LE GROUPE D'ARMEE B
La Provence - La poursuite
* voir le lexique pour les abréviations
Des flottes regroupant 2 000 navires de tous types partis d'Italie, de Sicile, de Malte et de Corse prennent le grand large en direction de Gênes. L'amiral H.K.Hewitt a choisi cette direction pour tromper l'ennemi sur les intentions des Alliés. A quelques heures de Gênes, l'armada vire de 120° dans une brume légère et se dirige sur la côte française.
Les Alliés débarquent en Provence. Le débarquement prévu initialement en même temps que celui de Normandie a été retardé par le manque d'engins de débarquement et les retards pris dans la conquête de l'Italie. Les buts de l' opération Dragoon : prendre deux grands ports, Toulon et Marseille, pousser par la vallée du Rhône pour rejoindre au plus vite les forces d'Overlord, prenant ainsi au piège les armées allemandes du sud, du sud-ouest et de l'ouest de la France. Les Français doivent y jouer un rôle de premier plan. Pour cela, on l'a vu, les divisions du C.E.F. en Italie ont été retirées du front et remises à l'entraînement. Vont les rejoindre les divisions encore en formation en Afrique du Nord. L'admirable travail effectué par la Résistance (cl Zeller pour les Alpes) va être précieux aux Alliés qui disposent de cartes mentionnant les emplacements des défenses de l'ennemi. La résistance harcèle sans cesse cet ennemi qui est bloqué dans des déplacements, perd des hommes dans des embuscades.
Chez l'ennemi, le sud de la France, entre la frontière italienne et le méridien de Toulouse est sous la garde de la XIX° armée allemande (gl Wiese) dont les divisions côtières sont retranchées dans le Südwall (mur du sud). Composent cette armée les 148.infanteriedivision (autour de Nice), 242. I.D. (gl Baessler - autour de Brignoles), 244. I.D. (gl Schaeffer, à Marseille) , 338.I.D. (gl de l'Homme de Courbière - entre Nîmes et Martigues), 189.I.D. de réserve, 157. I.D.. Elle peut compter sur la 11.panzer (gl Wend von Wietersheim) basée dans le sud-ouest (Q.G. à Toulouse) mais aussi d'importants éléments de réserve générale comme les 20 bataillons d'Ost Legion (volontaires recrutés dans les territoires occupés à l'est), 3 régiments de Luftwaffe, 2 brigades de Kriegsmarine et une masse de services (Sicherungs Regiments, S.S.Polizei Regiments, ... ). Disposant d'une artillerie puissante, la XIX° Armée ne peut compter cependant que sur 260 appareils de la Luftwaffe et sur 38 bâtiments hétéroclites de la Kriegmarine (6e Flottille de sécurité et 7e Flottille de Sous-marins). Les alliés estiment les forces allemandes à 10 divisions de valeurs très inégales. Les risques sont très grands de ne pouvoir débarquer que 3 divisions dans les premières heures. Il va falloir accélérer les débarquements. La supériorité alliée réside dans l'aviation et la marine. Dans la zone prévue pour le débarquement, c'est la 242.infanteriedivision qui va encaisser le premier choc.
La VII° Armée US (gl Patch) est chargée des opérations.
L'assaut au sol des troupes alliées est précédé dans la nuit par le parachutage de soldats alliés. 535 avions et 410 planeurs escortés d'un essaim de chasseurs larguent ou déposent 9 700 parachutistes (Rugby force, 1st Airborne Task Force du gl Frederick). En vagues successives autour du Muy, de La Motte, de Sainte Rosseline, de Roquebrune, les avions apportent aux paras leur matériel lourd : 213 canons et mortiers et 220 jeeps. Une erreur de largage a entrainé loin de la zone prévue une partie des soldats. Ils s'assignent aussitôt une mission qui réussit pleinement, deux batteries côtières et une batterie d'artillerie sont détruites et 240 prisonniers sont capturés. Les "égarés" rejoignent les F.F.I. et marchent sur Saint Tropez qui est bientôt libéré vers 17H30.
Cette nuit du 14 au 15 août voit débarquer les Commandos d'Afrique (cl Bouvet) et le Groupe Naval d'assaut (fusiliers-marins du cpte de frégate Seriet) aux cotés de leurs camarades américains. Le commando Bouvet fait sauter les défenses de plage bientôt rejoints par un groupe de F.F.I., mais les fusiliers-marins sont isolés dans un champ de mines. Les 24 derniers survivants se rendent aux Allemands. A l'aube, deux avions américains mitraillent les Commandos d'Afrique qui ont plusieurs blessés. Le reste des commandos, mal orientés débarquent en des endroits imprévus et subissent des pertes avant de pouvoir se regrouper. Quand le Combat-command Sudre débarque, Bouvet est fier de lui livrer ses 700 premiers prisonniers allemands.
Une opération parallèle se déroule aux îles d'Hyères où débarquent les Américains de la First Spécial Service Force (cl Walker). Une opération de diversion est effectuée sur les collines de la Ciotat où tombent 300 mannequins. Autre opération avec le destroyer US Endicott et des vedettes qui simulent un convoi devant La Ciotat pour tromper les radars allemands.
Dans le ciel, les Français sont présents avec les 1ère et 4e Escadres de chasse, la 31e Escadre de bombardement (où servait Antoine de Saint Exupéry il y a quelques semaines encore), le groupe 2/52 France Comté et le groupe 2/33 Reconnaissance. Au petit jour du 15 août, 1 000 avions alliés (gl Eaker) pulvérisent les défenses de plage sur lesquels ils larguent 800 tonnes de bombes.
A 07H30, les bombardiers se retirent et les forces navales entament leur tir de barrage (16 000 obus) pour préparer le débarquement au sol. L'armada alliée est impressionnante: 75 000 marins sur les 2 200 navires dont 500 bâtiments de combat, dont neuf porte-avions d'escorte (200 avions), cinq navires de ligne, 25 croiseurs, 87 destroyers, 64 escorteurs et 118 dragueurs. Trente-quatre bâtiments français y figurent. Nous retrouvons le vieux Lorraine, 5 croiseurs, 8 contre-torpilleurs, une douzaine d'avisos et d'escorteurs. Ce n'est pas émotion que les marins du contre-amiral Lemonnier sur l'Emile-Bertin, le Georges-Leygues, le Terrible, le Malin, le Duguay-Trouin, le Jeanne-d'Arc, le Fantasque, la Gloire, le Moncalm doivent tirer sur la terre de France.
