LE SECOND EMPIRE

Louis Napoléon Bonaparte prend le titre de Napoléon III. Dans les affires militaires, il s’attache à moderniser la Marine, qui va devenir la seconde en Europe, rénover l’Infanterie de Marine pour mieux l’adapter aux combats outre-mer. Il veut aussi créer une armée moderne dotée d’un armement récent. Cette initiative ne sera hélas pas toujours suivi d’effets. Ses généraux mentiront sans cesse sur l’état de l’Armée pour rester bien en cour. Il obtiendra plus de succès dans la réorganisation de la Marine dont les effectifs plafonnent cependant à 30 000 hommes.

Cette Marine a déjà fait beaucoup depuis l'expédition d'Alger. Avec la machine à vapeur, les nouveaux bâtiments sont plus petits avec des équipages plus réduits. Les conditions de vie s'en sont considérablement améliorées. Les logements d'équipage seront chauffés, la nourriture est diversifiée, l'eau reste pure. Le scorbut et les épidémies sont en régression constante. Le maximum des équipages atteindra désormais 750 hommes dans des locaux plus spacieux. Mais l'Inscription Maritime ne suffit plus à fournir les matelots confirmés dont la Marine à besoin. Le matelot venant de la pêche et interchangeable ne trouve plus sa place dans ces navires où la spécialisation devient la règle. Le volontariat va suppléer à cette demande. Pour l'heure, la flotte qui va prendre la mer pour la Crimée est toujours en majorité composée de navires en bois et à voiles.


Infanterie de marine

Commence l’époque de la grande aventure coloniale. Les nations d’Europe se partagent le monde. Des soldats français sont envoyés au Liban, en Syrie, en Tunisie, au Sahara, en Chine, en Nouvelle-Calédonie, au Sénégal, aux îles Tonga, à Wallis, au Cambodge, au Siam (Thaïlande), au Tonkin.

1852 : France.

22 janvier 1852, création de la Médaille Militaire. La Marseillaise est interdite. L'hymne national du Second Empire sera "Partant pour la Syrie".

1852 : Algérie.

Les troupes françaises s'emparent des oasis de Laghouat et Ouargla puis en 1853 de toutes les autres oasis. Les pertes françaises sont qualifiées de “sensibles” parmi les Zouaves, les Tirailleurs et l'Infanterie légère.

1853 : Pacifique.

Le 24 septembre 1853, le contre-amiral Febvrier-Despointes prend officiellement possession de la Nouvelle-Calédonie au nom de l'empereur Napoléon III. Avec l'annexion de cet archipel de l'océan Pacifique à peine deux fois plus étendu que la Corse, la France manifeste son désir de renouer avec l'expansion outre-mer. En mai 1864, ne sachant trop quoi faire de ces terres éloignées de tout et sans ressources notables, le gouvernement français y installe faute de mieux une colonie pénitentiaire. Celle-ci va recevoir des déportés algériens musulmans et après 1871, pas moins de 4.500 Communards. Jusqu'à sa suppression en 1897, la colonie pénitentiaire accueillera 22.000 «transportés».

1853 : Mer Noire.

Napoléon III obtient de l’Empire Ottoman que la France joue le rôle de protecteur des Lieux Saints de Jérusalem. Ce n’est pas du goût du Tsar de Russie qui fait envahir par ses armées les provinces roumaines de Moldavie et de Valachie. Fort de l’appui de la France et de l’Angleterre, l’Empire Ottoman déclare la guerre à la Russie. Après une victoire limitée de l’Armée de terre turque, sa flotte est anéantie à Sinope le 20 novembre. De ces évènements vont découler la guerre de Crimée.

1854 : Mer Noire et Russie.

