2 août 1914 : l’Armée allemande (gl Moltke) envahit le Luxembourg sans déclaration de guerre. Ce même jour, l'Allemagne exige le libre passage de ses troupes par la Belgique, délai de réflexion 12 heures. La Belgique a mobilisé ses 117 000 soldats et bien entendu refuse le passage. Le 3 août, l'Allemagne déclare la guerre à la France. Le 4 août, l’Allemagne, sans déclaration de guerre, envahit la Belgique où de nombreux civils sont fusillés. La Grande-Bretagne déclare la guerre à l’Allemagne. L’Autriche déclare la guerre à la Russie. Le 13 août, la France déclare la guerre à l’Autriche-Hongrie. Le 26 août, le Japon déclare la guerre à l’Autriche-Hongrie.

2 août 1914 : le premier soldat français est tué : le caporal Peugeot (un instituteur). La déclaration de guerre n'est pas encore parvenue aux autorités françaises. Nous savons maintenant que dès le 25 juillet des troupes allemandes étaient entrées en France dans la zone laissée vide par nos troupes de couverture. Un bombardier allemand survole Lunéville et lâche une bombe.

3 août 1914 : Appareillage de l'Armée navale de Toulon (amiral Boué de Lapeyrère). Elle a pour mission de couvrir la route des transports de troupe venant d'Afrique du Nord. A partir du 4 août, les dreadnoughts Courbet et Jean-Bart se mettent aussi à la recherche (sans succès) du Goeben et du Breslau qui viennent de bombarder Bône et Philippeville. Le 15 août, l'Armée navale après avoir protégé les transports de troupes surprend le croiseur autrichien Zenta et deux torpilleurs. Le croiseur est envoyé par le fond, les torpilleurs s'enfuient. Les attaques par nos sous-marins de la flotte autrichienne se révèlent moins heureuses. Le 16 décembre,  le sous-marin Curie obligé de faire surface est pris à partie devant Pola, le navire est coulé, une bonne partie de l'équipage parvient à évacuer à temps. Le 21 décembre, le cuirassé Jean-Bart est torpillé par le sous-marin autrichien U 12. Le Jean-Bart mettra trois mois à réparer ses avaries. Mais la violence des combats sur le front vont masquer les efforts de l'Armée navale. Efforts répartis sur toute la surface du globe. Le 22 septembre 1914, le petit torpilleur Mousquet s'est lancé à l'attaque du croiseur léger Emdem devant Papeete, il est coulé. 

La doctrine militaire en vigueur dans les armées européennes, c'est l'offensive à tout prix, l'offensive à outrance. Le Grand-Quartier-Général du gl Joffre va attaquer partout avec ses divisions d'active, sans attendre la fin du regroupement des divisions de réservistes en cours de mobilisation. Il faut briser l'Armée allemande par une victoire décisive.

5 août 1914 :

L'Armée allemande envahit en nombre la Lorraine, patrouillant, fusillant, pillant, incendiant comme à Parux, Affleville. L'ennemi est le 11 août devant Longwy, prend Briey et le bassin minier. Le 12, il bombarde Pont-à-Mousson et le 14, Pagny-sur-Moselle. Comme en 1870, l'ennemi marche sur Sedan.

Alsace 1914 : I° Armée (gl Dubail) : le 7 août les "pantalons rouges" de l'infanterie (14e division (gl de Villaret), 41e division (gl Superbie)), "les diables bleus" (15e Bataillon de Chasseurs de Remiremont du cdt Duchet), les cavaliers de la 8e divisions (11e, 18e Dragons), le 47e d'Artillerie de campagne d'Héricourt, marchent vers la Haute Alsace par la trouée de Belfort. Quelle émotion, quand les soldats français des 44e, 60e, 35e, 42e, 23e, 152e, 373e régiments d’infanterie, les pionniers du 7e bataillon du génie (compagnie 7/1), renversent les poteaux frontières séparant l’Alsace-Moselle du reste de la France. Par Altkirch, Thann, l'avance est rendue difficile par la forte résistance allemande. Mulhouse est occupé rapidement par la 14e division, le 8 août. Dans la population libérée, c’est du délire. Les soldats français sont abreuvés, fleuris. Les Allemands contre-attaquent. Les troupes françaises évacuent Mulhouse le 10 août. La ville est impossible à défendre compte tenu des faibles forces françaises. C'est le grand désarroi dans la population qui avait pavoisé un peu vite. En représailles, les Allemands bombardent la ville. Les Français battent en retraite et évacuent aussi Thann après de lourdes pertes.

Le Grand-Quartier-Général ne peut rester sur cet échec. Une nouvelle armée est créée, l'Armée d'Alsace (gl Pau). L'attaque est reprise le 11 août avec des effectifs plus conséquents portés à 115 000 hommes. Arrivent des éléments des 171e, 242e, 172e, 371e, 372e et 244e régiments d'infanterie, trois groupes d'artillerie montée de 75mm, une compagnie du génie et deux escadrons de réserve de dragons. Le 1er groupe de division d'infanterie de réserve (gl Archinard) avec les 280e, 281e, 296e, 215e, 253e et 343e régiments d'infanterie. La 44e division d'infanterie alpine (gl Soyer) apporte son appoint à l'armée nouvelle avec le 97e, 157e, 159e et 163e régiments d'infanterie. Arrive aussi la brigade active de Belfort, formée de six bataillons des 171e et 172e régiments d'infanterie. Deux batteries lourdes sont improvisées. Se joignent à l'attaque les 70e, 11e, 14e, 28e, 12e, 22e, 33e, 30e bataillons de chasseurs, et d'autres régiments encore. Par la trouée de Belfort et les cols des Vosges, l'armée d'Alsace remonte au combat.