Appuyées par des tirs de barrage, les premières troupes alliées (Kodak Force du gl Truscott) avec les 3e Division US (gl ODaniel), 45e Division US (gl Eagles), 36e Division US (gl Dalhquist), et le Combat Command 1 français (gl Sudre) débarquent à terre à partir de 08H00. L'assaut des plages est divisée en trois secteurs. À l'ouest, la force Alpha prend position sur les plages de Cavalaire, Sylvabelle et Pampelonne. La force Delta doit occuper la zone centrale qui s'étend de Nartelle au Val d'Esquières. Le secteur le plus à l'est est réservé à la force Camel, qui doit prendre pied sur les plages entre Fréjus et Anthéor.
L'élan des troupes américaines est irrésistible sauf à Saint Raphaël où le chef de plage déplace le débarquement du 142e d'infanterie sur la plage du Dramont. Le C.C. Sudre qui devait suivre le 142e débarque au nord de Sainte Maxime. Voilà les troupes sur les plages. Les plans sont très vite dépassés. Le 15 août à 22H00, 60 000 hommes et 6 000 véhicules sont à terre. Saint-Raphaël n'est pas encore prise, mais l'opération Dragoon est déjà un succès. On ne déplore que peu de pertes et la tête de pont est fermement établie. La jonction avec les troupes de couverture a été établie sauf dans la région fortifiée de Saint Raphaël où ce ne sera effectif que le 16 au soir.
Dans leurs navires, les soldats français sont informés des progrès de l'invasion. Comme pour la campagne d'Italie, chacune des grands unités est un rassemblement d'individus venus de partout. Des soldats de l'Armée d'armistice, des combattants de 1940, des évadés de la France occupée, des Français de l'étranger, des Républicains espagnols fuyant Franco, des anti-fascistes Italiens fuyant Mussolini, des Yougoslaves, des Légionnaires (comme toujours), des Sénégalais, des Marocains, des Algériens, des Tunisiens, des Tahitiens, des Calédoniens, des Somaliens, des Indochinois, appelés et volontaires venus de l'autre coté de la terre, des appelés par la mobilisation de 1942, des Libanais, des Syriens, noirs, blancs, jaunes, arabes, kabyles et pieds-noirs. Ils viennent parfois de village dont personne ne connait le nom. Pour certains, on ne connait même pas leur véritable identité. Mais tout ça fait d'excellents Français (comme disait une chanson de 1940). Les historiens prétendent qu'on y parle 23 langues différentes. L'amalgame ne s'est pas opéré sans problèmes entre les partisans de Pétain, les partisans de Darlan, les partisans de De Gaulle, les partisans de Giraud, les mercenaires prêts à s'engager pour n'importe quelle cause. Le grand mérite des Généraux Juin, De Lattre, de Monsabert, Brosset, Magnan, Touzet du Vigier, Dody, Sevez, de Vernejoul, Guillaume et de leurs officiers est de réussir à former une armée structurée, bien équipée avec du matériel américain. Beaucoup des soldats n'ont jamais vu la France et lorsque apparaissent au loin les côtes de France, et le massif des Maures en flammes, l'émotion est grande. Qu'ils soient vétérans de Narvik, rescapés de Dunkerque, vétérans de Bir-Hakeim, du Garigliano, de l'Ile d'Elbe, ou n'ayant jamais connu le feu, pour les généraux, officiers ou simples soldats, l'émotion est la même.
Le 16 août au soir vers 19 heures, les premiers navires portant la 1ère D.F.L., la 3è D.I.A. et le C.C. 2 stoppent en baie de Cavalaire et Saint Tropez. Les équipages des torpilleurs et croiseurs (amiral Jaujard) qui viennent de déverser des tonnes d'obus sur la côte s'alignent sur le bord. Les marins saluent ceux qui vont combattre. Les premiers soldats débarquent. Quelques avions allemands apparaissent et bombardent au hasard, 80 tués et blessés au Q.G de la 3e D.I.A.. De Lattre débarque, il est 23 heures.
* voir les unités de la Première Armée Française
Les débarquements vont ensuite s'échelonner sur plusieurs semaines. L'Armée du gl de Lattre de Tassigny arrive. 3e Division d'infanterie algérienne (gl de Goislard de Monsabert) ; la 1ère Division Française libre anciennement 1ère Division de Marche d'infanterie (gl Charles Diego Brosset puis gl Garbay) la 9e Division d'infanterie coloniale (gl Magnan) les vainqueurs de l'Île d'Elbe ; la 1ère Division blindée (gl Touzet du Vigier) ; la 4e Division marocaine (gl Sevez) ; la 5e Division blindée (gl de Vernejoul) ; le Groupe de Tabors marocains (gl Guillaume) ; le 1er bataillon de choc (cl Gambiez) ; les Commandos d'Afrique ; les Commandos de France ; le Groupe Naval d'Assaut (fusiliers-marins du capitaine de frégate Seriet) ; Les services non endivisionnés. Il y aura bientôt 286 000 Français et Françaises et 100 000 Américains.
Le 18 au soir, les Américains ont repoussés les Allemands des 148. et 242.infanteriedivisions autour de Draguignan. Vers l'est la 36e D.I.US qui ne doit servir qu'à tenir la ligne avance cependant. De ce coté, les Allemands se replient vers Cannes et Grasse. Kesselring en Italie est obligé de déplacer une partie de ses troupes vers le nord-ouest. Mais voilà qu'arrivent les premiers éléments des 244., 338. et 189.infanteriedivisions venant de Marseille et d'au delà du Rhône. Les unités françaises aussitôt débarquées serrent au plus près les Américains. A la fin du jour, les Alliés sont aux portes du périmètre défensif de Toulon.
Le 19 août, après bien des hésitations, De Lattre lance ses hommes vers la périphérie de Toulon. Le groupe d'armée B ne dispose encore que de 16 000 combattants, 30 chars et 80 canons de calibre moyen. Si on veut attendre que les unités soient au complet, il faudrait 8 à 10 jours. De Lattre fait avancer sa 1ère D.F.L. par la route littorale, la 3e D.I.A. et les Tabors contournent les fortifications. Les autres unités au fur et à mesure de leur débarquement rejoindront. Les marins ont fait des miracles en allant chercher en Corse la 9e D.I.C. et les Commandos de choc qui commencent leur débarquement et s'insèrent aussitôt dans les forces qui attaquent Toulon.
