LA GUERRE DE 1870

Sur les conseils de ses généraux et de l’Impératrice Eugénie, face à une Prusse provocatrice qui rêve de constituer une Grande Allemagne, l’Empereur engage la France dans une guerre qui doit être courte. Le 6 juillet 1870, le ministre de la guerre déclare: “La lutte est inévitable, on peut saisir sans crainte cette occasion” et “si la guerre devait durer un an, nous n’aurions pas un bouton de guêtres à acheter”. Comment douter du succès de cette armée. L’Armée française après ses succès en Crimée, en Algérie, en Italie, aux colonies est considérée comme la meilleure du monde.

Le 14 juillet, le rappel des réservistes est décidé. Leur incorporation s’effectue dans le plus grand désordre. Le 19 juillet, la déclaration de guerre est envoyée à la Prusse. L'armée d'Afrique prend le bateau pour la métropole. Pourtant à sa création, elle ne devait jamais intervenir en Europe.

L'Armée française est insuffisamment préparée. L’Empereur le sait, mais ne veut pas mécontenter ses généraux, ses ministres, l’Impératrice et le peuple de Paris qui veulent la guerre. Le peuple de province se fait plus réticent, il sait par habitude, que ce sont les petites gens qui vont encore faire les frais de cette guerre, et que ce sont les paysans qui meurent en première ligne.

Les Prussiens sont eux puissamment armés. Ils viennent de défaire l’ Armée autrichienne en une seule bataille à Sadowa et ont été des spectateurs très assidus de la guerre de Sécession aux États-Unis où le matériel a joué un rôle très important. Ils peuvent aligner en premières lignes 500 000 hommes.

L’Armée française est une armée puissante qui comprend : 115 régiments d‘infanterie soit 366 bataillons (chaque régiment comprend 3 bataillons à 8 compagnies et dispose d'un effectif théorique de 2 700 hommes (dans les faits le plus souvent moins de 2 000) dont pour la Ligne : 100 régiments de ligne (300 bataillons), 3 régiments de Zouaves (9 bataillons), 3 régiments de Turcos (9 bataillons), 1 régiment étranger (3 bataillons), 20 bataillons de chasseurs à pied. Pour la Garde Impériale : 8 régiments (25 bataillons), 3 régiments de grenadiers (9 bataillons), 1 régiment de Zouaves (3 bataillons), 4 régiments de voltigeurs/tirailleurs (12 bataillons), 1 bataillon de chasseurs à pied.

La Cavalerie dispose de 60 régiments soit 360 escadrons (les régiments de cavalerie sont à six escadrons et comprennent un effectif théorique de 800 à 900 hommes chacun) dont pour la Ligne : 54 régiments (324 escadrons) soit 10 régiments de cuirassiers (60 escadrons), 12 régiments de dragons (72 escadrons), 8 régiments de lanciers (48 escadrons), 12 régiments de chasseurs (72 escadrons), 8 régiments de hussards (48 escadrons), 4 régiments de ch. d'Afrique (24 escadrons) et pour la Garde 6 régiments (36 escadrons) soit 1 régiment de cuirassiers (6 escadrons), 1 régiment de carabiniers (6 escadrons), 1 régiment de dragons (6 escadrons), 1 régiment de lanciers (6 escadrons), 1 régiment de chasseurs (6 escadrons), 1 régiment de guides (6 escadrons).

Pour l’Artillerie nous trouvons 21 régiments soit 224 batteries de 6 pièces. Les régiments à pied sont à 12 batteries dont 5 partent en campagne, 4 sont affectés à la défense des places et trois restent en dépôt sauf pour les régiments de la Garde. Les régiments à cheval laissent 2 batteries en arrière et entrent en campagne avec les 6 autres. La réserve ainsi formée comprend 64 batteries. Toutes les batteries sont à 6 pièces de 4, de 12 (réserve) ou mitrailleuses. Pour la Ligne : 19 régiments (212 batteries) soit 15 régiments à pied (180 batteries) et 4 régiments à cheval (32 batteries). La Garde à 2 régiments à pied (12 batteries). Restent en soutien 6 régiments.
L’armée dispose en plus de 3 régiments du génie et de 3 régiments du Train des équipages.

L'armée de campagne comprend début août 26 divisions d'infanterie et 11 divisions de cavalerie disponibles immédiatement dans l'Est.

Mais dans les faits, toutes ces unités ne montent pas « au front ». De fortes unités restent à la défense des places, dans les dépôts ou en réserve et il faut garder l 'Algérie..