La ville de Mulhouse est reprise le 19 août. L'ennemi est en fuite. La marche continue vers Colmar, Turckheim, les soldats pensent atteindre le Rhin. Le 20, les Français sont aux portes de Colmar. Mais en Lorraine, c'est un désastre et les troupes d'Alsace risquent de se voir coupées de leurs arrières. Mulhouse est abandonnée. Du 22 au 24 août, l'Armée d'Alsace qui n'a connu qu'une existence éphémère est dissoute. Ses divisions font retraite et passent à d'autres armées. Thann et ses environs peuvent être conservés et le seront toute la guerre.

Vosges 1914 : I° Armée (gl Yvon Dubail) : le 7 août, la 43e division s'empare des cols du Bonhomme et de Sainte Marie aux Mines. La 13e division prend le col de Saales. Voilà les Français aux portes de l'Alsace après avoir conquis la plupart des cols. Plus au nord, les troupes avancent vers Sarrebourg enlevé le 18 août. L'artillerie allemande est puissante et les pertes sont lourdes dans les régiments de ligne et les bataillons de chasseurs. L'objectif est Sarrebruck en Sarre. Rapidement écrasés par les obus, les Français n'avancent plus. L'artillerie française est inefficace. C'est maintenant à l'infanterie allemande de progresser. L 'infanterie coloniale se sacrifie en vain. Devant le désastre qui se déroule à la II° Armée, le Grand-Quartier-Général donne l'ordre à la I° Armée de battre en retraite, en évacuant les villages annexés et en repassant la frontière de 1871. Avoir perdu tant d'hommes pour faire flotter le drapeau sur les villages devenus allemands en 1871 et les abandonner est un déchirement.

Lorraine 1914 : II° Armée (gl Edouard de Curières de Castelnau) : le 14 août, attaque en direction de Château-Salins, Morhange. Là aussi l'objectif est de repousser les Allemands au delà de la frontière de 1871 jusqu'à la frontière historique. L'offensive prend du retard sur certains secteurs en raison de la forte résistance allemande. Le 18 août, en pleine offensive, le XVIII° corps est retiré à la II° Armée pour être envoyé en Belgique. Le corps de cavalerie passe lui à la I° Armée et dès lors il est fait appel aux divisions de réservistes. L'offensive en Lorraine devient bien compromise. Avant la bataille qui va se dérouler à Morhange, c'est une armée affaiblie qui continue son attaque. L'artillerie allemande de la II° Armée de von Bulöw et de la III° Aréme de von Hausen, est de plus en plus forte. Les pertes commencent à être très sérieuse. C'est bientôt à l'Allemand de contre-attaquer. Le corps d'armée bavarois fait plier la résistance française. La ville de Morhange ne peut être prise. L'aile droite de la II° Armée commence sa retraite. Les soldats des 31e, 32e, 39e, 11e, 30e , 29e, 59e divisions, les bataillons de chasseurs se sont sacrifiés en vain après une tuerie au corps à corps, à l‘arme blanche, à la baïonnette, à la hache, à la pelle, sous les obus de l'artillerie lourde allemande. La Division de fer composée de Lorrains qui combattent pour leurs villages et leur terre est anéantie. L'offensive doit se poursuivre pour soulager les autres fronts. Mais ces sacrifices sont vain.

 Fantassin   CuirassiersTerritorialChasseur

Ces premières batailles sont meurtrières, nos soldats en pantalon garance sont des cibles idéales pour les mitrailleurs et les artilleurs allemands. Car le commandement envoie toujours les régiments en avant, drapeau en tête, les officiers sabre au clair, comme au temps de Napoléon Ier. Les cavaliers chargent les mitrailleuses allemandes, sabre au clair. Des dragons et cuirassiers à la cuirasse étincelante sont envoyés à la mort, lance à la main. La carence en artillerie lourde de l’Armée française est flagrante, les 75 ne peuvent même pas approcher à portée de tir, ils sont détruits avant. Leur portée maximum de 7 000 mètres oblige les artilleurs à venir au plus près des lignes et à subir le feu des 77, des 150, des 210, des 305 allemands guidés depuis le ciel par les premiers avions et les ballons d'observation.

Le 21 août, les Français perdent 7 000 hommes. Au soir du 21 août, le gl de Castelnau doit se résoudre à ordonner la retraite. Coloniaux, les 'Diables bleus", les "Pantalons Rouges" ont été décimés. Les croix de bois surmontées d'un képi rouge balisent les combats.

