LA SECONDE RÉPUBLIQUE

1848 : France.

S’il fallait retenir une seule œuvre de la Seconde République, ce n’est pas une conquête militaire, c’est une action humanitaire : l’abolition de l’esclavage dans tous les territoires sous contrôle de la France le 4 mars.

Toutefois, n’oublions pas que cette décision humanitaire va permettre d’incorporer dans nos armées des indigènes, et plus uniquement à titre de supplétifs. La France ne va pas s’en priver. Dès 1853, est créée la première compagne de soldats noirs qui se transformera en 1857 en un corps connu sous le nom de Tirailleurs Sénégalais.

La Marine française va s’employer à faire la chasse aux navires négriers et une flottille d’une quinzaine de navires s’installe à demeure sur les cotes d’Afrique. Les marins constitués en compagnie de débarquement vont détruire les poste de traite d’esclaves, s’enfonçant de plus en plus à l’intérieur du continent. Ils installent de place en place des postes de surveillance, fortins de fortune où  quelques soldats des troupes de marine et des tirailleurs prennent garnison.

1848 : France.

Le décret du 5 mars 1848 fixe de manière définitive l'ordre et l'emplacement des trois couleurs sur le drapeau français "Les trois couleurs nationales seront disposées en trois bandes égales, rangées dans l'ordre suivant : le bleu attaché à la hampe, le blanc au milieu et le rouge flottant à l'extrémité. C'est un emblème simple à fabriquer. Il servira de modèle à une multitude de drapeaux de par le monde.

27 février : trois jours après l'instauration de la IIème République, le nouveau gouvernement décide d'ouvrir des Ateliers nationaux destinés à résorber le chômage en employant des ouvriers sans travail. Près de 100 000 personnes s'inscrivent au bureau d'embauche alors que les autorités en attendaient 10 fois moins. Un programme de grands travaux est lancé à Paris avec la construction des gares Montparnasse et Saint-Lazare. Les Ateliers nationaux deviennent un vivier de militants révolutionnaires. Ces ateliers, lieux d'agitations ouvrières, effraient la nouvelle Assemblée conservatrice qui décide de les fermer. L’organisation est dissoute avant d’être efficace, faute aussi de pouvoir donner du travail à tout le monde. Le 21 juin c'est la dissolution effective des Ateliers nationaux. Cette fermeture provoque une insurrection populaire.

Le 23 juin, l’ armée est envoyée à Paris pour réprimer l'insurrection. La répression est terrible. Pendant 3 jours, 23 000 soldats et 12 000 Gardes mobiles appuient la Garde Nationale. Le 26 juin, c'est la chute de la dernière barricade, faubourg Saint-Antoine. C'est la fin des Journées de Juin. L’ armée a tiré, 800 morts militaires (dont 3 généraux), 800 morts dans la Garde Nationale, 4 000 émeutiers tués (dont 1 500 fusillés sur place) et 4 300 déportés avec leurs familles en Algérie, en tout 20 000 personnes. Encore une fois les conscrits ont dû tirer sur leurs compatriotes.

Ces soldats sont toujours principalement des ruraux dans une France à la population aux 3/4 composée de ruraux. La plupart sont encore peu instruits, malgré les efforts de scolarisation et ils sont très mal informés (en 1872 : 21,5 % des conscrits sont encore illettrés). La presse est interdite dans les casernes. L’armée est bien souvent la seule période de la vie où un jeune peut sortir de la misère. Les soldats sont très disciplinés et sans état d’âme. Leurs officiers leur donne l’ordre de tirer, alors ils tirent devant eux. Ce n’est que lorsque les officiers hésitent, que les soldats passent éventuellement de l’autre côté. Alors les données ne sont plus les mêmes, un régiment qui change de camp et c’est la guerre civile ou la victoire des manifestants. Un régiment c’est à l’époque 2 500 à 3 000 hommes et la défection d’une seule unité peut faire basculer le cours de l’Histoire.

Il est envisagé d’obliger les chômeurs de moins de 25 ans à s’engager. Initiative sans lendemain.

1848 : En province.

Pendant que les manifestations se déroulent à Paris, d’autres se déroulent à Marseille les 22, 23, 24 et 25 juin. Le sang coule aussi. Des insurgés sont arrêtés et enfermés dans les îles du Frioul. Les 27-28 avril : journées de barricades à Rouen.