Fantassin

L’Armée française qui monte à la frontière, est scindée en 2 armées : L’Armée du Rhin ou de Lorraine (Maréchal Achille Bazaine) qui comprend les IIe, IIIe et IVe corps d'armée ainsi que la Garde impériale et une brigade du Ve corps et l’Armée d'Alsace puis l'Armée du camp de Chalons (Maréchal Patrice de Mac Mahon) avec les Ier, Ve et VIIe corps d'armée. Elle est rejointe par le XIIe corps venant du sud ainsi que par l'Empereur.

L’ Armée française vient de combattre majoritairement outre-mer et n’est pas équipée pour des combats en Europe. L’artillerie est insuffisante, les canons de bronze se chargeant par la bouche sont toujours en service. Face aux canons d’acier se chargeant par la culasse, ils ne vont pas faire illusion très longtemps. Les fantassins, même bien armés, sont lourdement chargés car ils savent devoir traverser des régions sans possibilité de ravitaillement. Les dépôts sont vides. Dans leur sac, on trouve de tout, le linge de rechange, des souliers, de la mercerie, des souvenirs personnels, des brosses, un couvert, des biscuits, du café, des cartouches, les vivres réglementaires que l’on n’utilise que si l’intendance n’a pu suivre (et c’est très fréquent), du papier et un crayon, une partie du matériel de l’escouade. A la main, ils tiennent le lourd fusil Chassepot, qu’ils peuvent également porter à l’épaule mais la courroie leur brise le dos.

Les aventures coloniales n’ont jamais mobilisé autant d’hommes et la campagne d’Italie remonte à 11 ans. Très rapidement, le commandement français va se montrer défaillant et incompétent. L’Empereur qui est censé commander en chef est malade et incapable de se diriger lui-même. Les généraux se jalousent et ne sauront jamais se soutenir en “marchant au canon”. Les officiers ne disposent d'aucune carte de l'est de la France mais sont dotés de cartes de l'Allemagne. L’Armée française forte de 250 000 hommes sur les 350 000 prévus va se déployer en équerre le long de la frontière avec la Prusse et attendre l’adversaire. Il est évident qu’aucune stratégie n’a été préparée. Aucun plan de campagne n’a été déterminé. Le 2 août, une opération est tentée contre Sarrebruck avec le II° Corps d‘armée qui s’ empare de la ville frontalière, faiblement défendue. Il se retire ensuite au sud-est de la ville, sur les hauteurs de Spicheren vers Forbach.

Le 3 août, la division Douay (50°, 74°, 78° de Ligne, 1er Tirailleurs et 3 batteries d'artillerie) marche vers Wissembourg. qui est alors une petite place forte déclassée à 1 km de la frontière allemande mais comportant d'importants magasins de l'Intendance. Wissembourg occupé, on attend sous une pluie battante. L’attaque prussienne se déclenche le 4 août vers 08H15. 380 000 hommes en 3 armées entrent en France.

A Wissembourg, ce sont les premiers combats. Toute une armée prussienne attaque les 4 800 hommes de Douay. Malgré le sacrifice des Tirailleurs algériens et des garnisons d'Alsace, vers 14H30, c’est la retraite des survivants de la division (Douay tué à laissé son commandement à Pellé). L’armée d’Alsace vient d’encaisser le premier choc face à un adversaire 3 fois supérieur en nombre.

Les 110 000 Prussiens qui ont écrasé la division Douay continuent leur route. De leur coté, 40 000 Badois et Wurtemburgeois arrivent à marche forcé pour les rejoindre. Le Ier corps français se concentre sur les hauteurs de Froeschwiller et doit leur barrer la route (Généraux Ducrot, de Lartigue et Raoult). Nous sommes le 5 août et vers 22H00 des orages éclatent, noyant le paysage. La pluie s'arrête vers 5 heures du matin. Une division française (gl Conseil-Dumesnil) venue du VII° corps va rejoindre ainsi que les débris de la division Douay (gl Pellé).