La France met sur pied un corps expéditionnaire sous le commandement du Maréchal de Saint-Arnaud. Avant de pouvoir s’embarquer les troupes doivent d’abord rejoindre les ports. Pour ce voyage les soldats traversent une grande partie de la France dans la joie générale. C’est à pieds, au rythme de 3 jours de marche suivi de un jour de repos. Nous savons par le journal de route d’un officier, qu’une batterie d’artillerie va mettre 39 jours pour aller de Brest à Lyon. Par contre, lui va mettre 3 jours pour atteindre Marseille en voiture de poste. Un immense défilé a lieu à Paris dans l’allégresse générale.

Pour disposer de troupes suffisantes, le gouvernement appelle sous les drapeaux les contingents de 1849 à 1852 et augmente le contingent de 1853 qui n’avait pas encore été appelé. Les meilleures troupes de l’armée sont aussi retirées d’Afrique du Nord, car pour les autres, l’instruction des soldats est insuffisante, pour une moitié au moins d'entre eux. L’impréparation est totale. C’est le début d’une habitude que va connaître l’Armée française désormais, déclarer la guerre sans l’avoir préparé. Les services sanitaires sont inexistants et la troupe va le payer très cher. Le France envoie ses nouveaux navires cuirassés, 15 vaisseaux qui accompagnent 155 autres navires. Même pour la Marine impériale, les effectifs sont insuffisants, le commandement affrète des navires privés. Pour la première fois, des journalistes et correspondants de guerre, se joignent très officiellement aux combattants. C’est par eux que l’opinion publique saura, désormais, ce qui se passe sur le terrain.

Après des haltes à Malte, Athènes et Constantinople (Istanbul), les soldats français, anglais et turcs débarquent de 350 navires, sans encombre, dans la presqu'île de Gallipoli en Thrace. En juin, la base d'opération de l'armée est transportée à Varna (Bulgarie) pour soutenir l'Armée turque en Silistrie. C'est alors que les armées souffrent d'une éprouvante épidémie de choléra qui décime ses régiments. Les opérations dans les Balkans ne sont pas décisives et les Alliés décident de porter la guerre sur le territoire russe, en Crimée.

Le 3 janvier 1854, les escadres françaises et anglaises entrent dans les Dardanelles, puis dans la Mer de Marmara, et enfin en Mer Noire. C’est la première fois qu’une force navale est équipée d’autant de navires à vapeur et à hélices. L’Armée autrichienne masse 50 000 hommes dans ses provinces frontières avec la Russie. Le passage des Dardanelles n'a pas été sans créer des problèmes. Les énormes trois-ponts à voiles n'ont pu franchir le détroit que tiré par les nouveaux navires à vapeur. C'est sous les exclamations des équipages que le Napoléon enlève à travers les détroits l'énorme Ville-de-Paris qui est incapable de remonter le vent. Ces deux navires seront parmi les premiers à encaisser les tirs de l'artillerie russe devant Sébastopol.  Cette démonstration de force n’émeut pas le Tsar et le 27 mars, la France, l’Angleterre et le royaume Sarde déclarent la guerre à la Russie.