A Lyon, les membres d'une association de Lyon "les Voraces" se soulèvent. Ils s'arment juste pour faire peur aux Républicains. 400 d'entre eux s'emparent de l'École militaire malgré les 150 soldats qui sont mis en fuite sous la violence de l'assaut. L'Hôtel de Ville est pris, et à la Croix-Rousse les ouvriers repoussent les colonnes de soldats. Les Voraces se rendent maîtres de la ville pour plusieurs mois. Mais le 15 juin 1849, les autorités reprennent brutalement l'initiative. Le gl Magan qui est déjà intervenu à Lyon en 1831 et en 1848 à Paris est de nouveau présent à Lyon. On dénombre 150 morts du côté des ouvriers, et 80 du côté de l'armée. Le mois suivant, 1 200 personnes sont arrêtées. Prudent, l'empereur Napoléon III veille au démantèlement des fortifications de la Croix-Rousse et au rattachement, en 1852, de celle-ci à la Ville de Lyon.

10 décembre 1848 : France.

Louis Napoléon Bonaparte est élu Président de la République pour 4 ans à une écrasante majorité (de ceux qui votent).

1849 : Italie.

A Rome, le souverain pontife Pie IX fait appel à la République française. Celle-ci envoie une armée sous les ordres du gl Oudinot. Elle se heurte à la résistance de 10.000 volontaires républicains, , les Chemises rouges, commandés par Garibaldi. Les Français renforcé par des contingents napolitains, espagnols et autrichiens, soit une armée contre une poignée de Garibaldiens. Les Chemises rouges sont vaincues au combat du Janicule (30 avril 1849). Nous retrouverons plus tard Garibaldi. Les troupes françaises entrent à Rome le 3 juillet 1849. Paradoxe pour cette République Française laïque qui envoie ses soldats pour soutenir l’église. Cette démarche peut surprendre, elle met en tout cas les catholiques de France dans l’obligation de soutenir Louis-Napoléon qui a exigé cette intervention contre l’avis des Assemblées. Les troupes se retirent devant la réaction italienne, elles reviendront.

1849 : France.

Le Prince-Président enchaîne revues militaires sur revues militaires où il ne cesse de flatter l’armée pour entraîner l'encadrement dans son rêve de reconstitution de l’Empire.  Il flatte aussi le simple soldat, visitant les casernes, terminant ces journées par des distributions de vin rouge et de saucisson. La bourgeoisie peut se moquer de ces grossières manœuvres. Le troupier constate, lui, que quelqu’un s’intéresse à son sort, ce qui n’était pas arrivé depuis Napoléon Ier. D’ailleurs à chacune de ces revues, les troupes crient plus souvent : Vive l’Empereur que Vive la République.

Le 13 juin, à Paris, une manifestation des députés de gauche, est réprimée dans le sang. D'autres manifestations se déroulent à Lyon qui tournent à la véritable bataille de rues.

1849 : Algérie.

En mai l849, un homme, Bouzian, surgit dans Zaatcha, oasis à 8 lieues au S-O de Biskra (35 km environ). Il enflamme toute la population et celle des alentours. La Guerre Sainte (djihad) est proclamée solennellement du haut de la mosquée et toutes les oasis du Zab-Dahraoui sont en insurrection.

Seul le colonel Carbuccia entre Batna et Sétif peut être détourné de sa mission. Arrivé devant Zaatcha le 16 juillet 1849, il est attaqué par les contingents réunis de Zaatcha et Lichana. Les Français les repoussent avec difficulté et tentent de pénétrer en force dans Zaatcha à la suite des fuyards. Deux colonnes de 450 hommes chacune : le 3e Bataillon d'Afrique et le 2e Bataillon du 2e Etranger s'engagent dans les jardins. La fusillade est terrible, les indigènes reculent. Arrivés devant Zaatcha, les Français rencontrent une muraille bastionnée, crénelée, précédée d'un fossé de 7 mètres de large et de 1 à 3 mètres de profondeur rempli d'eau. Ils sont surpris par la topographie des lieux et par la résistance qui leur est opposée au milieu d'une végétation dense. Il faut prendre les murets, un à un après avoir délogé les tireurs. Il y a déjà 32 morts et de nombreux blessés, achevés à l'arme blanche par les partisans de Bouzian. Le col Carbuccia donne l'ordre de retraire. L'échec du 16 juillet est grave, l'effet moral est désastreux. Bouzian exploite sa victoire et adresse des lettres enflammées aux populations des Aurès et des Ziban.