Lorraine 1914 : III° Armée (gl Ruffey) : la stratégie de cette armée est subordonnée à l'action des Allemands de la V° Armée du Kronprinz. Les Français sont en attente autour de Verdun (300 000 hommes). La Belgique étant attaquée, le corps de cavalerie (1e, 3e et 5e divisions de cavalerie) est envoyé d’urgence vers la Belgique. Direction le Luxembourg belge et la Principauté du Luxembourg. Les cavaliers font une étape de 130 kilomètres en 20 heures. Les premiers Allemands rencontrés s'enfuient, heureux présage ! Non, car les chevaux sont épuisés. Impossible de poursuivre (10 000 chevaux seront morts avant la fin septembre). Du 6 au 20 août, le corps de cavalerie ne va cesser d'être à l'avant des attaques françaises. Les Allemands sont en retraite. Mais un Allemand qui s'arrête, creuse. D'abord un trou individuel, s'il en a le temps, un abri de mitrailleuse, plus de temps encore, une tranchée collective. Si son avance échoue, il revient dans sa position initiale toute prête à l'accueillir et fait feu sur le Français qui avait bien crû le tenir.

La IV° Armée (gl de Langle de Cary) ne reste pas longtemps en réserve. Dès le 8 août, elle prend position entre les III° et V° Armées. Son sort et celui de la V° Armée sont désormais liés. Les deux armées passent à l'attaque. Le 10 août, les "pantalons rouges" sont au contact et attaquent à la baïonnette appuyés par la cavalerie. La prise du village de Mangiennes voit le succès du 130e d'Infanterie de Mayenne et du 14e Hussards d'Alençon. Puis tout s'arrête, plus d'ennemi au contact. Du 12 au 20 août, les soldats attendent. L'ennemi n'est pas loin car on aperçoit ses feux de bivouac. Mais pas de combats.

Le 20 août, l'offensive reprend, droit au nord, vers le Luxembourg belge et les Ardennes. La population belge assiste au passage des troupes comme à un spectacle. Regardant passer les régiments français, elle leur apporte café, rhum, bouillon, tabac. Partout flotte le drapeau belge. Cet accueil chaleureux, les soudards allemands le feront payer très cher aux civils belges.

Le 22 août, c'est le choc. Nous retrouvons les 130e R.I. et le 14e Hussards en tête de colonnes. Dans un épais brouillard, la fusillade est fournie. Les premiers blessés et les premiers morts tombent. L'artillerie française est muette ne distinguant pas ses cibles dans le brouillard. Puis les premiers "casques à pointe" apparaissent. L'infanterie française contre-attaque et se fait hacher par les mitrailleuses allemandes. Le 22 août, il faut bien constater que les objectifs initiaux n'ont pas été atteints. Déjà la retraite commence.

Belgique 1914 : la V° Armée (gl de Lanrezac) marche à la rencontre de l'ennemi, la 19e Division en tête de colonnes. Au matin du 21 août, l'ennemi est en vue, qui avance vers les troupes françaises. Les 71e d'infanterie de Saint Brieuc, 48e de Guingamp, 70e de Vitré, 41e de Rennes, 39e de Rouen tentent de les arrêter, en vain. Tous les régiments qui vont venir en renfort vont succomber sous le nombre. Cinq armées allemandes marchent sur eux. A la surprise du Grand-Quartier-Général, les troupes allemandes sont bien plus importantes que prévu. L'explication vient rapidement, le Commandement allemand a engagé aussi bien ses divisions d'active que ses divisions de réservistes.

Les régiments d’Orléans, de Blois, de Montargis, d’Auxerre, attaquent drapeaux en tête. Ils sont massacrés. Les régiments de Laval, du Mans, de Brest, de Nantes, de Rouen, de Toulouse, de Montauban, de Marmande, d'Agen, de Cahors subissent des pertes considérables. Les régiments de tirailleurs marocains, de zouaves, de tirailleurs algériens amenés en renfort sont décimés avant d’arriver en ligne. Au soir du 22 août 1914, 27 000 Français ont été tués dans cette seule journée, la plus noire de la guerre. Le 23 août, les Français jettent leurs dernières forces dans la balance. C’est l’échec. Le 23 aout, de Lanzerac ordonne la retraite jusqu'à la ligne de la Somme à 80 kms.

Le 24 août, c’est la retraite, tous régiments mêlés. Ces soldats que nous avons vu partir, "la fleur au fusil", pour un exercice en campagne un peu plus excitant, se sont vite aperçu que “le feu tue” et qu’à la fin de la fusillade les morts ne se relèvent pas. Confrontés à la dure réalité du combat, sous un déluge de fer et de feu, ce sont d’abord quelques unités qui se délitent et puis de proche en proche un sauve-qui-peut général se propage, qui devient une véritable panique. Des hommes jettent leur équipement. Un colonel erre, tenant le drapeau du régiment à la main à la recherche de ses hommes. Des officiers perdent jusqu’au sentiment de leurs responsabilités. Eux, si brillants dans les exercices à la carte, s‘enfuient. Le repli s’effectue en désordre sur 10, 20, 30 kilomètres jusqu’à ce qu’un semblant d'organisation s'opère. Sur les arrières des armées veillent les prévôts, les gendarmes aux armées. Gare au soldat isolé qui ne peut justifier sa présence en ce lieu, ou qui est appréhendé sans arme. Foch demande d’appliquer l’article 229 du code de justice militaire qui sanctionne les abandons de poste et le pillage. Fusiller les fuyards, fusiller les pillards, il n’y aurait plus d’armée. Quelques officiers appliquent ce règlement, les autres laissent faire. 24 soldats qui se sont mutilés volontairement sont fusillés. Un commandant de la Coloniale pour avoir demandé à ses hommes de se rendre est fusillé. C'est le premier fusillé officiel.


