hommes) et de Kutusof (90 000 hommes) sont encore loin. On aura donc largement le temps de passer. Les généraux Eblé, commandant les équipages de pont, Chasseloup-Laubat, commandant le Génie, les pontonniers, les bataillons des sapeurs partent pour Borissov.

A Borissov, le mercredi 25 novembre, Eblé, ses officiers, 7 compagnies de pontonniers, soit 400 hommes très disciplinés, les compagnies de sapeurs, le bataillon des ouvriers de la marine arrivent à 05H00 avec tout leur matériel, deux forges de campagne, deux voitures de charbon. Le matériel est en bon état. Le gl Corbineau disposent ses Chasseurs en protection. Le IIe corps occupe la ville. Çà et là, des cavaliers russes; sur les hauteurs, en demi-cercle, des canons russes sur quelques monticules.

Les travaux commencent pour jeter un pont. Les soldats abattent des maisons pour prendre le bois indispensable à la construction des ponts. A 17H00, l'Empereur arrive à Borissov avec son escorte. Sur la rive, quarante pièces sont en batterie prête à protéger le passage à gué des fantassins. Ordre d'établir deux ponts à 100 mètres l'un de l'autre est donné : celui de droite pour l'infanterie et la cavalerie, celui de gauche pour l'artillerie et les voitures. Mal nourris, marchant depuis Moscou, traînant leur matériel, les hommes du Génie sont très fatigués. Les pontonniers s'engagent dans l'eau, malgré les glaces que charrie la rivière. Ils s'y tiennent immergés jusqu'aux épaules.

A 13H00, le premier pont est terminé. L'Empereur n'a pas quitté le bord de la rivière, ni cessé d'encourager les travailleurs. Il regarde défiler le IIe corps, qui passe le premier. Puis s'écoulent les Polonais de Dombrowski, les cuirassiers de Doumerc, en tout 10 000 hommes, qui se rabattent aussitôt à gauche et bousculent les troupes légères russes. Le pont de gauche, destiné aux voitures, est terminé à 16h00. Aussitôt l'artillerie du II° corps passe, suivie par celle de la Garde, le Grand Parc et diverses voitures.

A 15H00, trois chevalets du pont de gauche s'écroulent. Les pontonniers harassés dorment à côté sur de la paille. Eblé en rappelle la moitié qui redescendent dans l'eau. Le 27 novembre, à 02H00, trois chevalets du même pont s'effondrent à l'endroit le plus profond de la rivière. Les pontonniers réparent. A 16H00 nouvelle rupture, les pontonniers réparent.

Napoléon à cheval, près des ponts, accélère le passage des IV°, III°, V° et VI° corps où de ce qu'il en reste. Les généraux russes ne semblent pas se douter de ce qui se passe devant eux. Les régiments de Davout se présentent le soir devant les ponts, au son des fifres et des tambours, dans la plus belle tenue possible. Derrière eux, passent bagages et voitures du IX° corps, puis ce qui reste des combattants du prince Eugène, de La-Tour-Maubourg et la division Daendels.

Mais, au cours de la nuit, déferle une horde compacte de traînards encombrant les voitures et les chevaux. Désarmés, ces trainards, ces pillards étaient restés passifs près de leurs feux, refusant de les quitter. Ni les bonnes paroles, ni les menaces, ni les gendarmes n'avaient pu les secouer. Les boulets ennemis vont s'en charger. Au début du 28 novembre, le désordre croit dangereusement et l'ennemi attaque. A grand peine, la division Daendels repasse sur la rive gauche pour les bloquer. Il neige. L'Empereur place près des ponts une batterie de 12 de la Garde pour protéger la retraite du IX° corps, fortement pressé par les Russes qui commencent à tirer dans la masse agglutinée devant les passages. Dans un affreux désordre, une horde se précipite vers les ponts, vers la rivière, tombe à l'eau en hurlant, se noie, pendant que les soldats et la cavalerie de Victor tiennent les hauteurs, chargent les Russes et finissent par les déloger des bois de bouleaux où était placée leur artillerie. Le gl Victor (Claude Perrin de son vrai nom) à la tête de 9 000 hommes arrêtent 40 000 soldats russes qui se ruaient à la curée.

Vers 17H00, le gl Eblé et à ses pontonniers s'efforcent de créer des brèches à travers l'encombrement d'hommes et de chevaux morts devant les ponts. Les survivants du IX° corps se fraient lentement un passage et vers minuit, atteignent la rive opposée avec leur artillerie.

La division Partouneaux n'est pas là. Le 27, attaquée par les Russes, elle s'est retirée vers Studianka. Arrêtée sur les hauteurs, décimée par l'artillerie, les 4 000 hommes ont résisté pendant plusieurs heures à 40 000 Russes. Restés debout dans la neige, sans munitions, 400 survivants ont mis bas les armes et partent prisonniers vers un sort incertain.

Le 28 novembre vers 17H00, Eblé fait une tentative pour décider une masse de traînards, à rejoindre l'armée. Le 29 novembre au soir, à l'approche des cosaques, les pontonniers allument le matériel incendiaire qu'ils avaient préparé. Alors la foule des trainards se précipite dans les flammes, dans l'eau, tandis que sous le feu des canons du IX° corps, les cavaliers russes massacrent ou emmènent prisonniers les 7 000 ou 8 000 hommes restés au delà de la rivière. Le gl Eblé et ses pontonniers rejoignent alors l'arrière-garde et repartent vers l'ouest. Le gl Eblé, comme beaucoup de ses hommes, mourra d’épuisement quelques jours plus tard.


le passage de la Bérézina

Ceux qui sont restés sur la mauvaise rive sont prisonniers des Russes et envoyés en captivité, du moins ceux qui peuvent marcher. Beaucoup n‘en peuvent plus et sont massacrés par les Cosaques qui ne s’encombrent pas de traînards.

Le 6 décembre, une clameur secoue l’armée, ou ce qu’il en reste, Napoléon est parti. Le 18 décembre, il sera à Paris. Un complot (gl Malet) a été démasqué à Paris et l'Empereur doit se faire voir pour faire taire les nouvelles de sa mort.

Le 8 décembre, les débris de la Grande Armée rencontrent 12 000 conscrits tout juste arrivés de France et venus à leur rencontre. Image surréaliste. Trois jours plus tard, ces conscrits sont tous morts de froid.

Le 16 décembre : la Grande Armée est de retour derrière le Niémen, 532 000 hommes ont disparus, 1200 canons ont été perdus, 60 000 chevaux sont morts gelés (ou ont été mangés), ne comptons pas les chariots et carrioles, les approvisionnements. Avec les renforts et les garnisons laissées en arrière lors de la marche sur Moscou, il reste environ 100 000 hommes en état de combattre.

Citons Philippe de Ségur "ce n’était plus que l’ombre d’une armée, mais c’était l’ombre de la Grande Armée ".

Tous les belligérants sont épuisés, chacun tente de réorganiser ses forces. En dehors de l’Espagne où la guérilla continue, la situation se calme partout ailleurs.

1er septembre 1812

Napoléon appelle sous les drapeaux 120 000 recrues de la classe 1813, rappelle des troupes d’Italie et d’Espagne. Les “auxiliaires” prussiens passent aux Russes.


1809



1813