Le 17 septembre 1849, la garnison de Biskra (cdt Saint-Germain) est menacée d'un blocus par 4 500 partisans qui viennent des Aurès, levés par le marabout Si Abd el Atif . Les partisans se dirigent vers Seriana, pour unir leurs forces à celles de Bouzian. Saint-Germain réunit 2 compagnies du 3e Bataillon d'Afrique, un escadron de Chasseurs, 300 fantassins et 150 cavaliers. Au total 1 500 hommes y compris des Goumiers. Un combat terrible a lieu à Seriana : 250 indigènes sont tués, leur chef est capturé. Saint-Germain est tué. La mort du chef français est pour les indigènes une grande victoire.

Le gl Herbillon prend la tête d'un convoi vers l'oasis de Zaatcha. Des chameaux amènent les outils, sacs à terre et munitions d'artillerie, ainsi que le matériel de campement, de cuisine et de travaux de siège. Herbillon se présente devant Zaatcha avec 4 000 hommes, le 7 octobre 1849 au matin. D'abord enlever la Zaouïa (petite bâtisse qui sert de lieu de mosquée et de lieu d'hébergement pour les gens de passage) et les maisons attenantes au milieu desquelles se trouve une fontaine, indispensable au camp. La colonne d'attaque est composée de compagnies du 3e Bataillon d'Afrique, du 2e Régiment Etranger et de la 5e Batterie de Chasseurs à pied. La Zaouïa est prise rapidement. Les chasseurs encouragés par leur succès se jettent dans les jardins à la poursuite des fuyards et franchissent les premiers murs. Les défenseurs de la ville viennent au secours des fuyards. Derrière chaque palmier, derrière chaque mur se trouve un tireur redoutable et les Chasseurs sont contraints à une retraite désastreuse sous les hurlements des femmes qui excitent le courage de leurs hommes. Deux compagnies de réserve dégagent le bataillon en difficulté. Cette triste affaire coûte aux chasseurs : 20 morts et 80 blessés. Les cadavres et tous les prisonniers sont affreusement mutilés. Tous les corps sont attachés par les femmes à des palmiers, alors que quelques blessés respirent encore. Herbillon fait donner l'artillerie. Le 8 au matin, une batterie ouvre le feu à travers un épais rideau de palmiers. Le 13 octobre, les troupes s'installent dans les premiers jardins dont ils percent les nombreux murs. Les sapeurs préparent les tranchées de cheminement et d'approche jusqu'au fossé, protégés par les tirs soutenus de deux batteries et de quelques voltigeurs. En plein jour, les défenseurs tentent des sorties et se jettent sur les travaux pour les détruire. A l9H00, attaque générale des partisans de tous côtés avec l'aide de 400 hommes arrivés en renfort. Puis c'est au tour des Français de recevoir 1 500 hommes de renfort. Herbillon décide de tenter l'attaque le 20 octobre, malgré des travaux du génie incomplets. Deux brèches sont à peu près praticables. A gauche, les compagnies d'élite de la Légion Etrangère. A droite, un bataillon du 43e de Ligne. Des tirailleurs doivent occuper les jardins à gauche des colonnes d'assaut pour les empêcher d'être contournées.

La Légion sort de la tranchée, franchit le fossé, enlève la brèche et s'établit sur les terrasses des maisons. Mais les maisons minées d'avance sautent, ensevelissant une quantité de Légionnaires. Les survivants, décimés par l'ennemi invisible reculent dans la tranchée.

A droite, les hommes à découvert du 43e de Ligne subissent des pertes. Aussitôt,  on essaie de faire un tablier de pont avec des tonneaux vides mais les sapeurs sont tués ou blessés. Il faut alors se jeter dans le fossé sans aucun moyen de passage. Comment franchir le fossé plein d'eau, puis gravir péniblement avec des cartouches mouillées le talus de la brèche sous un feu nourri ? Les soldats du 43e tombent un à un. Leur commandant Guyot est tué. Le recul s'effectue sous la mitraille. L'eau du fossé devient rouge de sang. 6 officiers et 30 soldats tués ainsi que 90 blessés. Des renforts rebelles sont bloqués par les tirailleurs et la cavalerie.

