Il apparaît très rapidement au commandement que les moyens de l'escadron Séguret ne suffisent plus aux transports de tout le corps d'armée. Le successeur de de Bourmont (devenu Maréchal de France), le général Clauzel, Gouverneur Général et Commandant en chef va réclamer des moyens. La France envoie de nouvelles troupes.
Il n'existe pas en Algérie de routes carrossables et tout repose sur le système des convois sur des pistes mal tracées. Il faut établir une organisation spécifique et le moindre déplacement se pratique en colonne suivant ou escortant un convoi du Train des Equipages. Les moyens de transport exigent des effectifs et un matériel considérable.
Remplacer les subsistances d'un camp isolé exige des moyens importants. Une garnison isolée de 1000 hommes à 15 kilomètres des dépôts demande par quinzaine un convoi de 20 voitures ou 200 mulets et 30 boeufs. Ce convoi est escorté par un bataillon d'infanterie, un escadron de cavalerie et un canon. Pour une garnison de 2000 hommes à 40 kilomètres, c'est un convoi tous les 4 jours qui prend la piste avec la même escorte.
En accompagnement de colonne, il faut une bête de somme pour 7 hommes avec 10 jours de vivres et de munitions. Aussi dans les 3 mois qui suivent la prise d'Alger, les moyens du Train sont considérablement augmentés.
En novembre 1830, une expédition sur Médéa comprenant 8 000 hommes (général Boyer) emmène 21 prolonges et 300 mulets de bât. Le 24 novembre, des éléments de la 4e compagnie du Train est attaquée sur la route par la tribu des Beni-Khelil. La vingtaine de conducteurs est massacrée. Ce sont les premières victimes du Train en Algérie. Mon livre de référence n'a retenu que les noms de 5 d'entre eux : Petit, Despoix, Duchat, Florentin, Dorcy.
Mener les convois n'est pas la seule tache des Tringlots. Le 26 novembre, les Tringlots laissés en garnison à Blida participent aux combats sous les murs de la ville. 3 conducteurs sont tués.
La colonne Boyer revenue à Alger, il faut continuer de ravitailler la place de Médéa. La colonne partie vers Médéa manquant de munitions, un élément de la 7e compagnie du Train repart vers Alger sans escorte particulière. Les 52 hommes du lieutenant Depétasse sont massacrés sur la route. On ne retrouvera leurs restes que quelques jours plus tard.
En 1831, les moyens du Train sont toujours insuffisants et les officiers mis en retraite d'office ou placé en demi-solde après 1815 sont rappelés au service. En 1832, une seule compagnie séjourne en Algérie pour assurer le transport des vivres et les transports en ambulance. C'est le plus souvent à dos de mulets que les blessés voyagent, deux par mulet, assis de chaque coté ou un seul couché sur le dos sur une litière (nos anciens étaient solides). L'improvisation est de règle : charrettes découvertes, chariots couverts, mulets sont utilisés pour tout. Et la conquête commence.
Ce sont ensuite une longue succession de convois de ravitaillement. Et une longue succession d'attaques de ces convois.
Le 22 juillet 1834, le gouvernement prend une ordonnance qui décide de l'annexion des "Territoires de l'ancienne régence d'Alger" qui deviennent "Possessions françaises dans le nord de l'Afrique". Il faudra attendre le 14 octobre 1839 pour que soit utilisé le terme "Algérie".
Clauzel accusé de forfaiture est remplacé par Berthenèze, puis par le duc de Rovigo (Savary), puis les généraux d'Avizard, et de Voirol.
Le 27 juillet 1834, le comte Drouet D'Erlon devient Gouverneur général. Le 8 juillet 1835, Clauzel revient.
En 1836, le général Bugeaud venu de métropole débarque à l'embouchure de la Tafna avec des renforts. Il n'a aucune expérience de l'Afrique mais garde en mémoire les déboires de l'Armée française en Espagne où il a combattu. Sans en référer à Clauzel, il fait embarquer pour la France, les prolonges d'artillerie, les canons de campagne, les bagages encombrants. Son but, alléger l'Armée de tout ce qui est superflu. Les chevaux , les mulets porteront les vivres et les tentes serviront de bâts et de sacs. Des bâts, il n'y en a pas : de vieilles toiles de la Marine et de la paille tressée en tiendront lieu pour les 300 chevaux de trait devenus bêtes de sommes.
Aux voitures sont substitués les mulets, les conducteurs indigènes sont remplacés par des conducteurs du Train (on verra que ce ne sera pas immédiat), les bagages des officiers sont allégés, les bagages particuliers supprimés. Il fait supprimer la location des dromadaires et des mulets aux tribus, privilégiant l'achat. Il fait renoncer surtout à l'escorte des convois par des moyens importants.