Les combats pour Toulon sont extrêmement violents. Avec ses trente forts puissamment armés, ses innombrables casemates hérissées d'armes automatiques et les 25 000 soldats allemands de la garnison (contre-amiral Ruhfus), Toulon est une formidable position. Sont retranchés la 242.infanteriedivision et tout ce qui porte un uniforme allemand. De Lattre engagent ses 16 000 hommes le 19 août. La ville est d'abord isolée du nord, de l'est et de l'ouest par un vaste mouvement d'encerclement. Le 21 août, l'investissement de Toulon est réalisé mais la progression des libérateurs est ralentie par de multiples obstacles. Deuxième phase : éliminer les défenses extérieures. A La Valette, aux Quatre Chemins, dans la ceinture des forts qui défendent la ville, les Allemands résistent pied à pied. Les épisodes héroïques ne manquent pas. 3e et 2e Spahis rivalisent d'audace avec le 4e Tirailleurs algériens. Les Français s'infiltrent guidés par les F.F.I. et plus inattendu par les moines du couvent de Montrieux. Les blindés du 7e Chasseurs, débarqués il y a quelques heures, se joignent à la bataille. Au nord-est, le groupe des commandos qui s'est déjà distingué aux Cap Nègre et au cap Bénat escalade à la corde les murailles du Coudon et arrache la position malgré ses cent vingt défenseurs. La résistance de l'ennemi est farouche à l'est sur les collines du Thouar aux tranchées âprement défendues, et dans la ville même où les combats de rue font rage. S'infiltrant rue par rue, par équipes de 2 ou 3, les Français se répandent dans la ville. Au passage des F.F.I. les rejoignent. De Lattre écrit "c'est une guerre de Peaux rouges contre les pillboxs construits un peu partout". Chaque croisement de rue, chaque immeuble public est un ouvrage à conquérir. La journée du 22 voit se dérouler de furieux combat autour de la poudrière. 4 longues galeries s'enfoncent dans la montagne. Les Allemands y ont rassemblés des fantassins, des artilleurs, des marins, des sapeurs, des radios, des ouvriers, des employés des services, et ont transformé les galeries en forteresse où sont réfugiés des chars. Vont s'employer à les déloger le 3e Tirailleurs algériens et le 67e d'artillerie. Avec quelques chars, les Français anéantissent les défenses extérieurs et prennent 2 galeries. Un Tank destroyer est amené face aux dernières galeries. A quelques dizaines de mètres de l'entrée, le char envoie ses obus de 76,2mm. Tout explose dans un fracas épouvantable. Les Tirailleurs s'élancent avec des sapeurs munis de lance flamme. A l'intérieur, le spectacle est dantesque. De Lattre écrit " le spectacle réveille en moi les plus tragiques souvenirs de Douaumont et de Thiaumont en 1916." Les cadavres allemands carbonisés jonchent le terrain, l'odeur est épouvantable.
Le 23 au lever du jour, les Allemands prennent l'initiative. Sortant de l'Arsenal Maritime, ils attaquent les Commandos de Choc. Un groupe des Chocs est fait prisonnier. Les Allemands les fusillent sur le champ.
Les 3e D.I.A., 9e D.I.C., 1ère D.F.L. et les F.F.I. effectuent leur liaison, le 23 au soir, au coeur de Toulon. De Lattre envoie la 3e D.I.A. sur Marseille et retire la 1ère D.F.L.. La 9e D.I.C et les F.F.I. doivent nettoyer la ville. Du 24 au 26 août, la division Magnan enlève les points de résistance des forts Sainte Catherine, fort Lamalgue, et des Arènes. Le 25 août, les Français atteignent le port et circulent dans les rues. Le 26 août au soir, la ville est totalement libérée. Le 27 août, les troupes françaises défilent dans Toulon devant de Lattre de Tassigny. La ville a été prise au prix de sept jours de combat à J+13 (au lieu de J+20). La presqu'île de Saint Mandrier résiste toujours, où s'est réfugié Ruhfus. Bombardé par toute la flotte, sous un déluge de bombes aériennes, Ruhfus n'accepte de se rendre que le 28 août. Il lui reste 1 800 marins. Les Allemands laissent dans les mains des Alliés 17 000 prisonniers et un matériel énorme. Les Français ont perdu 2 700 tués et blessés.
Hyères pendant ce temps a été libéré par des éléments de la 1ère D.F.L. et de la 9e D.I.C. qui aussitôt après ont rejoint la bataille de Toulon. 150 F.F.I. de Hyères s'engagent à la 1ère D.F.L..
Au tour de Marseille. Initialement les plans prévoyaient l'attaque de Marseille après la victoire à Toulon. Mais la tentation est grande d'anticiper l'attaque d'autant que le 19 août, une unité de Spahis est à mi-chemin entre Toulon et Marseille.
Les combats pour la libération de Marseille sont extrêmement violents. Le port et la ville présentent l'aspect d'un véritable camp retranché. La garnison allemande de la cité phocéenne avec la 244.infanteriedivision (gl Schaeffer), les débris des 4 divisions malmenées lors du débarquement et un fort détachement de Kriegsmarine, a reçu l'ordre d' Hitler de se défendre jusqu'à la dernière cartouche. Le 19 août, les F.F.I. passent à l'attaque. L'ordre de grève est général et des combats farouches ont lieu entre les résistants et les Allemands. Le 20 août dès l'aube, le 3e Spahis et le 7e Chasseurs remportent les premiers succès. Le 21 août, le 7e Tirailleurs Algériens, 2 Tabors et le 1er Combat-command (gl André) sont devant Aubagne. Sur toutes les routes, de longues files de fantassins et de blindés rejoignent Marseille. Les habitants découvrent avec surprise les files de Goumiers, en colonne par un, casque à la ceinture, godillots pendus autour du cou, en djellabas rayées ou manches de chemise, accompagnés de leurs mulets. Ils découvrent aussi les longues files de Tirailleurs sénégalais et de Tirailleurs Algériens et Marocains. La route des Maures mérite plus que jamais son nom.
Goumiers
Aubagne est le premier objectif. Au matin du 21 août, le 2e Cuirs et le 3e Zouaves passent à l'attaque. A 10H00, ils ont fait des progrès sensibles mais les chars sont bloqués par les défenses allemandes. Il faut attendre des renforts d'infanterie, en l'occurrence le 2e Groupement de Tabors. A 13H00, l'attaque reprend dans un terrain coupé de haies et de clôtures. C'est un combat à bout portant. Les Français doivent repousser une contre-attaque allemande sur le P.C. du 15e Tabor, où secrétaires, brancardiers, transmetteurs repoussent les assaillants à la grenade. A 18H00, le 15e Tabor prend d'assaut les positions d'artillerie ennemie. Le 1er Tabor lui aussi progresse. Les combats vont durer toute la nuit et ce c'est qu'à l'aube que la résistance allemande cesse.
Pendant ce temps, les autres troupes françaises progressent vers Marseille. Le 22 août, les résistants marseillais mal armés, peu nombreux, qui sont passés à l'action demande l'appui des troupes. Les vainqueurs d'Aubagne sont dirigés sur Marseille dont ils atteignent les limites de la ville le 22 au soir.