A l'aube du 6 août, une unité de reconnaissance des Prussiens tombe sur les avant-gardes françaises à l'approche de Wœrth et engage le combat. Trois obus tombent sur Woerth, il est 07H00 et le combat commence. Le IIe corps bavarois est intercepté par la 1ère division française à Langensoultzbach et le XIe corps prussien est engagé par la 4e division française au sortir du bois de Kreuzeck. S'ensuivent une série de combats alors que le Kronprinz cherche à faire reculer ses forces. À Wœrth, son Ve corps dispose d'une batterie de 108 canons qui écrase la 3e division française et permet aux Prussiens de franchir la Sauer. Une contre-attaque du 2e régiment de Zouaves permet de les repousser. Au nord, les Bavarois s'infiltrent dans le bois de Langensoultzbach et doivent en être chassé par le 1er régiment de Zouaves. Au sud, les Prussiens sont repoussés par le 3e régiment de tirailleurs. Jusqu’à midi, les combats restent indécis. Les bataillons français sont décimés. Le Kronprinz arrivé à Dieffenbach dispose maintenant de 150 000 hommes et 500 pièces d'artillerie contre les 45 000 Français et décide d'en finir. Les Français espèrent en l'arrivée du V° Corps (gl de Failly) et continuent à contre-attaquer. Woerth est pris, perdu, repris et définitivement perdu. A midi, les Français ont gardé leurs positions initiales malgré l'énorme supériorité de l'artillerie prussienne. À 14H00, c'est l'attaque générale. Zouaves et Tirailleurs se sacrifient. Puis leurs clairons sonnent la retraite.

Au centre, après avoir opposé de brillantes contre-attaques les forces françaises qui ne sont pas renforcées sont contraintes à se replier sur Elsasshausen. C'est alors que se situe la charge de la division de Bonnemains dite Charge de Reichshoffen (Reichshoffen est en fait un village à l'arrière du champ de bataille où avait stationné la cavalerie). Les 1er, 2e, 3e et 4e, 8e Régiments de Cuirassiers se sacrifient dans une charge certes héroïque mais totalement inutile. Cet emploi de cavaliers face aux canons prussiens est une erreur de plus pour un commandement qui n‘a pas encore compris que les conditions de la guerre ont changé. Les cuirasses brillantes jonchent le terrain.


La charge du 3e Régiment de Cuirassiers

Dans le bois de Frœschwiller, le 2e Zouave oppose une forte résistance au IIe corps bavarois et parvient même à le refouler un moment sur la Sauer mais fini par y être encerclé. Seul un homme sur dix de cette unité s’en sortira. Et plus au nord, la 1re division réduite d'une brigade entière pour renforcer le centre ne tarde pas à retraiter. A 16H00, les Français sont refoulés dans Frœschwiller qu'attaquent déjà les Prussiens. La 2e division encore en réserve contre-attaque en direction de Elsasshausen. Contrairement aux charges de cavalerie, cette contre-attaque se révèle efficace. Elle repousse les Allemand en dehors du village et permet de reprendre l'artillerie perdue. Cependant, alors qu'ils arrivent à la limite de leurs efforts, les Prussiens débouchent du bois de Niederwald et attaquent de flanc. Vers 15H00, toutes les lignes française fléchissent. Le reste de l'Armée française bat en retraite protégé par le 1er Zouave. La bataille de Woerth -Froeschwiller-Reichshoffen se solde par de très lourdes pertes de part et d’autres : 10 600 morts du côté prussien et 9 800 morts et 6 000 prisonniers du côté français. 17H00, chute de Frœschwiller et les Français retraitent. Les troupes bavaroises déchainées massacrent les blessés, les ambulances sont incendiées, l'artillerie détruit les maisons.

Face à l’Armée de Lorraine, le gl von Kameke, commandant la 14e division d’infanterie prussienne croît les Français en pleine retraite après l’abandon de Sarrebruck. Il lance donc à l’assaut ses 15 000 hommes en fin de matinée. Vers 16H00, il reçoit le soutien d’autres divisions. Malgré leur infériorité numérique, les Français tiennent bon toute la journée et infligent de lourdes pertes aux ennemis. Les contre-attaques lancées trop tard échouent cependant devant le renforcement des Prussiens. A la nuit tombée, le gl Frossard abandonne sa position sur le point d’être tournée. Il n’a reçu aucun soutien du maréchal Bazaine malgré ses demandes répétées. L’Armée de Lorraine de ce dernier est maintenant séparée de celle d’Alsace de MacMahon, défaite le même jour à Fröschwiller. Elles ne se rejoindront jamais plus et seront battues séparément. L’Empereur devient un spectateur du drame qui se prépare, il abandonne le commandement à ses généraux.

Les 2 armées sont désormais séparées. L’Armée d’Alsace se replie vers Metz, l’Armée de Lorraine devenue armée du Rhin après avoir pris le chemin de Chalons-sur-Marne repart vers Sedan (I°, V°, VII° et XII° Corps). L’Empereur accompagne cette armée dont les mouvements sont annoncés dans la presse. Quelle aubaine pour les Prussiens ! Pour cette armée, les marches se succèdent. Vers la frontière au devant de l’Armée prussienne, en arrière dès que l’ennemi se montre ou que l’on soupçonne qu’il avance. Les généraux français cherchent-ils vraiment le combat ?