"Faites conduire les convois par un nombre suffisant de soldats du Train, lesquels, étant armés, n'auront plus besoin que d'un petit nombre d'hommes pour les aider à garder leur convoi. Le général n'étant plus paralysé par ses subsistances, pourra au besoin modifier son itinéraire et à l'occasion poursuivre l'ennemi".
Les ravitaillements de Tlemcen et de Méchouar vont démontrer la justesse des ce principe nouveau. Un convoi parti de Tafna le 19 juin avec 500 chameaux conduits par des auxiliaires arabes et 300 mulets conduits par des soldats du Train refoule toutes les attaques et atteint Tlemcen sans avoir subi de pertes.
Le 6 juillet, l'émir Abd el Kader attend les Français au défilé du Tolgoat sur les bords de la Tafna. Il attend le grand convoi habituel. Bugeaud laisse le convoi de subsistances sous l'escorte réduite du 24e de ligne et marchant par un autre itinéraire avec son infanterie détruit l'armée d'Abd el Kader. Le convoi de subsistances passe sans encombre.
1836, c'est aussi l'expédition de Constantine et c'est Clauzel qui est toujours le Gouverneur Général (et Maréchal de France) . Clauzel n'a pas les mêmes conceptions que Bugeaud. Le 8 novembre 1836, une colonne sous son commandement, se dirige vers Constantine, elle comprend 9 000 hommes. Malgré la réticence du Gouvernement mis devant le fait accompli, l'expédition annoncée à grand bruit est partie. Le Train des Equipages pour sa part voulait 1500 mulets. On a pu en rassembler 485 dont 90 reversés au Train d'artillerie. Pour le service de l'ambulance, on a pu rassembler 10 voitures. Si la tête de colonne atteint Guelma le 10, le reste suit à grand peine et arrive le 16. Le Génie a du construire des routes pour les voitures. Il fait terriblement froid. Au passage de l'oued Akimimine, un orage emporte des caissons et des mulets avec leur chargement. Le convoi de mulets prend du retard et est laissé en arrière à la charge du 62e de Ligne. Les Arabes attaquent et le convoi subit un combat de 50 heures. Le 62e de Ligne qui a perdu 300 hommes bat en retraite abandonnant le convoi. Une bonne partie des conducteurs suivent, abandonnant les voitures.
Les troupes arrivées devant Constantine ne parviennent pas à forcer les défenses et le 24 novembre, Clauzel donne l'ordre de battre en retraite. Le lieutenant du Train Guibourdanche, chargé de l'évacuation des blessés, n'a plus de voitures. La retraite n'est plus qu' une longue colonne qui s'éclaircît au fil des kilomètres, abandonnant des blessés et des traînards. Les survivants parviennent enfin à Guelma où les blessés peuvent être laissés pour être soignés. La colonne revient ensuite à Bône. L'Armée française a perdu dans cette expédition : 453 morts ou égarés et 304 blessés. Bugeaud rappelé en consultation à Paris ne cache pas son opinion. "L'expédition a été mal faite, parce que les moyens étaient insuffisants; mal préparés, en rendant l'armée tellement lourde, qu'il était impossible qu'elle remplit sa mission." À la suite de cet échec, Clauzel est rappelé en février 1837 et remplacé par le général Rapaet puis par le général Denys de Damrémont.
1837. Bugeaud persiste dans sa tactique. Le 15 mai 1837, il lance ses troupes pour ravitailler Tlemcen. Il dispose de 9 000 hommes, 550 mulets et 300 chameaux achetés sur place. En 6 jours, Tlemcen est atteint. S'il n'a perdu aucun homme, ses mulets ont beaucoup souffert de la mauvaise confection des bâts adoptés par la métropole. Bugeaud exige leur remplacement.
Seconde expédition de Constantine (général Damrémont). Les 1er et 2ème octobre, une armée de 12000 hommes (deux divisions en quatre brigades) part du camp de Medjez-Amar en direction de Constantine. Le Train (chef d'escadron Poiré) fournit 5 compagnies (1 200 hommes), 97 voitures, 589 chevaux de trait, 483 mulets de bat, portant 18 jours de vivres. Le Service de santé (docteur Baudens) comprend 3 ambulances attelées par le Train. L'Intendance est dirigée par le sous-intendant d'Arnaud qui "coiffe" le Train. Deux colonnes marchent à 24 heures d'intervalle, le convoi dans la deuxième colonne avec les 4e compagnie, un détachement temporaire, la 7e compagnie, la 8e compagnie et la 9e compagnie du Train. A plusieurs reprises, les compagnies du Train, suivant la tactique de Bugeaud se protègent elles -mêmes et doivent livrer combat.
