LA PREMIERE ARMEE FRANÇAISE

Bataille des Vosges - Bataille pour Belfort - La course au Rhin Mulhouse

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23 septembre 1944

Par décret du Gouvernement provisoire, les F.F.I. sont invités à souscrire un engagement pour la durée de la guerre dans l'armée régulière ou à rentrer chez eux. L'occasion est ainsi trouvée pour séparer les authentiques résistants F.F.I. ou F.T.P. des résistants de la 23ème heure ou même d'individus qui tentent de passer à travers les filets de l'épuration. En février 1945, le gl De Lattre demandera que l'on n'emploie plus les termes F.F.I. ou maquis puisqu'il n'existe plus qu'une seule Armée française.

Jamais une armée régulière n'avait été confrontée à ce problème de l'amalgame. Regrouper des troupes habituées au commandement "pyramidal" avec des volontaires qui ont souvent suivi un chef, apprendre à faire combattre ensemble des soldats habitués aux manoeuvres d'unités avec des soldats ayant combattu jusque là en petits groupes autonomes, former des chefs militaires à partir de bonnes volontés. Les effectifs de ce que l'on appelle bataillons sont divers allant de 300 hommes à 1 200. Leurs gradés arborent des galons "fantaisistes" et parfois injustifiés, il faut les raisonner. Certains maquisards plus âges sont restés au pays et une bande de "gamins"au moment de partir, les ont remplacé. Il faut les instruire. Voici la tâche attribuée au gl Molle puis au col Rebattet-Cheval. Des centres d'instruction sont installés au camp du Valdahon et à la Valbonne.

Le gl de Lattre chiffre le nombre des incorporés à 137 000 pour toute la campagne. Seulement la logistique américaine n'a pas prévu cet afflux de soldats. Les équipements, fournitures, vivres sont calculés sur les 256 000 hommes de l'Armée d'Afrique (accords d'Anfa). La planification rigoureuse de l'armée américaine ne permet pas de déroger dans l'immédiat à ces accords. C'est d'ailleurs un problème politique plus que militaire. Pour les vivres, pas trop de problèmes, l'intendance française va se débrouiller avec les maigres ressources locales. Les rations de combat sont réservées aux unités engagées, qu'elle qu'en soit l'origine. Ils en va tout autrement des vêtements et de l'armement. Pour les vêtements, les stocks de l'Armée d'armistice sont récupérés mais vite épuisés. Alors va régner l'époque du partage. L'armée américaine a une pratique différente de l'armée française, elle n'attend pas que des effets soient usés pour les remplacer mais envoie régulièrement des effets neufs aux soldats. Alors l'intendance française va équiper les F.F.I. avec ses vêtements neufs et laisser aux troupes engagées leurs vieux vêtements. Au blanchiment des troupes, les uniformes passeront des épaules des Tirailleurs qui repartent, sur celles des nouveaux arrivants. L'armement allemand récupéré est disparate et insuffisant, on s'en contentera jusqu'à que ce les dotations supplémentaires arrivent. Mais il faut tout rassembler, puis redistribuer en tentant d'uniformiser les matériels par unités. Pour l'armement lourd, les récupérations sont très limitées et les déficits de ces matériels resteront un handicap pour les unités issues des F.F.I..

L'arrivée de tous ces maquisards va permettre d'alléger sur le front des Alpes, les effectifs des 2e D.I.M. et 4e D.M.M. remplacés par les 30 bataillons (20 000 hommes) issus des mouvements de résistance. Ces volontaire ont souvent une très bonne expérience de la montagne. Ils viennent pour la plupart des Bataillons de Chasseurs alpins, vainqueurs de la bataille des Alpes de 1940.

Octobre 1944 à Avril 1945.