Le 23 août, la 3e Division d'infanterie algérienne (gl de Monsabert) pénètre dans Marseille avec en tête son 1/7e Tirailleurs Algériens du col Chappuis (les autres bataillons sont "égarés"dans la montagne) et le 2e Cuirs. De Lattre n'a pu les retenir. A 10H00, Algériens et tankistes sont sur la Canebière. C'est le moment que choisissent les Allemands pour réagir. De Monsabert établi son PC au coeur de la ville dans le PC de la 15e Région Militaire. L'Armée française est revenue dans ses murs mais en plein milieu du dispositif allemand désormais coupé en deux. L'ennemi est ébranlé. Depuis deux jours, il subit les attaques des F.F.I. et voici maintenant que des chars français occupent les rues. Le gl Schaëffer réfugié dans son PC souterrain de l'abri des sous-marins, en contact téléphonique avec la Résistance, refuse de capituler. Nouveau refus lorsque c'est le col Chappuis qui se manifeste. A 19H15, les combats reprennent sous deux formes, l'action urbaine menée par le 7e R.T.A., le C.C. Sudre, le 3e Tirailleurs arrivé de Toulon et les F.F.I. et une seconde action contre la périphérie menée par les Tabors marocains.
Le 25 août, l'attaque est dirigée dès 07H00 contre la colline de Notre Dame de la Garde, qui domine tout Marseille. L'attaque est menée par le 7e Tirailleurs, le 82e Génie, le 2e Cuirs et des F.F.I.. La progression par les petites rues étroites est périlleuse. Plusieurs chars sont détruits. Les Allemands déclenchent leurs lance-flammes sur les assaillants. Les Tirailleurs réduisent un à un les îlots de résistance à la grenade. A 16H00, les Tirailleurs franchissent les grilles de la basilique. L'aspirant Ripoll et le sergent-chef Duval du 7e Tirailleurs hissent le drapeau tricolore sur le clocher. Mais il reste des défenseurs sur les flancs de la colline, Le 3e Tirailleurs s'en charge. Au petit jour du 26, la colline est conquise.
Les combats en ville continuent. Le 3/7e Tirailleurs s'occupe des points d'appui de la Gare Saint Charles et de ses 10 canons de 88. Une étrange atmosphère règne dans la ville. De Lattre raconte que l'on passe d'une rue où s'agglutine une foule en liesse à une rue déserte. Que de la terrasse d'un café sur les hauteurs, il regarde la ville auprès de civils qui tranquillement prennent l'anisette. Le tout sous le bombardement incessant des batteries allemandes installées à l'Estaque, au cap Croisette ou aux îles du Frioul. Mais peu à peu, l'ennemi est acculé à la mer. Un immense ouvrage en béton que l'organisation Todt a mis deux ans à construite barre la route, de part et d'autre des casemates bétonnées où sont installés 4 bataillons équipés de nombreuses mitrailleuses, de 8 canons de 88, ceinturés de barbelés et de mines. Comment prendre ces ouvrages ? Le 3/7e Tirailleurs entame un siège qui va durer 4 jours. Dans d'autres quartiers, la lutte est farouche, le 1er Groupement de Tabors subit des pertes sensibles.
Le 25 août , les Allemands de Marseille sont totalement encerclés, il n'y a plus aucun chemin de repli possible. Une trêve est demandée par les Allemands pour évacuer leurs blessés les plus graves, trêve acceptée. Puis les combats reprennent, rue par rue, maison par maison. Sur la cote, l'artillerie des navires de guerre bombarde un à un les très nombreux ouvrages. Toute la périphérie commence à être nettoyée de tout ennemi.
Le 27 août à 20H30, deux officiers allemands se présentent au P.C. de de Monsabert avec une lettre de Schaeffer pour solliciter un arrêt des hostilités en vue d'une reddition, trêve accordée. Schaeffer devra se présenter à 08H00 en personne.
Le 28 août à 07H00, le gl Schaeffer se présente accompagné de son Etat-major et du commandant de la base navale. Lecture des documents préparés par de Monsabert et signature de l'acte de capitulation. Schaeffer est raccompagné à son P.C..
A 13H00, une interminable colonne de prisonniers allemands, sac au dos, parcourt les rues de Marseille et gagne le camp Sainte Marthe. La bataille pour Marseille est terminée. Il aurait fallu pour plus de clarté expliquer les combats menés quartier par quartier, rue par rue, Le Général de Monsabert l'a fait mieux que moi, mon lecteur voudra bien m'en excuser.
La cité phocéenne est libérée le 28 août, soit près d'un mois avant la date prévue par le commandement allié. L'action des Alliés a été facilitée par le manque de mobilité de la défense allemande et surtout par le concours de la Résistance et de la population. Les unités nord-africaines paient un lourd tribut à la Libération de Marseille. On relève plus de 1 500 morts et 5 300 blessés parmi les troupes régulières et une centaine de tués parmi les F.F.I. Les Allemands ont perdu plusieurs milliers de tués, 37 000 prisonniers. Deux divisions ont été anéanties.
Les Alliés disposent désormais de deux grands ports malgré les importantes destructions que les Allemands ont effectué et les 176 navires sabordés dans les bassins et la passe du Vieux-Port. Pendant que les combats faisaient rage, les travaux de remise en état ont déjà commencé. Dès le 15 septembre, les Liberty ships commencent à s'amarrer au bassin de la Joliette. Pendant les 8 mois suivants, 18 000 tonnes de ravitaillement seront débarqués par jour.
Les Allemands continuent à diriger sur la Provence d'importances forces jusqu'au 20 août. Puis il apparaît au gl Wiese que c'est inutile et pendant qu'il ordonne aux garnisons de Toulon et Marseille de tenir jusqu'au bout, il ordonne aux restes de ses divisions de retraiter vers le nord. Les Américains qui ont laissé les Français reprendre les deux ports talonnent les Allemands. Le 19 août, les Américains se déploient dans la zone Manosque, Forcalquier, Sisterons, Digne et avancent vers Grenoble. De son coté, Patton depuis la Normandie est arrivé à Orléans. Wiese s'il veut sauver sa XIX° Armée n'a plus le choix, il doit gagner Lyon, Dijon, puis les Vosges rapidement. Ordre est donné à toutes les forces allemandes du sud et du sud-ouest de remonter vers le nord. Beaucoup d'allemands ne pourront retraiter, bloqués par La Résistance, harcelés, décimés, des milliers vont se rendre, non s'en avoir procédé à de nombreux massacres et destructions. D'autres vont succomber sous les attaques répétées de l'aviation alliée tels les occupants de ces 3 trains (180 wagons) écrasés sous les bombes derrière un pont détruit sur la Drôme. .