Damrémont tué, c'est le général Vallée qui mène l'attaque de Constantine avec succès. Le Train a perdu 1 officier, 12 s/officiers et 120 conducteurs, 400 blessés et malades sont dans les hôpitaux. Le rapport de l'expédition du sous-intendant d'Arnaud ne mentionne pour le Train que les pertes. Le chef d'escadron Poiré pas très content, expédie un courrier à l'Intendant général des armées pour faire son propre compte rendu. Une vingtaine de citations à l'ordre de l'armée et deux Légions d'honneur récompensent les tringlots.
Les effectifs de l'Armée d'Algérie sont portés à 45 000 hommes sous le commandement du maréchal Vallée (après un bref commandement du général Négrier). Le Train des équipages voit ses effectifs eux aussi renforcés bien que que 4 détachements de mulets soient envoyés en France.
22 octobre 1839, une colonne forte de 55 000 hommes (soldats et auxiliaires) et d'un convoi de 900 mulets sous le commandement du maréchal Vallée et du duc D'Orléans (fils du roi Louis-Philippe) qui s'avance par Mica et Rétif, franchit le défilé des Bilans ou Portes-de-Fer. La colonne défile ensuite par les Béni-Mansour et les Bisser et fait sa jonction au Fondouk avec les troupes d'Alger. La démonstration de force entraîne de-facto la rupture des accords avec Abd-el-Kader et rallume la guerre.
Abd-el-Kader entre aussitôt en campagne et dévaste la Mitidja, brûlant les fermes et massacrant les troupeaux. Les Français sont revenus au début de la conquête. Bugeaud va mettre en valeur son expérience de la Guerre d'Espagne et reprend une tactique de marche et de défense des convois qui va persister le temps des colonnes hippomobiles "formation de parcs en carrés à intervalles serrés, les animaux tournés vers l'intérieur ; formation rectangulaire à intervalles serrés sur les routes". Les généraux mettent en place des tactiques, les officiers de terrain ne suivent pas toujours les ordres. Deux convois mal escortés partent de Bouffarik le 20 novembre 1839. Ils sont attaqués chacun pas un millier de guerriers. Les 30 défenseurs du convoi vers Beni-Méred se défendent bien, seul le chef de convoi est tué. Le convoi vers l'Oued-Alleg manque de temps pour se mettre en position de défense, les conducteurs sont tous tués et les animaux emmenés.
3 février 1840, 123 Chasseurs à pied et 6 conducteurs de la 6ème Compagnie sont attaqués par 12 000 guerriers à Mazagran. La défense bien organisée résiste et les Arabes se replient le 6 février.
21 avril, au combat de l'Oued Meskiania, officiers, s/officiers et conducteurs du Train formés en peloton chargent les Arabes pour dégager des Spahis mal engagés. A la même période les rotations de convois continuent pour ravitailler les postes de Médéa et de Miliana. Plusieurs officiers et conducteurs du Train sont cités à l'ordre de l'Armée.
25 septembre, 4 nouvelles compagnies du Train sont créées et 4 détachements de 230 hommes et 250 mulets débarquent en Algérie.
Le chef d'escadron Poirée propose de faire acheter des chameaux. Le commandant Charronnet est plus particulièrement chargé de diriger l'expérience appuyé par les généraux Oudinot et Yussuf. Malgré l'avis de Bugeaud qui craint la présence de conducteurs arabes dans ses colonnes, l'expérience continue. Les Tringlots remplacent bientôt les conducteurs arabes. L'expédition sur Laghouat en 1844 (général Marey-Donge) va montrer l'efficacité de ses nouveaux animaux de bât. Beaucoup d'officiers généraux sont hostiles à l'emploi des chameaux, mais cet animal présente un énorme avantage, il n'a pas a transporter sa propre nourriture. Et les chameaux continuent a être utilisé. Le général Yusuf en fait la démonstration en 1846, en effectuant avec son convoi 322 kms en 22 jours avec une moyenne de 40 kms par jour pour une colonne de 4500 hommes. Les chameaux ont porté les sacs des soldats. Deux compagnies de dromadaires sont créées à Mascara et Médéa mais leur exitence est éphémère. Entretenir une force de chameaux sur une longue durée coûte trop cher. Aussi reviendra t'on à la formule de les louer à des tribus avec des conducteurs arabes.
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