Le commandement français décide le "blanchiment des troupes". Présenté comme le remplacement des soldats noirs et maghrébins pour les préserver des rigueurs de l'hiver, n'est-ce pas une action délibérée pour éviter de présenter l'Armée française comme étant à majorité africaine ? Les 4e, 6e et 13e Régiments de Tirailleurs sénégalais laissent la place aux 6e, 21e et 23e d'infanterie coloniale. Le 8e Tirailleurs marocains est remplacé par le 151e R.I..Le 7e Tirailleurs algériens est remplacé par le 49e R.I., le 1er Tirailleurs algériens est remplacé par un 27e R.I., le 64e d'artillerie d'Afrique est remplacé par le 69e d'artillerie de montagne. Dans certaines unités mixtes, le personnel africain est remplacé individuellement. Dans quelques unités appelées encore un moment : Tirailleurs sénégalais, on ne verra plus aucun visage noir. Mais d'autres, des milliers d'autres Africains vont continuer le combat. De Lattre précise qu'on a tenté d'effectuer ces remplacements en arrière du front, mais "l'on assiste alors à ce spectacle extraordinaire : jusque dans les trous, à quelques centaines de mètres de l'ennemi, des gamins s'en vont prendre la place des Sénégalais et en reçoivent séance tenant capotes, casques, armes et consignes".

Des Tirailleurs sénégalais sont employés à la garde des prisonniers de guerre de l'Axe et bien vite les Français vont les oublier. Trois régiments de Tirailleurs particulièrement éprouvés regagnent l'Afrique du Nord. Le 4e Régiment de Tirailleurs Algériens, le 8e Régiment de Tirailleurs Marocains et le 1er Régiment de Tirailleurs algériens rentrent au pays. Leurs drapeaux étaient déjà couverts de décorations, ils en reçoivent d'autres.

La bataille des Vosges

Cette période restera pour les soldats à jamais marquée par le souvenir d'une météo perpétuellement mauvaise. Pendant près de 3 mois, les opérations militaires sont ralenties par la pluie, la neige, le brouillard. Sans transition, le soleil de Méditerranée s'est transformé au début de l'automne en une pluie quasi ininterrompue et les températures ont brutalement chuté. Les soldats ne portent que les seules tenues qu'ils possèdent, les tenues d'été reçues en Afrique du Nord ou en Italie. Quand aux F.F.I., ils arrivent dans leurs tenues de résistants, aussi disparates que légères. Les Tirailleurs des 9e D.I.C et 1ère D.F. L. sur les plateaux du Jura gèlent sur pied. Dès octobre, les médecins voient apparaître les premiers cas de gelures et de "pieds de tranchée". Les troupes d'Afrique habitués aux larges espaces sont perdus dans ces forêts sombres où il est facile de s'égarer. Le moral s'en ressent.

Sur les Vosges, l'ennemi s'est ressaisi, sur une ligne de défenses naturelles. Il a établi des positions successives pour interdire les routes et les crêtes. Les ordres du Haut-Commandement allemand sont de tenir coûte que coûte, dans l'espoir de gagner du temps pour terminer la mise au point des "armes secrètes". Le Vaterland n'est plus qu'à une centaine de kilomètres. Hitler a incorporé les jeunes Allemands à partir de 16 ans, puis ne va pas tarder à procéder à la levée en masse des hommes valides ou non jusqu'à 60 ans dans la Volkssturm. Ce qui inclut les Alsaciens et Lorrains des zones encore occupées. Aucun uniforme n'étant plus disponible pour ces "soldats", ils seront équipés uniquement d'un brassard mais auront souvent pour armement le redoutable "panzerfaust" (lance roquette anti-char à usage unique). Les Allemands doivent compter aussi sur la désertion de nombreux éléments venus des territoires occupés à l'est. Le 27 août, deux bataillons de la 30.SS.grenadierdivision (des Russes), l'un au Valdahon, l'autre vers Vesoul, passent au maquis après avoir tué leurs cadres allemands.