Après l'assaut manqués du 20 octobre, les travaux de siège reprennent. Les conditions climatiques sont éprouvantes et la nourriture fait défaut. En moins d'un mois, 600 soldats ont succombé devant Zaatcha et l'ambulance de Biskra regorge de blessés et de malades. Le 8 novembre, le colonel Canrobert arrive avec deux bataillons de Zouaves porteurs du choléra. Ils ont déjà perdu 80 hommes dont les cadavres ont été abandonnés en route. Le 12 novembre, arrive en renfort le 8e Bataillon de Chasseurs à pied (le bataillon de Sidi-Bahim). Herbillon dispose désormais de 7 000 hommes. Le 16 novembre,  une colonne marche contre des nomades massés sur nos arrières. Après une marche de nuit, la colonne tombe au milieu des Arabes à 02H00. Les Zouaves s'emparent rapidement d'un village de tentes et de nombreux troupeaux à la grande joie de nos soldats qui voient enfin arriver de la nourriture. Bilan de l'opération : 150 nomades tués, 1 800 chameaux et 15 000 moutons capturés. Mais le choléra fait beaucoup plus de morts dans l'Armée française que le feu de l'ennemi (30 à 40 par jour). Les Français réussissent à installer une batterie et une troisième brèche est préparée à la hâte, on comble le fossé avec des prolonges et des charrettes. Le 24 novembre, dès la pointe du jour, les assiégés se précipitent au moment de la relève, capturent quelques chasseurs et les décapitent. Les canonniers sont obligés de se défendre au sabre et à l'écouvillon. Une autre vague constituée uniquement de femmes se rue sur la tranchée de droite. Les Chasseurs du 8e Bataillon reçoivent ces furies par un feu nourri. Une mêlée corps à corps s'ensuit. Les chasseurs repoussent les femmes à la baïonnette. Les assiégés se replient sur Zaatcha avec de lourdes pertes.

Dans la nuit du 25 au 26 novembre 1849, la brèche est ouverte sur trois points et les fossés comblés. Trois colonnes aux ordres respectifs des colonels Canrobert qui dispose de deux bataillons de zouaves, du 5e Bataillon de Chasseurs à pied et de 100 grenadiers et voltigeurs du 16e de Ligne ; Barral qui dispose du 8e Bataillon de Chasseurs à pied et d'un bataillon du 38e et de 100 zouaves ; Lourmel qui dispose de 2 bataillons du 8e de Ligne et d'un bataillon du 43e de Ligne qui veut prendre sa revanche. Ces colonnes doivent donner l'assaut pendant que les Tirailleurs du commandant Bourbaki font diversion et investissent le périmètre de l'oasis avec la cavalerie pour éviter les infiltrations et intercepter toute communication de la place avec le dehors. Le 26 Novembre 1849, à 07H00, tambours et clairons sonnent le pas de charge. Les trois colonnes s'élancent. L'élan est tel qu'en quelques minutes, elles arrivent au milieu de la ville. Les feux croisés des maisons, les tirs à bout portant et les obstacles préparés de longue date ne peuvent arrêter les soldats. En moins d'une demi heure, les rues et les terrasses sont entièrement occupées. Reste à donner l'assaut aux maisons remplies de partisans décidés à mourir les armes à la main. Maîtres des terrasses, les soldats cherchent à descendre à l'intérieur des maisons, mais  il est impossible de passer devant les meurtrières aménagées. Tapis dans l'obscurité, les partisans tirent de bas en haut et surtout d'une maison dans l'autre. Les terrasses abandonnées, les soldats enfoncent les portes des maisons et pénètrent à l'intérieur. Les premiers sont tués, d'autres arrivent; s'ensuit un véritable carnage. Les ennemis sont poursuivis dans les caves où le combat continue avec rage, au corps à corps. Voilà Bouzian s'écrie un guide cueilli au passage. Le commandant fait mettre Bouzian contre un mur pendant que quatre zouaves apprêtent leurs armes. Bouzian tombe foudroyé. On lui coupe la tête pour apporter le trophée sanglant au général Herbillon. Le trophée sera exposé au marché de Biskra. A midi tout est fini. A la tombée de la nuit, on fait sauter les mosquées de Zaatcha et de la Zaouïa. L'oasis est rasée au sol.  Pendant ce siège les Français ont perdu : 1 500 hommes, 30 officiers et 600 morts du choléra. Côté ennemi : 1 400 morts Les Arabes des alentours, dans la consternation, se présentent spontanément le lendemain au gl Herbillon pour lui faire leur soumission.  Si j'ai insisté sur cette suite de combats, c'est pour montrer que la conquête de l'Algérie na pas été une promenade militaire.

1850 : France.

Le 10 octobre, lors d'un défilé au camp de Satory, quelques régiments crient spontanément "Vive l'empereur". Le général Neumayer les fait taire. Il est destitué. Le général Changarnier proteste. Louis-Napoléon Bonaparte paraît reculer. Mais le 3 janvier 1851, Changarnier est privé de commandement. C'est le début d'une longue crise dont Louis-Napoléon Bonaparte sortira vainqueur.


La Restauration



1851