Le 5 septembre, 56.000 hommes sont embarqués de Varna pour un débarquement sur la plage du "vieux Fort" au sud d'Eupatoria. Le débarquement s'effectue sans problème et le 18 septembre, l'armée se met en route vers Sébastopol. Le 20 septembre, .les assaillants (27 000 Français, 27 000 Anglais dont un millier de cavaliers et 8 000 Turcs) doivent franchir la rivière Alma. La position est solidement tenue par les 37 000 hommes du maréchal Menchikov, retranchés sur les hauteurs. Le combat débute en fin de matinée. Les Anglais, sont longs à se déployer puis s'avancent au pas, dans un ordre impeccable. Leurs lignes parfaitement alignées subissent de lourdes pertes. Au centre, la division légère s'empare de la grande redoute russe mais, faute d'un soutien rapide de la 1ère division sur sa gauche, doit abandonner la position devant la contre-attaque ennemie. Une attaque renouvelée des 1ère et 2e divisions et une manoeuvre par le flanc de la brigade écossaise incitent les Russes à se retirer. Les pertes britanniques sont de 362 tués et 1.621 blessés. Emportées par l'élan des unités de l'Armée d'Afrique, les divisions françaises emportent la décision avec celle du prince Napoléon à gauche, celle de Canrobert au centre et celle de Bosquet à droite, celle de Forey restant en réserve. Canrobert lance ses Zouaves et Légionnaires, appuyés par deux batteries d'artillerie. Le 3e Zouaves s'empare du plateau de l'Aklèse et le 1er Zouaves du pont de l'Alma. Menchikov contre-attaque avec la moitié de ses réserves, profitant du fait que les forces françaises sont encore pour moitié de l'autre côté de l'Alma. La puissance de feu des fusils rayés et de l'artillerie française s'avère décisive. Les lignes russes cèdent après trois heures d'intenses combats ayant plus de 5.000 hommes hors de combat. 500 Français sont tués ou blessés. L'histoire retiendra l'action des Zouaves qui donnera son nom au célèbre pont de l'Alma à Paris, avec sa statue de zouave, étalon mesureur des crues de la Seine. La poursuite est peu mordante, ce qui permet aux Russes de s'enfermer dans Sébastopol, ville puissamment fortifiée. L'Armée alliée n'atteint la ville que le 26 septembre et s'installe pour le siège.

Les Russes ayant sabordés leur flotte, les vaisseaux anglais et français vont se transformer en batteries flottantes pour pilonner la côte (sans grand dégâts) et les marins débarquent l’artillerie de marine pour se joindre au siège. Le siège va durer 350 jours. Les effectifs alliés passent à 100 000 hommes avec les renforts qui débarquent sans cesse après 15 jours de mer. La résistance russe est testée le 17 octobre avec un barrage d’artillerie navale et terrestre (126 canons). Les marines alliées subissent les ripostes des batteries côtières russes et subissent d’importants dégâts. Les "murailles en bois" sont désormais condamnées, le règne des coques d’acier commence. Les trois batteries flottantes Dévastation, Lave et Tonnante si elles sont piètre marin avec leur blindage de 100 mm encaissent tous les obus et boulets russes.

Les Russes opèrent une sortie le 25 octobre en direction de Balaklava. Ils capturent quelques canons turcs, et c’est au moment où ils se retirent que les Anglais lancent leur cavalerie dans une charge inconsidérée qui va devenir célèbre, " La charge de la brigade légère  de Lord Raglan". 247 des 673 cavaliers sont tués ou blessé et 475 chevaux tués.

Après sa défaite de l’Alma, l’Armée russe dispose d'un effectif de cent mille hommes. Avec de telles forces, les Russes se croient en état de faire lever le siège de Sébastopol et de contraindre l’ Armée alliée à rembarquer. Ils attaquent le 5 novembre. Il a plu toute la nuit, un brouillard épais couronne les hauteurs et couvre la vallée d’Inkerman. A la faveur de l’obscurité, un corps d’armée russe de 40 000 hommes avec une nombreuse artillerie s’avance silencieusement sur la droite des Anglais, et gravit la colline sur laquelle était placée une faible redoute. Tout est calme dans le camp anglais, où l’on ne pense pas être attaqué. Tout à coup, la fusillade éclate sur les postes avancés de la 2e Division anglaise. Les postes se replient en donnant l’alarme. Mais bientôt toutes les hauteurs sont envahies par les Russes. La redoute est emportée. Les Russes y installent leur artillerie et commencent à tirer sur le camp anglais. L’Armée anglaise, s’élance en bon ordre, au-devant d’un ennemi cinq fois plus nombreux qu’elle. Pendant que l’attaque commence du côté de la redoute, une démonstration est opérée dans la vallée de Balaklava par l’infanterie, la cavalerie et l’artillerie réunies, afin d’attirer les Français, et de les empêcher de se porter au secours des Anglais. Mais le gl Bosquet ne se laisse pas tromper. Les troupes françaises se portent directement au secours des Anglais.