Il reste à Wiese la valeur de 5 divisions d'infanterie et la 11.panzer qui venue de Toulouse n'a jamais pu traverser le Rhône. Arrivés devant Orange, les Allemands s'aperçoivent que les Américains sont déjà 60 kms plus au nord. Le barrage est trop faible et au prix de pertes énormes, beaucoup d'allemands réussissent à passer.
21 août 1944 : libération de Limoges par la Résistance, 21 août : libération de Castres par la Résistance, le 22 août : libération de Grenoble par le 143e R.I.US.
La 1ère D.F.L. est à Arles et Tarascon. Vont arriver les régiments de la 1ère Division Blindée. Le 28 août, l'armée B reprend sa marche en avant . La poursuite commence.
Trois axes de progression sont dévolues par le gl Patch au Groupe d'armée B. Une colonne (gl du Vigier) composée par la 1ère D.B. et la 1ère D.F.L. passera le Rhône et marchera vers Alès, Pont Saint Esprit, Montélimar et Montpellier puis continuera vers le nord. Une seconde colonne composée par la 2e D.I.M. (gl Dody) assure la couverture sur les Alpes. La troisième colonne avec la 3e D.I.A. suivie par la 9e D.I.C doit rattraper les Américains sur Grenoble, les suivre puis marcher vers Ambérieu et la Franche-Comté. Lorsque la 1ère D.F.L. arrivera à Lyon, elle bifurquera à droite vers la Saône et la Suisse. Entre la 1ère D.F.L. et les autres colonnes, les Américains du VI° Corps US qui n'ont pas de division blindée.
Premier obstacle pour la 1ère D.F.L. et la 1ère D.B. : franchir le Rhône, aucun pont, aucun bac. Le 26 août, le Génie ramasse tout ce qui a été abandonné par les Allemands. Tout ce qui flotte jusqu'à de simples planches sont rassemblé par les 101e Génie et les bataillons du Génie des divisions. Dès ce même jour, les premiers passages s'effectuent comme on peut. Les allers et retours s'enchaînent. En priorité, le 2e Spahis, puis les Tanks destroyers, une batterie d'artillerie, ensuite les autres. Le 28 août, d'autres points de passage sont mis en service à Arles et Vallabrègues. Puis l'arrivée par le fleuve d'engins amphibies Duck qui ont remonté le fleuve permet de créer un autre point de passage à Aramon. Le Génie fait des miracles, un pont est jeté le 30 août sur le fleuve à Avignon sur lequel s'engouffre en 48 heures, 3 500 véhicules. Voici 8 péniches de débarquement qui ont aussi remonté le fleuve qui permettent le passage des blindés lourds. Le 1er septembre, l'essentiel des 2 divisions est à l'ouest du Rhône. Sans attendre le rassemblement complet, le 30 août, Du Vigier lance l'ordre de marche en trois colonnes. 1ère : Alès, Langogne, Le Puy, Saint Etienne ; 2ème : Uzès, Aubenas, Vals les Bains, Saint Chamond ; 3ème : la route nationale 86 en bordure du fleuve. Principal obstacle : le manque de carburant. Un dépôt est constitué à Avignon et les camions du 505e Groupe de transport ne vont plus cesser de faire la navette entre le dépôt et les colonnes en marche. Parallèlement un groupe tactique provisoire est chargé du nettoyage du Languedoc et du Roussillon avec le 2e Dragons, le R.I.C.M., le Groupe Naval d'assaut. Les F.F.I. n'attendront pas, le 29 juillet, libération de Prades, le 19 Août, libération de Foix, Sète est libéré le 20 août, Carcassonne le 22 août (maquis de Picaussel et celui de la Montagne-Noire), Béziers le 22 août, Montpellier le 26 août (maquis Bir-Hakeim), tout le sud-ouest se libère.
30 août, le maquis Ardennes qui combat dans la région de Bagnols-sur-Cèze rejoint le Groupe d'armée B. C'est la première unité F.F.I. qui s'intègre ainsi, elle va former le noyau du futur 20e Bataillon de Chasseurs Alpins. A noter que ces résistants n'ont rien à voir avec les Ardennes, ils sont du Gard.
Malgré le retard pris au passage du Rhône, la 1ère D.F.L. fonce et arrive à la hauteur des premières unités américaines sur l'autre rive du fleuve vers Saint Symphorien d'Ozon. Sur la gauche, Saint Etienne est prise le 1er septembre (2e Spahis algériens, groupement Lapradu du CC.1., 1er Bataillon de Zouaves, 68e d'Artillerie et F.F.I.).
Les Américains sont à 50 kilomètres de Lyon. Les Allemands vont ils se battre pour cette métropole ? Les Allemands ne se battront pas pour Lyon où entrent les F.F.I. du col Descours suivis par la 36e D.I.US. La 1ère D.F.L. entre dans la ville le 3 septembre. Déjà les blindés français ont coupé les routes qui sortent de Lyon vers le nord sur les bords de la Saône. Les barrages mis en place par les Allemands ne résistent pas au 3e R.C.A., 1er Zouaves, 2e R.S.A.R. et aux F.F.I. du Charolais.
La rapidité de la prise de Lyon a surpris toutes les prévisions alliées et les plans pour la suite de la campagne ne sont pas prêts. Quelques tâtonnements et la marche des unités peut reprendre avec de nouveaux objectifs. Ier corps d'armée français : gl Bethouart - direction Besançon-Belfort avec la 3e D.I.A., la 9e D.I.C. et la 2e D.I.M. au fur et à mesure de sa relève dans les Alpes ; II° corps : gl de Monsabert - direction Dijon, Langres, Epinal et effectuer la jonction avec les armées venant de Normandie. Entre les deux corps toujours le VI° corps US. But de la manoeuvre, empêcher les Allemands encore en France de s'échapper par la trouée de Belfort. Car il n'y a pas que la XIX° armée allemande, il y a aussi la I° armée et toutes les unités territoriales et les services. Au moins 3 divisions et d'innombrables unités organisées (plus ou moins) en bataillons de marche (Marschgruppen) tentent de gagner l'est, motorisés ou à pied, harcelés par les maquis. L'objectif de Weise est de garder ouverte la porte de Belfort. Les Allemands ont l'énorme avantage de trouver sur leur route, les énormes dépôts constitués ces quatre dernières années. Dépôts que n'ont pas les Alliés dont les camions qui viennent toujours de la Provence arrivent à user plus de carburant qu'ils n'en transportent au prix de l'épuisement des conducteurs. Aucune voie ferrée n'a encore pu être rétablie.