Premiers abris

Les Britanniques eux-aussi font retraite. Leur armée professionnelle n'a rien pu faire contre les Allemands. Leur cavalerie a chargé comme à Waterloo et à Balaklava et a été massacrée. Les fantassins retraitent comme les Français avec la même peur, la même panique. Des groupes de soldats isolés sans officier cheminent avec les civils.

Des fuyards se cachent dans les villages et les fermes. Leur sort sera funeste. Dès l’arrivée des Allemands, ceux-ci se mettent à la recherche de tous les hommes susceptibles d’être des francs-tireurs. Des affiches sont apposées ordonnant aux soldats de se rendre sous 24 heures. Ceux qui auront la chance de se rendre dans les premières heures sont emmenés comme prisonniers de guerre en Allemagne. Les autres, tous les autres, découverts au cours d’innombrables fouilles, sont fusillés, ainsi que les villageois qui les abritent. En février 1915, la chasse aux isolés se poursuit et ce sont 11 Anglais qui sont fusillés à Iron. En mai 1915, ce sont tous les hommes qui ont été autrefois soldats qui doivent se présenter aux Kommandanturs. Certains qui se présentent sont envoyés en Allemagne. De nombreux autres qui ont refusé de se présenter et qui sont ensuite capturés sont fusillés. Une filière d’évasion improvisée par des femmes de la région va permettre à quelques hommes de se réfugier aux Pays-Bas. Même les morts de ces premiers jours de guerre et qui ont été enterrés à la hâte ne sont pas en repos. Les "Felgrauen" les font déterrer pour leur voler montres, bijoux et argent. C'est un pillage en règle des villes et villages. Cela n'empêche pas les Allemands de progresser de 50 kilomètres par jour. La police militaire allemande fait régner la terreur dans les villes occupées. Les élus et les prêtres sont pris en otage. Le maire de Senlis est fusillé. Une armée d'occupation s'installe qui pille tout.

Les Allemands occupent Nomény, Gerbéviller, Baccarat, Lunéville où ils perpétuent d'abominables horreurs sur les femmes, les enfants, les vieillards. Le chute de Longwy, où ont tenté de résister 7 000 défenseurs, entraîne celle de Sedan et Mézières. Les Allemands prennent Maubeuge après 8 jours de combats acharnés livrés par les 48 000 hommes de la garnison (145e de Maubeuge, 31e et 32e d'infanterie coloniale, 1e, 2e, 3e, 4e, 85e Territoriaux, 2 bataillons de douaniers, 4 batterie de 75 et le 6e Chasseurs de cavalerie de Lille). Accablés sous les obus des batteries lourdes allemandes, dont des pièces de 420mm, les Français n’ont rien pu tenter pour se dégager, mais ils ont tenus 8 jours. 45 000 prisonniers prennent le chemin de l'Allemagne.

La retraite est entravée par le flot des milliers de civils qui encombrent les routes. Files de gens poussant des véhicules de toutes sortes, du lourd charriot de ferme à la voiture d'enfant et les brouettes surchargés des biens les plus précieux. Nos soldats pour dépasser cette foule marchent à travers champs, mal ravitaillés, épuisés. Mais les armées se reforment, les trainards rejoignent, les compagnies sorties des dépôts remontent vers les colonnes. La retraite générale en bon ordre va permettre la contre-attaque et la victoire de Saint-Quentin/Guise.

Guise 1914 : V° Armée. Le Grand-Quartier-Général exige que la V° Armée arrête l'avance des Allemands à n'importe quel prix. L'objectif est de reprendre Saint-Quentin tout en bloquant les Allemands au sud de Guise. Une participation est demandée à l'Armée britannique. En vain, car elle est en pleine retraite. 8 divisions sont prévues pour attaquer en direction de Saint-Quentin. Mais ces divisions d'attaque ne sont pas prêtes. Le danger vient de Guise d'où les Allemands attaquent. Les 6e d'infanterie de Saintes, 123e de la Rochelle, 57e de Rochefort, 144e de Bordeaux et le 24e d'artillerie de La Rochelle les repoussent. Puis les Français doivent reculer devant l'importance des forces qui leurs sont opposées. Le X° Corps passe à son tour à l'offensive. Les 43e d'infanterie de Lille, 127e de Valenciennes, 1er de Cambrai, 84e d'Avesnes, 3e de Digne, 73e de Béthune, 8e de Saint-Omer, 110e de Dunkerque et le 27e d'artillerie de Saint-Omer sont jetés en avant après une effroyable préparation d'artillerie. Les Allemands sont refoulés sur Guise avec de lourdes pertes (6 000 hommes). Voici les 48e d'infanterie de Guingamp, 71e de Saint Brieuc, 41e de Rennes, 70e de Vitré, 208e de Bastia , 243e de Lille, 273e de Béthune, 310e de Dunkerque, 327e de Valenciennes avec le 10e d'artillerie de Rennes qui entrent en action (une majorité de régiments de réservistes). Puis ce sont les 2e et 4e Hussards de Verdun, 28e et 30e Dragons de Sedan, les 3e et 6e Cuirassiers de Reims et Sainte-Ménéhould. Les Allemands défaits battent en retraite vers le nord. Autres victoires à Cary, à Signy-l’Abbaye. Pourtant ce ne sont que des victoires sans lendemain, la V° Armée bat de nouveau en retraite.