Il était temps, car les divisions anglaises avec des pertes importantes ne pouvaient plus continuer longtemps à lutter. La division Bosquet avec 40 canons en première ligne, la brigade Monet et la cavalerie Morris en réserve arrivent à leur secours. Les Anglais les accueillent par des “ hourras “ de joie. Un bataillon de Zouaves et un bataillon de Tirailleurs algériens s’élancent dans la mêlée, et pénètrent dans la masse compacte des Russes. Pendant trois heures, les hommes de Canrobert et de Bosquet accomplissent des prodiges. Sous les coups des Français, des régiments russes entiers, chargés furieusement à la baïonnette ou fusillés à bout portant, disparaissent. A 12H00, l’ennemi est stoppé. Mais il ne s'enfuit pas. Au contraire, il reforme ses lignes, changeant de front pour recevoir l’attaque des Français, et reprendre l’offensive contre les Anglais . Les soldats français, grenadiers, zouaves, voltigeurs, se jettent sur les Russes à la baïonnette. Pendant cinq minutes, sept ou huit régiments français et russes se battent, corps à corps, dans une horrible mêlée. Les Russes plient enfin et se retirent, en bon ordre. Les Français et les Anglais les poursuivent, l’artillerie française continuant à tirer sur les Russes. C'est alors un véritable carnage, et leurs pertes à ce moment sont énormes .

Tandis qu’on se battait ainsi à la droite des Anglais, une colonne de 5 000 soldats russes, soutenue par une batterie d’artillerie, à 09H00 tombe en force sur les batteries 1 et 2 et contraint les servants de ces batteries à se replier sur deux bataillons français, l’un du 39e de Ligne, et l’autre du 19e de Ligne, et de quatre compagnies de Légion. Mais tous doivent se replier sous l’effort de la colonne russe. L’arrivée de deux compagnies du 19e Bataillon de Chasseurs à pied et de quatre compagnies de la Légion Etrangère, vont permettre de reprendre l’offensive. Les Russes ont complètement échoué dans leurs attaques. Les Anglais ont 2 600 soldats hors de combats, 3 généraux tués, 4 blessés . Les pertes des Français s’élèvent à 1 400 soldats, quand aux Russes ? Le terrain était littéralement couvert de cadavres. On a évalué ensuite le nombre de morts russes, laissés sur le champ de bataille, à 5 000 au moins.

Les troupes piétinent et subissent les ravages du choléra. Les conditions de vie sont effrayantes. Il pleut souvent et les abris sont rares. Avec les renforts débarqués et malgré les pertes, les Alliés sont désormais 220 000. Sur mer, les conditions de vie sont aussi difficiles. Une tempête balaie la côte le 14 novembre 1854 envoyant par le fond 38 transports mais aussi 400 marins. Nos soldats sont décimés par la maladie, en plus du choléra : scorbut, dysenterie. Les valides passent leur temps à enterrer leurs camarades. Le ravitaillement n’arrive pas. L’ambassadeur de France écrit même très officiellement à l’Empereur : “Je connais des intendants qui auraient mérité d’être pendus”. Le commandant en chef des troupes françaises est plus discret, c’est lui qui lorsqu'il était Ministre de la Guerre a organisé cette opération.

1854 : Sénégal.

Pendant que la guerre se livre en Crimée, un petit détachement remonte le fleuve Sénégal jusqu'à Podor. Son faible effectif  l'empêche de progresser plus en amont aux risques de se confronter aux troupes de l'état Toucouleur. Ce n'est que partie remise. Le capitaine Faidherbe, le nouveau gouverneur du Sénégal va s'employer pendant 20 ans à agrandir l'influence française avec des effectifs militaires dérisoires à base d'Infanterie de marine, de Tirailleurs algériens et de Tirailleurs sénégalais, de compagnies disciplinaires, de quelques artilleurs appuyés parfois par un navire de guerre en escale.


Seconde République



1855