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La 2e D.I.M. sur le front des Alpes, épaule les troupes américaines extrêmement ténues et dispersées. Au point que les Allemands reprennent Briançon et menacent Barcelonnette. La 2e D.I.M. qui voit arriver des plages toutes ses unités remplace peu à peu les unités américaines puis reprend l'offensive et tient le col de l'Izoard, le col de Vars. Les F.F.I. du Dauphinois se joignent à l'armée régulière. Sur le flanc droit des Alliés, c'est la 3e D.I.A. qui passe à l'attaque. Après la prise de Grenoble le 22 août par les F.F.I suivis des Américains , le 31 août, les Français sont à Belley, Lagnieu et Ambérieu. La remontée vers le nord continue malgré le manque de camions. Prise de Nantua (4e R.T.T.). La route de Lyon étant coupée, la division monte par le Jura. Le 2 septembre, c'est Saint Claude qui est libéré, le 3 septembre au tour de Lons-le-Saulnier, Champagnole et Morez. Une autre "branche" de la division sur les traces des F.F.I. des Savoies prend Chambéry, Aix-les-Bains, Rumilly, franchit le Rhône supérieur et par le col de la Faucille atteint la frontière suisse à la Cure, continue vers le lac des Rousses, le Bois-d'Amont pour empêcher les Allemands et leurs supplétifs cosaques de passer en Suisse. Le R.C.T. 1 parcourt 170 kilomètres dans la seule journée du 3 septembre. Belfort est au bout de la route. Les Allemands ne reprendront plus l'offensive sur le front des Alpes.
Le 4 septembre, la 3e D.I.A. fait un bond de 60 kilomètres. Directions le camp du Valdahon, Pontarlier et Morteau. L'avance va devenir dès lors plus difficile. Si à Ornans, le 3/4e R.T.T. reçoit un accueil triomphal de la population, il n'en est pas de même vers Pontarlier où les Allemands opposent une très forte résistance à Mouthe. Résistance désespérée, car les Nazis n'ont aucun espoir de clémence, ils viennent de fusiller sans motif des habitants et incendiés leurs maisons. Vers 14H00, le premier assaut des Spahis est repoussé. Un peu plus tard, tout un escadron du 3e R.S.A.R. et les F.F.I. attaquent. Tout va très vite, une centaine de cadavres allemands, 300 prisonniers marquent la fin de cette poche de résistance. Les autres ont fuit vers la Suisse pour y être internés. Ils sont refoulés, les Suisses ne veulent pas d'eux. La marche reprend vers Pontarlier attaqué le 5 septembre au petit jour. Pontarlier est défendu par des Allemands et des Cosaques de l'armée Vlassov. Cosaques dont une partie vient de déserter et de passer à la Ière Armée. Les points d'appui sont balayés et la marche continue vers Morteau et Maiche. L'ordre est de s'arrêter à Maiche, car la résistance allemande est supposée forte au camp du Valdahon.
Une communication téléphonique avec les employés des Postes de Besançon et du Valdahon confirme les craintes. La 11.panzer commence à arriver. Couper la route Dôle-Besançon-Belfort devient un objectif prioritaire. Une colonne légère est envoyée vers Baume-les-Dames : 3 chars légers, un bataillon et demi d'infanterie grimpés sur les chars ou marchent à côté, une batterie de 105, une section du Génie (14 véhicules). Le coup d'audace réussit, après l'arrivée une autre compagnie de Tunisiens, une batterie de 105, et des F.F.I.. La RN 73 est barrée et Baume-les-Dames occupé. Les Allemands sont tellement surpris qu'un train de munitions et de matériel entre en gare. Il est détruit au canon bloquant dans un tunnel un second train. Mais l'arrivée de la 11.panzer (partie de Toulouse) marque la fin de la poursuite ininterrompue et les combats qui vont suivre vont être très douloureux. Le 14 septembre, la 9e D.I.C. commence à relever la partie gauche de la 3e D.I.A. renforçant ainsi le Ier corps qui commence une période de repos bien mérité.
La colonne du II° corps continue de poursuivre les fuyards du XIX° corps allemand La 1ère D.B. a pour direction Mâcon, la 1ère D.FL. dont les unités s'échelonnent depuis Nimes doit remonter au plus vite. Tout indique aussi que le contact avec les troupes allemandes qui refluent du sud-ouest va avoir lieu. Un adversaire de plus va se manifester, le manque de carburant. Le C.C.2 se retrouve bloqué dans la région de La-Roche-Vineuse, sans d'essence. Le C.C.1 avance néanmoins vers Tournus. Le 2e R.S.A.R. plus chanceux arrive à une quinzaine de kilomètres de Chalon.
Weise a disposé sa 716.infanteriedivision entre Le Creusot et Chalon. Sa mission laisser la route libre pour l'écoulement des forces du sud-ouest. Le 5 septembre, le C.C.1 ne laisse aucune chance à la 716. dont le front est crevé en deux endroits. Les Allemands se replient une nouvelle fois et établissent une nouvelle ligne de défenses sur le cours de la Dheune. Défenses tenues par les débris de 4 divisions et un échantillon de toutes les armes, y compris des marins venus des Sables d'Olonne. Une nouvelle fois le C.C.1 passe à l'attaque appuyé un moment par le C.C.2 qui tombe une nouvelle fois en panne d'essence. Le groupe d'armée B dévore 600 000 litres d'essence par jour et les convois de camions ne suffisent plus.
Les menaces se précisent sur le flanc gauche du II° corps. Les XIX° et Ière armées allemandes veulent à n'importe quel prix maintenir ouverte la porte vers l'est. De Monsabert lance ses blindés vers Autun et Beaune. Au sud de Beaune, la vaste plaine ne permet de progresser qu'au prix de pertes sévères. L'intervention de l'artillerie permet de museler les défenses ennemies. Sur l'autre colonne d'attaque, les combats sont également très violents. Un accrochage sérieux se déroule en gare de Saint-Bérain. Deux tank-destroyers du 9e R.C.A. se heurte à un train blindé allemand parti de Bordeaux suivi de cinq convois de transport. C'est une véritable forteresse ambulante équipée de 2 canons de 120mm, 4 canons de 105 mm sous tourelle, et des canons automatiques jumelés. Les deux 76,2 mm des chars ne pèsent pas lourd. Mais le combat s'engage. Un des chars tombe en panne, inutilisable. L'autre char d'un coup heureux endommage la locomotive. Les Allemands descendent du train leur infanterie et cinq chars. Des renforts français arrivent et les combats s'intensifient. Vers 18H00 , une batterie d'artillerie prend à partie les six convois immobilisés. Tout flambe. Abandonnant les 180 wagons, leur artillerie, leur matériel, leurs morts et leurs blessés, les Allemands s'enfuient. Ils seront capturés plus tard car plus au nord, le 5e R.C.A. et le 1er Zouaves progressent dans le vignoble avec précaution, "n'écrasez pas les ceps". Partant de Meursault, les chars progressent vers Pommard, puis Volnay. Le 8 septembre, Beaune est prise. Au passage les Allemands capturés se comptent par centaines. Parmi eux des Républicains Italiens fascistes et des Hindous "libres". Entre Nolay et Ivry-la-Montagne une colonne de 500 ennemis traînant 19 canons et 150 véhicules divers est capturée.