Les hommes sont épuisés. A Belfort, où l’armée pense se réapprovisionner après une très longue marche, les dépôts sont vides. Pas de tentes, ni de marmites, pas de matériel médical, rien pour les chevaux. Presque pas de pièces de rechange pour l’artillerie ou les fusils. Il faut pourtant un important matériel pour remplacer ce qui a été abandonné au cours de la retraite. Pour se ravitailler, on vole, au mieux on négocie avec les paysans.

A la halte, regroupés autour de leur caporal, les hommes d’une escouade se rassemblent sous une unique tente, souvent le ventre vide. Quelle chance lorsque l’on peut se réunir auprès d’un maigre repas cuit dans la marmite de l’escouade qu’un homme transporte tout au long de la journée sur son paquetage. Un homme transporte le bidon pour l’eau, un autre transporte la tente, un autre le complément de munitions, un autre les outils de cantonnement, et tous portent le bois sec ramassé en chemin. Le caporal, le plus modeste des gradés de l’armée, sur qui tout repose, tente de conserver une certaine dignité à ses hommes. Il veille sur eux comme un père de famille, qu’il est bien souvent dans son village. Il veille à leur propreté, à leur alimentation s’improvisant cuisinier, à leur santé s’improvisant infirmier, à leur armement, au contenu de leur sac, il s’attache à répartir équitablement les taches journalières. A la halte, c’est une cohorte de caporaux qui se présente aux fourgons de l’intendance quémandant la nourriture pour leurs hommes car on ne distribue la nourriture qu’une fois pas jour, quand elle arrive. C’est souvent le lieu aussi où arrivent les nouvelles, vraies ou fausses.


Le champ de bataille

De marches en contremarches, l’Armée Mac Mahon se regroupe autour de Sedan. Les hommes sont épuisés par des semaines de marche. Ils ont le ventre vide car il y a bien longtemps que les vivres de réserve sont consommées. L’intendance n’a jamais pu rejoindre les colonnes en marche. Les unités sont dispersées, chacun marche avec pour compagnons ceux qu’il a trouvé. A la halte, des soldats tentent de retrouver leur compagnie dans l’obscurité, car les feux de bivouacs sont interdits. L’ennemi est tout près. Des égarés suivent comme ils peuvent. Plus qu’une armée, c’est un troupeau qui se déplace. Mac Mahon blessé est remplacé par son adjoint (gl Ducrot) puis quelques heures après par un autre général (gl de Wimpffen, arrivé d'Algérie la veille). 3 commandants en chef aux doctrines opposées en quelques heures, voilà qui réconforte les hommes. Qui commande en réalité ?

A Sedan, un semblant d’organisation s’opère, les officiers retrouvent leurs hommes. Les compagnies se regroupent. Les régiments se reforment. 100 000 hommes et 500 canons se disposent autour de la ville de Sedan (alors fortifiée). 4 Corps d’Armée vont résister aux ennemis qui déferlent. L’attaque des Prussiens et des Bavarois se déclenche.


L’infanterie coloniale prend Bazeilles

Le 31 août, la Division de marine (gl de Vassoigne) avec les 1er, 2e, 3e et 4e Régiments d’Infanterie Coloniale assistés du Ier Régiment d’Artillerie Coloniale (en tout moins de 10 000 hommes) reçoit l'ordre de reprendre Bazeilles à trois kilomètres de Sedan. A la tombée de la nuit, le village est repris. Mais à l'aube du 1er septembre, le IV° corps bavarois contre-attaque appuyé par de l'artillerie. Les Marsouins et Bigors livrent alors un combat désespéré. Des témoins racontent qu’à Bazeilles, des civils, bourgeois et ouvriers, ont récupéré les fusils des morts et font le coup de feu. Pour eux pas d’espoir, capturés, ils seront fusillés sur le champ. Le combat dure des heures dans un village en ruines et en feu, car les Bavarois pour en déloger les défenseurs incendient les maisons. Ces mêmes Bavarois fusillent tous ceux qu'ils rencontrent, civils et militaires. Les combats se déroulent rue par rue, maison par maison, pièce par pièce de 05H00 à 16H00. Refoulés de maison en maison, les derniers défenseurs se replie dans la maison Bourgerie. Le combat se termine par le sacrifice ultime dans « la maison de la dernière cartouche« . Les Marsouins et Bigors ont perdu 2 655 tués, blessés et disparus. Les Bavarois ont perdu 7 000 hommes (source bavaroise). Les civils Bazeillais ont perdu 40 des leurs.