A Paris, c'est l'affolement. La garnison de Paris (gl Galliéni) est trop faible pour supporter un éventuel assaut. Les Fusiliers-Marins qui sont chargé du maintien de l'ordre, la 92e Division (zouaves, tirailleurs et territoriaux) et les réservistes des dépôts de Paris feront leur possible si le Boche attaque. Le Grand-Quartier-Général constitue une VI° Armée chargée de défendre Paris. Devant l’avance des Allemands, le gouvernement quitte Paris pour Bordeaux. Avant de partir, le recensement de la classe 1915 a été décidé. Le débarquement à Paris de la 7e Division de Dreux, Chartres, Alençon, de la 8e Division de Mayenne et Vannes, des 83e, 85e, 86e, 89e, 92e Divisions territoriales, de la 45e Division d'Algérie et d'une brigade de cavalerie montre la détermination du Commandant de la place de se battre coûte que coûte. La population commence à creuser des tranchées, à réparer les murs des fortifications. Des troupeaux sont mis à l'herbage dans le bois de Vincennes. Les "bouches inutiles" partent par le train vers des destinations de l'ouest et du midi. La ville est placée en Etat de siège. Les chemins de fer font des miracles en transportant d'un bout à l'autre du front 180 000 hommes en quelques jours. La 45e division d'Algérie (gl Drude) a débarqué quelques jours plus tôt à Sète, la voici à Paris avec ses 1er, 2e, 3e et 4e Zouaves et Régiment de marche du 2e Tirailleurs et 7 groupes d'artillerie à cheval d'où elle rejoint le front.

Le 30 août, le gouvernement appelle sous les drapeaux la classe 1914. Ils rejoignent les casernes pour leur instruction avec les milliers de volontaires qui viennent du monde entier.

Sur l’injonction de Joffre qui ordonne de se battre sur place et qui destitue une cinquantaine de généraux de divisions et de brigades (en tout 200 généraux et colonels), la retraite s’arrête. 300 soldats ont été fusillés pour cause de déroute, mais aucun général n’est sanctionné véritablement. Le commandement à la main lourde pour la troupe mais il ne sanctionne pas ses généraux alors que le Ministre de la Guerre demande la constitution de Conseil de Guerre pour juger les généraux incapables.

Les hommes font volte face et front à l’ennemi qui les talonne. La cavalerie française après des étapes de 80 kilomètres va se jeter dans les brèches. L’armée Lanzerac qui vient de faire 650 kilomètres à pied depuis le 15 août, fait front. Les « pantalons rouges « sont épuisés, sales, hirsutes, pas lavés ni rasés depuis 15 jours, affamés, assoiffés. Des renforts débarquent de Lorraine (55e et 56e divisions composées de réservistes briards et parisiens). Tous vont faire face à l’Allemand qui arrive tout aussi fatigué. Les fantassins ont été trop humiliés par cette retraite qu'ils n'ont pas tous compris. Une immense ligne de soldats sur plusieurs centaines de kilomètres recule toujours mais en combattant, jour et nuit, sans sommeil, sans nourriture. C'est désormais une retraite ordonnée, commandée, surveillée par le Grand-Quartier-Général.

Le gl allemand Moltke devait écrire : “Que des hommes ayant reculé pendant plus de 15 jours, couchés par terre et à demi morts de fatigue (il aurait pu ajouter et de faim) puissent reprendre le fusil et attaquer au son du clairon, c’est une chose que nous autres Allemands nous n’avons jamais appris à compter”. Les Allemands ont pris Lille où ils ont trouvé des millions de cartouches, des vivres et de la nourriture pour les chevaux. La garnison de Lille composée en grande partie de territoriaux s’est repliée à pieds vers Lens puis par le train. Nous la retrouverons au Havre. Conformément aux ordres, ont été abandonnés les approvisionnements (généraux Percin et Herment). A Compiègne, les 87e et 287e Divisions ont été évacuées sans combat. L'avance des colonnes allemandes est inexorable. 400 000 Français sont déjà hors de combat, tués, blessés ou disparus soit 1/3 des hommes des 1 200 000 soldats de première ligne. Les divisions de réservistes vont devoir être employées encore plus. Des unités territoriales montent en ligne.

Le 3 septembre, les Allemands sont à Laon, Soissons, Villers-Cotterets, Reims, Chateau-Thierry, Compiègne, Epernay, Chalons, Vitry-le-François, Creil, Senlis. Ils occupent désormais, les Flandres, la Picardie, le Valois, la Champagne et la Brie. Les Français tiennent toujours Nancy et Verdun, pivots de la défense.

Alors que deux armées allemandes (von Bulöw et von Kluge) ne sont qu'à deux étapes de Paris, inexplicablement, les Allemands infléchissent leur marche au sud-est. Le Grand-Quartier-Général a d'abord du mal à croire les reconnaissances aériennes malgré les photos. Les reconnaissances de cavalerie confirment cette nouvelle direction de l'avance allemande. Une sorte de large poche se crée à l'est de Paris où s'engagent les Allemands.