Les fuyards allemands sont talonnés par les F.F.I. des Pyrénées, de la Haute Garonne, du Tarn, du Lot, de la Corrèze, du Languedoc, du Limousin, et du Massif Central. Tout fiers d'avoir libérés leur département, ils estiment qu'il reste du travail à faire. Le plus souvent à pied, quelquefois à bord de véhicules réquisitionnés ou récupérés, ils convergent vers Beaune. Grâce à un miracle le corps-franc Pommies a déniché un train qui les a rapproché des combats. Ces F.F.I. sont 25 000, mal armés d'armes récupérées, pas équipés. Ils ont parfois de leur propre initiative reformé des régiments dissous tel le 8e Dragons (F.F.I. de Corrèze), tel le 2e Dragons (cdt Merlat). Cette dernière unité est incorporée directement dans l'armée régulière où avec le 1er Bataillon de Légion, un escadron de Fusiliers Marins et une batterie de 105, se portent sur Autun le 8 septembre. Dans la ville, les F.F.I. de Saône et Loire ont déclenché leur attaque. 35 de ces maquisards faits prisonniers sont fusillés par les Allemands. Vers 21H00, les combats violents font reculer l'armée française qui subit l'attaque au nord d'une forte colonne allemande de canons antichars et de voitures blindées qui tente de passer, attaque repoussée. Au sud, une autre colonne de 4 000 ennemis (gl Bauer) venue de l'extérieur tente de forcer le passage en limites de la ville. Repoussés, ils s'infiltrent autour des Français. Malgré la libération d'Autun, les Allemands tentent toujours de passer. En réalité, les Allemands qui tente de franchir les défenses françaises ne sont que les premiers éléments d'autres colonnes qui suivent. Pour les Français, tenir, c'est bloquer toutes ces colonnes. Toutes les attaques allemandes sont repoussées. Le 9 septembre, vers 14H00, Bauer n'insiste pas, il se rend avec 3 200 de ses hommes. Les routes sont jonchées de matériel sur lequel se précipitent les F.F.I.. Traqués par les maquisards, les autres colonnes allemandes ne vont pas insister longtemps. Le 11 septembre, 19 312 généraux, officiers et soldats allemands vont se rendre à la 83e D.I.US vers Orléans.
Libérer Dijon est le prochain objectif. Les reconnaissances laissent apercevoir que les Allemands tiennent solidement le canal de Bourgogne et Nuits-Saint-Georges. Par contre une petite route qui conduit vers Urcy est libre que rejoignent un escadron du 2e Spahis et deux compagnies des Chocs avec un double objectif, couper la RN 5 vers Paris et occuper la gare de Dijon. Sur la RN 5, les barrages allemands sont bien installés et résistent. Tout débordement est interdit par les feux allemands et la topographie du terrain. Une forte colonne allemande d'un millier d'hommes monte à l'attaque. Ils sont repoussés mais le temps passe et la nuit s'approche. Les Français (cl Desazars) décident de ne pas tenter l'aventure dans Dijon et s'installent en face à Fleurey et Pont de Pany, attendant l'arrivée du C.C.Sudre et de l'essence. Le 11 septembre à l'aube, une patrouille du 3e R.C.A. s'avance en ville. Elles est vide de tout Allemand qui ont évacué pendant la nuit. La population en liesse accueillent ses libérateurs qui ne s'attardent pas et remontent toujours vers le nord.
Le 12 septembre, c'est la jonction entre ceux d'Overlord et ceux de Dragoon. Les éléments français de Leclerc (1er Régiment de Marche des Spahis Marocains) débarqués en Normandie font la jonction avec les troupes commandées par de Lattre de Tassigny (1er Régiment de Fusiliers Marins) à Nod-sur-Seine. Les forces allemandes du sud et du sud-ouest qui battent en retraite voient désormais la route de l'est coupée. De Lattre cite cette rencontre à la date du 12 septembre vers 13H00 et rétablit un fait oublié, c'est le lieutenant Eve Curie (agent de liaison) et le correspondant de guerre de Villiers, dans un véhicule du 1er R.F.M. qui les premiers auraient "rencontré" les Spahis dans Montbard. Ensuite les rencontres vont se dérouler à plusieurs endroits comme à Nod, Aisey sur Seine. La rencontre avec les Américains s'effectue entre Clamecy et Saulieu.
Les reconnaissances continuent dans une région infestée d'allemands. Objectif suivant, Langres défendu par sa forteresse. Le 13 septembre, l'artillerie française ouvre le feu sur toutes les résistances reconnues. Les Commandos de France, les F.F.I. de Haute-Marne, un escadron du 2e Cuirs, le 3e Zouaves, débordent la ville et mitraillent les fuyards. A 14H00, la ville encerclée, l'attaque de la citadelle est engagée. Les Allemands laissent les assaillants s'approcher (2e Spahis, des Sapeurs, des F.F.I. et une cinquantaine de paras américains (qui viennent d'on ne sait d'où)) et commencent le tir. La fusillade est meurtrière et les Français se retirent. En ville, les succès sont éclatants, mais la citadelle tient toujours. Vers 18H00, un drapeau blanc apparait, les derniers défenseurs de la citadelle se rendent.
Le II° corps d'armée infléchit sa marche en direction de l'est, direction Epinal. Par les RN 19 et RN 460 les Français progressent. La résistance allemande se fait de plus en plus forte. Les attaques répétées des forces françaises (3e R.C.A.) obligent l'ennemi à refluer sur la forêt domaniale de Bussières. Formés en hérissons, les Allemands résistent mais attaqués de deux cotés, ils décrochent et fuient vers le nord.
Le commandement allié avant l'attaque des Vosges décide de remanier le dispositif franco-américain sur le flanc droit des Alliés. Ce qui n'exclut pas la poursuite des opérations de nettoyage. Au cours d'une patrouille, le gl von Brodowski, co-responsable du massacre d'Oradour est capturé par un peloton du lt de Buzonnières du 2e Spahis - (incarcéré à la citadelle de Besançon, il cherche à s'évader et est abattu par une sentinelle F.F.I. quelques jours après, De Lattre écrit que c'est une sentinelle sénégalaise).