La dernière cartouche

L’encerclement de Sedan est désormais effectif.

Le 2 septembre, ce qui reste de cavalerie, la division du gl Margueritte : 3 régiments de Chasseurs d’Afrique, un régiment de Chasseurs, un régiment de Hussards, tentent de briser l’encerclement. Au bout de la quatrième charge, les lignes prussiennes sont atteintes, mais le sacrifice est vain, 15 000 morts et blessés, et le cercle est toujours fermé. Les 4 corps d’armée sont encerclés. 800 pièces d’artillerie prussiennes installées sur les hauteurs environnantes pilonnent cette masse d’hommes.

Les soldats se réfugient entre les murailles de Sedan. C'est une cohue qui emplit la ville. Affamés depuis les jours, les hommes fouillent les maisons à la recherche de nourriture. Hélas, il n’y a rien. Épuisés, affamés, des soldats tombent partout pour dormir. Quelques régiments encore a peu près organisés tiennent les remparts. Pour la première fois, des hommes au brassard de la Croix-Rouge courent sur le champ de bataille pour ramasser les blessés. Si leur dévouement est exemplaire, leur sacrifice n’aura qu’une portée limitée, car à l’arrière, les médecins sont débordés, submergés par une foule de blessés. Mais l’œuvre d’Henri Dunant est en marche.

L’Empereur (qui a tenté toute la journée de se faire tuer) envoie en direction des lignes prussiennes des émissaires pour obtenir une capitulation aux meilleures conditions possibles. La capitulation sans conditions est exigée. Dans l’indifférence générale, le drapeau blanc est hissé.

Les Prussiens envahissent la ville à la recherche de tout ce qui porte uniforme. Les soldats français brisent leurs armes, enterrent les drapeaux, détériorent l’armement lourd.

L’Empereur et 91 000 hommes sont faits prisonniers. Napoléon III est rapidement envoyé en Belgique d’où il partira ensuite en exil. Les troupes désarmées sur la place Turenne (place centrale de Sedan), sont rassemblées ensuite dans une presqu’île de 4 kilomètres de long sur 1,5 de large, comportant quelques villages en partie détruits par les combats. Les paysans sont mobilisés par les Prussiens pour enterrer les morts français, des pillards se glissent parmi eux. Pillage aggravé par les Prussiens qui offre une prime pour tout fusil apporté.

Au bord de la Meuse, les prisonniers vont rester plusieurs jours, affamés car leurs geôliers ne les nourrissent pas. Seuls ceux qui ont quelque argent peuvent négocier de la nourriture avec les paysans des villages qui partagent leur prison. La presqu’île devient un cloaque, sous une pluie constante. Les hommes sans abri, sont transis, trempés, affamés, supportant une odeur pestilentielle car les cadavres de chevaux n’ont pas été enterrés. Puis un premier convoi composé des généraux et d’officiers prend la route vers l’Allemagne. Ensuite, ce seront des convois de 1 000 à 1200 hommes qui prendront aussi la route, à pieds. Nous ne possédons pas beaucoup de témoignages sur ces hommes qui marchent vers la captivité. Qu’en est-il de leurs réflexions, que pensent-ils ? Tant de souffrances pour arriver à cette humiliation. Avec la complicité de la population, certains se risquent à s’évader. Ils rejoindront l’Armée du Nord ou l’Armée de la Loire. D’autres rentrent chez eux tout simplement.

10 000 survivants, qui ont pu échapper à la capture, s’enfuient en direction de l’ouest. Ils doivent se regrouper à Lille. Une nouvelle fois, les habitants du nord de la France voient passer les convois de fuyards : soldats et officiers en déroute, dragons à pied et fantassins à cheval. Des fourgons passent chargés de blessés et de malades, d’autres blessés se traînent à pied le long des fossés, des pontonniers ont chargés leurs bateaux de blessés. La population fait de son mieux pour soulager tant de souffrance.

Une partie seulement de l’armée retraite en bon ordre. Le gl Vinoy recule vers le sud avec son XIII° Corps comprenant 2 divisions et de l’artillerie, en direction de Rethel. Au bout de 4 jours de marche, de contre-marche, de changements d’itinéraires, cette armée arrive à Laon où elle retrouve 2 autres divisions épuisées. Tout le monde embarque dans des trains pour Paris où l’on se regroupe le 9 septembre. Laon va résister avec 800 hommes qui se rendent le 9 septembre sans savoir que l’Empire est renversé. Quelques forteresses résistent encore : Strasbourg, Belfort, Toul, Verdun, Péronne, Lille, la Fère.


1869



La guerre sous la République