L’avance allemande est stoppée après les victoires de l‘Ourcq, du Petit Morin, d‘Esternay et de Montmirail. Partout les troupes françaises et britanniques ont cessé de reculer. Joffre a alors l'idée de contre-attaquer les colonnes allemandes sur leur flanc droit. Pour cela, il dispose de sa VI° Armée nouvellement reconstituée (100 000 hommes du gl Maunoury), de la IX° Armée en cours de constitution (gl Foch), du B.E.F (gl French), de la V° Armée épuisée (gl Louis Franchet d'Espérey remplaçant de Lanzerac). Le B.E.F. est déplacé de l'aile droite au centre de la contre-attaque prévue, encadrée par 2 armées françaises. Au centre du dispositif se positionne une nouvelle VII° Armée (gl Putz). Sur la droite, les III° (gl Sarrail qui remplace Ruffey) et IV° Armées (gl de Langle de Carry). Sur les autres parties du front, les I° et II° Armées doivent tenir le terrain qu'elles occupent. L'ordre du jour de Joffre est clair et connue de tous les hommes dans la journée. "Au moment où s'engage une bataille d'où dépend le salut du pays, il importe de rappeler à tous que le moment n'est plus de regarder en arrière. Une troupe qui ne peut plus avancer devra, coûte que coûte, garder le terrain conquis, et se faire tuer, sur place, plutôt que de reculer. Dans les circonstances actuelles, aucune défaillance ne peut être tolérée". Peu importe le coût humain, peu importe la fatigue des hommes ! Les hommes sont épuisés. Le commandement réussit à leur accorder quelques heures de repos et quelques vivres. Mais le moral est élevé. Les exactions allemandes sont connues de toute l'armée et renforcent leur volonté. Ce n'est pas uniquement par le bouche à oreille que les soldats sont au courant. Les réservistes des 55e et 56e Divisions ont vu de leurs yeux, ces exactions. Les Marocains ont vu Senlis en flammes. Nul besoin de vaines paroles pour les emmener au combat.

La Marne 1914 : La bataille qui s'engage va opposer 900 000 Allemands à 600 000 puis 900 000 Français et 100 000 Britanniques. Jamais une bataille n'a comporté autant de combattants. Le sort de la France et peut être de l'Europe va se jouer.

Le 5 septembre, les Français attaquent au nord de Meaux, les villages de Monthyon, Penchard, Marcilly, Chambry. Les soldats du 276e d'infanterie, originaires de la région, montent à l'assaut de leurs propres villages.

Le 6 Septembre, les combats s'engagent sur tout le front. La VI° Armée française passe à l'attaque (45e, 55e et 56e Divisions et Brigade marocaine). Le IV° Corps allemand surpris se replie en appelant des renforts. La V° Armée attaque aussi, à 06H00, avec 4 corps d'armée. Les premiers villages sont vite pris, perdus, et repris en fin de journée après une attaque à la baïonnette. La IX° Armée attaque également, des villages sont pris et repris plusieurs fois. Devant la riposte allemande, toutes les réserves sont engagées. A la IV° Armée, les troupes sont épuisées et la reprise de l'offensive est difficile. L'ennemi est à deux doigts de rompre les lignes. Les coloniaux ont pliés, et l'intervention de la seule brigade en réserve, sauve la situation. A la III° Armée, les ordres sont aussi d'attaquer. Mais ses moyens ne sont pas assez forts et quelques villages sont même perdus.

Le 7 septembre. Les combats reprennent à la VI° Armée, avec l'appui de l'artillerie lourde. De nouveaux villages sont occupés. Les canons de 75 sont au plus près des fantassins, les artilleurs déplacent sans cesse les batteries pour éviter la riposte allemande. Chaque village, chaque hameau, chaque bosquet va être repris au corps à corps. Les civils restés sur place renseignent les officiers français. La reconquête du terrain va permettre de donner une sépulture décente à ceux qui sont tombés lors de la retraite. Les Territoriaux faisaient alors le coup de feu. La petite histoire retient l’épisode des taxis de la Marne, épisode au cours duquel 6 000 hommes de la 7e Division (103e et 104e d'infanterie de Paris) sont transportés, en deux voyages, au front par 1100 taxis parisiens réquisitionnés avec leurs chauffeurs (l’armée payera 27% de la facture-compteur). Le convoi comporte aussi des autobus de la Régie des Transports, des camionnettes commerciales aux flancs couverts de publicité.

Face à la V° Armée, les Allemands retirent de leur front d'attaque des troupes pour les masser face à la VI° Armée tout en attaquant avec le reste. La IX° Armée continue également son offensive. La IV° Armée est dans une situation critique. L'arrivée de renforts venus de l'arrière du front sauve la situation . A la III° Armée, les combats sont toujours féroces et les pertes nombreuses. Nos troupes sont rejetées sur Verdun.

Le 8 septembre. La journée est extrêmement dure pour la VI° Armée. Après de violents combats au corps à corps, l'offensive s'arrête. Les hommes sont épuisés. L'Armée britannique constatant que l'ennemi a disparu devant ses lignes passe à l'attaque. A la V° Armée, les Français continuent à progresser. A la IX° Armée, les combats sont extrêmement violents. Tous savent que les réserves ont été engagées et qu'il n'est pas question de reculer. A la III° Armée, seule l'arrivée de renforts permet de sauver une situation très compromise.