Un mois après le débarquement de Provence, la jonction de ceux d'Overlord et ceux de Dragoon est totalement effectuée sur un front de la Suisse à la Mer du Nord. Eisenhower reprend le commandement total des forces alliées sur le front occidental.
Le 13 septembre, ordre est donné au II° corps français de se diriger vers l'est en passant derrière le VI° corps US qui lui doit se souder aux troupes américaines de Patton. Le II° corps doit se souder au Ier corps français qui reste sur sa droite pour former un front continu. C'est une opération extrêmement délicate où marche l'une vers l'autre, ou l'une à travers l'autre, des unités qui prennent des directions différentes. Le 16 septembre, les troupes se mettent en marche. Au terme du déploiement, les forces françaises tiennent une ligne de la frontière suisse au nord de La Lure et orientée vers l'est. Les Français sont ainsi à l'extrêmité droite du front allié, le centre est dévolu aux Américains, la gauche aux Anglo-Canadiens, ayant incorporés les Belges (Brigade Libération ou Piron), les Hollandais (Brigade Princesse Irène), les Polonais (Iere Division Blindée, Iere Brigade de Parachutistes).
15 septembre : Libération de Nancy. 17 septembre : Libération de Brest. 21 septembre : Libération de Boulogne-sur-Mer et de Menton.
Le 27 septembre, la force B prend l'appellation de Ière Armée française et regroupe désormais toutes les forces militaires et combattantes du pays. Des centaines de Français sont sortis des maquis. 137 000 F.F.I. et F.T.P., rejoignent l'Armée française de la Libération parfois en unités constituées, parfois en ordre dispersé. Tous plein d'ardeur, ils sont mal équipés, mal armés d'armes disparates, sans armement lourd, sans artillerie, arborant des grades fantaisistes. Une remise en ordre s'impose.
Cette armée qui combat avec succès aux cotés des Alliés, démontre ainsi qu'en 1940, ce n'était pas le courage des hommes qui a fait défaut. Les unités issues des F.F.I. vont être plus particulièrement chargées de réduire les poches allemandes de La Rochelle, Lorient, Saint-Nazaire et Dunkerque mais beaucoup d'autres ont rejoint la Ière armée. Ces unités légères F.F.I. vont être incorporées dans les troupes de l'armée régulière. Sont en cours de débarquement depuis le mois d'août de nouvelles troupes venues d'Afrique du Nord, comme la 5e Division Blindée. Au premier septembre 1944, les armées françaises comptent 560 000 hommes. De nombreuses unités ont été créées ou renforcées et vont apparaître sur le front. De nouvelles divisions vont pouvoir être réarmées et équipées : 10è D.I. (créée le 1er octobre 1944), 27è D.A (créée fin septembre 1944), 19è D.I. (constituée dans le Morbihan), 1ère, 14è et 36è, 19è, 23è et 25è D.I., 3è D.B..
En quelques semaines, les troupes françaises ont repris à l'ennemi 25 départements, de modestes villages mais aussi des grandes villes. Les Ière et XIX° armées allemandes ont laissé entre les mains des Français 16 000 prisonniers, autant dans les mains du VI° corps US. Les Français ont barré la route à des dizaines de milliers d'ennemis qui se sont rendus aux Alliés.
500 tombes français (dont celles des F.F.I. qui ont rejoint) jalonnent la route.
Une nouvelle phase de la campagne de la Libération commence. Direction le Rhin ! Mais les Alliés, s'ils alignent 51 divisions sont obligés de marquer un temps d'arrêt. La logistique alliée a atteint ses limites. Il faut rebâtir des ponts, réparer les voies ferrées, déblayer les fleuves et les canaux. Les hommes et le matériel ont atteint leurs limites.
Des hommes sont épuisés, dont une grande partie des Tirailleurs. Ils font la guerre sans trêve depuis la Tunisie. Ils ont enchaîné Tunisie 1942-1943 - Italie 1943-1944 - Campagne de France 1944, sans retourner au pays. Ils ont subi les rigueurs de l'hiver dans la montagne italienne, l'été de la poursuite et voici l'hiver des Vosges qui s'annonce. Quand ils étaient au repos, c'était pour reprendre l'entraînement, remettre en état le matériel ou marcher ou tenter de récupérer dans des navires de transport surchargés.
Les stocks d'essence et de matériel sont vides et il faut à la Ière armée : 1 500 tonnes de carburant, de vivres et de munitions par jour. Les GMC qui constituent les flottes de camions peuvent transporter de 2,5 T à 4 T suivant les terrains et ils vont se succéder sans arrêt sur les routes qui montent vers les fronts. Il faut créer de nouvelles bases de ravitaillement.
Attendre pour attaquer est plus prudent, même s'il est incontestable que les Allemands vont profiter de ce répit pour renforcer les défenses d'une région qu'ils considèrent depuis des siècles comme terre allemande, l'Alsace-Moselle. L'aviation alliée, continue elle, son travail de destruction des villes, des routes, des voies ferrées, des usines, des concentrations de troupe en Allemagne.
Les conditions d'acheminement des vivres, munitions et matériels vont s'améliorer avec la remise partielle en état de la voie ferrée Marseille-Paris. En octobre 1944, les trains peuvent remonter jusqu'à Lyon, puis Baume-les-Dames avec des crochets inattendus par Dijon ou Besançon. En même temps, un pipe-line est posé en bordure du Rhône et de la Saône, il progresse de 15 kilomètres par jour.
A la mi-septembre, la Première Armée tient une ligne étirée sur 360 kilomètres, dans les Alpes, de Barcelonnette au lac Léman, et devant Belfort, du pays de Lomont à Servance.
Cette page est en partie mon concentré personnel du livre du Maréchal De Lattre de Tassigny : "Histoire de la Première Armée Française" auxquels sont ajoutés des renseignements fournis par d'autres ouvrages.
*J'emploie le terme F.F.I. pour toutes les formations armées de la résistance pour faciliter la compréhension du texte. Les F.F.I. ou Forces Françaises de l'Intérieur sous le commandement du général Koening comportent de multiples groupes armés issus des mouvements de résistance. Citons les F.T.P. (Francs Tireurs et Partisans), O.R.A (Organisation de résistance de l'armée), l'O.C.M. (Organisation civile et militaire), M.O.I. (main d'oeuvre immigrée), et tant d'autres fondées à l'initiative de chefs locaux.