Le 9 septembre. L'attaque générale n'a permis que des résultats très modérés au prix de lourdes pertes. L'Allemand sentant cependant qu'il est mal engagé contre-attaque. A la VI° Armée, les villages repris sont de nouveau perdus. A la IX° Armée, c'est aux Français d'abord de résister devant la contre-attaque allemande. Puis à leur tour, ils attaquent et lancent leurs dernières forces sur un ennemi qui déjà victorieux s'apprêtait à bivouaquer. Les obus français qui tombent au milieu de leurs convois les mettent en fuite. A la IV° Armée les combats sont extrêmement violents aussi. A la III° Armée, l'ennemi se croit victorieux et envoie des parlementaires demander la reddition des Français. Les émissaires sont vite déçus. A la V° Armée, c'est déjà presque une victoire, les observations aériennes laissent à penser que les Allemands sont en retraite.

Le 10 septembre. A la VI° Armée, les soldats décimés, épuisés ont passés la nuit dans les champs. Ils attendent, inquiets, une attaque allemande. L'attaque ne vient pas. Des patrouilles envoyées en reconnaissance trouvent les tranchées allemandes vides. Le B.E.F. avance et capture 2 000 prisonniers épuisés, démotivés. La V° Armée persiste dans son offensive. A la IX° Armée, de nombreux prisonniers commencent à être rassemblés. Des soldats allemands sont faits prisonniers dans les caves des villages pillés, saouls à ne plus pouvoir bouger. A la IV° Armée, l'Allemand défend toujours âprement ses positions. Quand à la III° Armée, les combats sont toujours extrêmement violents et un repli est rendu inévitable.

Le 11 septembre. La victoire se dessine à la IV° Armée où les Allemands n'attaquent plus.

Le 12 septembre. De la droite à la gauche de la ligne française, la bataille s'éteint. La poursuite s'engage face à des Allemands en retraite sur presque toutes leurs lignes. Reims et Chateau-Thierry, Chalons, Vitry-le-François, Amiens, Albert sont repris. La ville d'Albert sous le feu des canons allemands sera sous la menace continuelle des bombardements. Arras également subit toute la guerre le feu des Allemands qui détruisent toute la vieille ville.

Le 13 septembre, la pluie continuelle ralentit la marche des troupes, des convois et de l'artillerie. L'Allemand tout en reculant continue à infliger de lourdes pertes. L'avance des troupes entraîne l'arrivée de hordes de civils pillards (venus parfois en train de la région parisienne). Les gendarmes de campagne leur donnent la chasse.

Aisne-Oise 1914 : Les "Felgrauen " ont été repoussés et semblent fortement démoralisés, mais ils sont installés en position défensive dans un terrain peu propice aux attaques. Les fantassins français sont épuisés, la cavalerie fatiguée, les stocks de munition ont fondu (l'artillerie a utilisé120 000 obus par jour) et le manque chronique d'artillerie lourde est évident. Impossible de poursuivre les Allemands au delà de la Meuse comme prévu. Le commandement allemand vient de subir un incontestable échec mais il ne peut en rester là.

Chacune des armées va tenter de déborder l'autre vers l'ouest. Les Allemands déplacent de Lorraine une de leurs armées. Lorsque la VI° Armée française reprend l'offensive vers l'Oise. C'est un échec. Joffre déplace sa II° Armée de Lorraine à la gauche de la VI° Armée. Déplacer des troupes pour les amener toujours plus à l'ouest devient une course de vitesse, la "Course à la mer". La II° Armée attaque avec le renfort de divisions de réservistes et territoriales. Du 17 au 21 septembre, les combats ensanglantent tout le front de Verdun à Péronne. Noyon est libéré, mais les noeuds ferroviaires de Roye et Lassigny vont donner lieu à des combats meurtriers. Furieux d'être refoulés, les Allemands bombardent Reims qu'ils ont du quitter (la cathédrale est touchée). Lassigny est pris par la 4e Brigade du Maroc puis le déluge d'obus de gros calibre est tel que la ville est évacuée.

L'axe de la marche de la II° Armée est désormais plein nord. La bataille se déroule entre Lassigny et la Somme. Toutes les forces allemandes de Belgique sont descendues de leur ligne arrière et font barrage aux Français. Les régiment de territoriaux, les "pépères aux tempes grises" (n'exagérons pas, ils ont moins de 50 ans) sont superbes, attaquant à la baïonnette la garde d'élite prussienne. Deux corps d'armée enlevés au centre sont acheminées par camions jusqu'à Compiègne où des trains les transportent sur la Somme. Puis suivent 2 divisions d'infanterie et 2 de cavalerie. D'autres renforts arrivent encore le 1er octobre pour constituer la VII° Armée. De déplacements en déplacements, la bataille gagne l'Artois, la Picardie. Les Allemands déferlent toujours. Ils ne contenus qu'à grand peine. L'Armée britannique est déplacée pour venir tenir la gauche de la VII° Armée. A la fin d'octobre, il semble que la situation ne puisse plus échapper aux Alliés sur cette partie du front. Les Allemands n'avancent plus. Quelques contre-attaques permettent même de reprendre des villages. La bataille se déplace toujours plus à l'ouest. Tout va se jouer sur le déplacement plus ou moins rapide des divisions. Des centaines de train embarquent, transportent et débarquent les soldats d'un point à l'autre du front.

Flandres 1914 : Dans leur course vers la mer, les forces allemandes parviennent au contact de l'Armée belge. Ils sont encore 49 000 soldats belges, fatigués. Ils ont réussi leur retraite par des routes surchargées des civils qui fuient les combats. Leur moral est très élevé. Le roi des Belges, Albert Ier, dirige et visite sans cesse les tranchées, insufflant un courage incroyable à ses troupes. Il est réellement le commandant en chef et sera appelé le roi-soldat. Ses soldats sont regroupés en Flandres sur l'Yser, de Nieuport à Dixmude.

Le B.E.F. ne tarde pas à arriver, occupant Ypres et ses environs. Les Français s'installent partout où ils peuvent, prêts à soutenir nos alliés. C’est une grande confusion entre les forces belges, anglaises, françaises imbriquées. Le 18 octobre, les Allemands massent 19 corps d'armée et 4 corps de cavalerie face à cet amalgame. Leur objectif, rejoindre la Mer du Nord et percer en n'importe quel endroit pour atteindre Calais. Le Kaiser Guillaume attend que ses troupes prennent Ypres pour prononcer l'annexion de la Belgique. Il fait préparer ses uniformes de parade.

Le 16 octobre, les Allemands passent à l'offensive (IV° armée, duc de Wurtemberg). Prenant au passage quelques villages, ils attaquent Dixmude. La ville évacuée par ses habitants est en flammes. Les 6 000 Fusiliers-Marins français, au pompon rouge, venus des dépôts de la flotte, "vieux loups de mer" et jeunes matelots (amiral Ronarch) vont se battrent héroïquement. Joffre leur a demandé de tenir 4 jours, ils vont tenir les lignes 25 jours. A leur côté, une poignée de soldats belges. Les renforts arrivent, un bataillon de Chasseurs (16e de Labry), puis voici le reste de la 42e Division. A la pluie de shrapnells qui tombent sans discontinuer sur les soldats, le commandant de la 42e (gl Grossetti), réplique "sortez les parapluies". Sous les rires des soldats ceux-ci se couvrent la tête de leur sac et continuent à avancer. Dans la nuit du 25 octobre, une patrouille allemande réussit à se faufiler dans la ville, capture un médecin, un aumônier et un officier. Lâchement, ils les fusillent avant de succomber sous une charge de l'infanterie française. Le 26, arrivent des Tirailleurs sénégalais (4e Régiment du Maroc). La flotte anglaise amène des croiseurs au plus près de la côte et canonnent les troupes allemandes qui se renforcent sans cesse.

Un modeste garde des eaux de Furmes va contribuer à sauver la situation. Il propose de crever quelques digues judicieusement pour inonder les tranchées allemandes. Idée acceptée. Lentement irrésistiblement, l'eau monte, noyant les positions allemandes. Dans un acte désespérée, ceux-ci se jettent en avant. Zouaves, tirailleurs, fantassins belges et français contre-attaquent. Le 10 novembre, Dixmude en ruines doit être abandonné. Mais l'inondation remplit son oeuvre, les Allemands ne peuvent plus passer.

D'autres combats se déroulent autour d'Ypres. Ce sont les troupes britanniques qui sont le plus engagées dans cette région du front. Des troupes françaises sont venues leur prêter main-forte, avec des cavaliers et les territoriaux des 87e et 89e divisions. L'ennemi masse 15 corps d'armée face à Ypres. Trois semaines de durs combats vont unir dans le sacrifice 100 000 soldats belges, français et britanniques face à 500 000 Allemands. Devant la poussée allemande, toutes les unités reculent. De plus, à compter du 24, les Allemands se renforcent avec les unités chassées par l'inondation autour de Dixmude. Par une proclamation le commandement allemand exhorte ses forces à attaquer. "on ne combat que des Anglais, des Hindous, des Canadiens, des Marocains et autres racailles de cette sorte". Voyons comment "la racaille" va réagir. Ypres est l'objet de violents bombardements. Le front est percé et l'Allemand menace de tous cotés. Le 31 octobre, ordre est donné de rassembler tous les hommes disponibles. 250 cuisiniers, tailleurs, cordonniers, secrétaires, tringlots montent en ligne. Comme la plupart n'ont pas d'armes, les cavaliers, désormais à pied partagent avec eux, l'armement individuel. Cette unité hétéroclite, le gl Moussy en tête, charge. "Mes enfants, la situation est critique. Nous allons nous dévouer pour la sauver". Les Allemands sont surpris et s'enfuient à toutes jambes. Le temps de se reprendre, c'est trop tard. Moussy et ses combattants d'un moment ont sauvé Ypres. Au soir du 31, la ligne est intacte.

Le 6 novembre, un tonnerre d'artillerie ébranle la zone qui depuis le 31 octobre était devenue plus calme. Les Allemands tentent une nouvelle fois de percer. Du 6 au 11 novembre, les combats sont féroces. Les vagues allemandes sont fauchées par l'artillerie française. Le 13 et le 14 novembre, nouvelles tentatives allemandes de percer les lignes des alliés. L'artillerie allemande s'acharne sur le centre ville d'Ypres détruisant tout le passé historique de la vieille cité.

Le Kaiser range son bel uniforme de parade et renonce à prononcer l'annexion de la Belgique.

Les combats vont se poursuivent tout le reste de novembre et en décembre permettant aux alliés de reprendre quelques villages. Les conditions de vie sont effroyables. Les soldats pataugent dans un cloaque de boue, de neige et d'eau. Si les inondations ont bloqué les Allemands, elles se révèlent désormais une gêne pour les attaques alliées.


Mobilisation



1915