Les Alliés préparent une grande offensive en direction du Rhin sur  650 km de front, des bords de la Mer du Nord en Hollande à la Suisse. Ils connaissent des difficultés de ravitaillement, en essence notamment qui arrive des ports de la Manche ou de Méditerranée. Ils ont parcouru plus de 500 kilomètres sans cesser de combattre. La Ière Armée française, avec ses deux Corps d'armée Béthouart et de Montsabert, se regroupe face à la trouée de Belfort, dans le Jura et sur les Vosges, en vue d'engager la bataille pour la libération de l'Alsace. A sa gauche, la VII° Armée américaine tend à se porter sur le nord, ce qui oblige de Lattre à étendre ses lignes pour rester au contact des Américains. Il faut aussi tenter de reprendre des villages dans les Vosges Saônoises, pour déborder Belfort. Au coude à coude avec les unités F.F.I., les C.C. s'emparent de plusieurs hameaux puis de villages habilement fortifiés par l'organisation Todt qui a embrigadé les civils. Lyoffans, Magny, Anigon, Palante, Andornay, Lomontot sont repris raccourcissant ainsi le front. Les routes qui mènent vers les cols des Vosges commencent à s'ouvrir. Les Allemands de Wiese n'entendent pas se laisser déborder et lancent de brutales contre-attaques. Ils sont repoussés. C'est encore le manque de munitions qui ralentit l'avance du II° Corps. Dans les seules journées des 28 et 29 septembre, 650 tonnes ont été consommées et ne sont arrivées que 500 tonnes.

Sur le front du Ier Corps (sud de Belfort), le coup de main des Sénégalais et des Tunisiens se solde par un échec face à des Allemands plus déterminés que jamais. Belfort promet d'être un objectif difficile à conquérir. Quand aux Vosges, personne n'imagine devoir revivre les 4 ans de combats sanglants de 1914 à 1918 sur les pentes de l'Hartmannswiller ou du Col du Linge.

Il faut des munitions avant de déclencher une attaque de grande ampleur. Au mieux, la Première Armée en reçoit 1 000 tonnes par jour. De Lattre en voudrait 15 000 tonnes pour lancer sa grand offensive. Impossible, malgré la réouverture de la ligne de chemin de fer vers Marseille ! Alors les Etats majors modifient leurs plans. Et si les Alliés perçaient en direction de Gérardmer à la jonction des Armées américaines et françaises ? Faudrait-il encore que les Américains soient à Gérardmer alors qu'ils se déplacent en direction du nord des Vosges et que les Français y soient également. Ce n'est pas le cas. Entre les deux armées, un vide s'est créé que De Lattre va combler en déplaçant ses divisions.

Le Ier Corps voit partir la 3e D.I.A., le 3e G.T.M., les Paras du lt-colonel Faure et les Chocs, soit l'équivalent de 2 divisions déplacées vers le nord. Au II° Corps, la 2e D.I.M. étend ses lignes toujours plus vers le nord. De négociations en discussions avec les Américains, de déplacements en déplacements, de remplacements des Américains par des Français, les objectifs des Français sont clairement définis. Le 4 octobre, la 1ère D.B. attaque Le Thillot vers 06H30. C'est un échec. Les Paras et les Tirailleurs des 3e et 7e R.T.A n'ont pas beaucoup plus de succès dans le secteur de Langoutte où seuls les Paras s'accrochent au col de Morbieux. Il faut employer des moyens plus importants.

6 octobre, les Français (gl Guillaume) attaquent le cours de la Masselotte. Les 3e R.T.A., 2e G.T.M., 7e R.T.A., 3e G.T.M., s'élancent. En réserve les 4e R.T.T., 3e R.S.A.R., 7e R.C.A. sont prêts à suivre. En face, la 338.infanteriedivision va défendre chèrement ses positions, surprenant même les Français par une attaque en force qui coupent nos unités en deux. Les combats vont durer 36 heures pendant lesquels les adversaires vont tenter de s'encercler mutuellement. Sur le Morbieux, les paras du 1er R.C.P. et le 2e Bataillon du 3e R.T.A.sont isolés. Il faudra cinq jours aux Français pour reconquérir les positions de départ. Le 9 octobre, les Français repartent par un temps épouvantable, pluie, neige et brouillard. Tout le monde patauge dans une boue froide et visqueuse. La progression est très lente. Il aurait fallu disposer de réserves suffisantes pour exploiter les failles dans le système de défense allemand. Ce n'est pas possible car la Ière Armée doit encore étendre ses lignes par suite du recentrage américain. Les régiments F.F.I. appuyés par le 2e R.S.A.R. doivent combler un nouveau vide de 10 kilomètres. Guillaume ne peut plus alimenter la bataille et doit se borner à couvrir les positions conquises. L'héroïsme des F.F.I. n'a pas suffit de même que les efforts des Tirailleurs. Les efforts à fournir sont trop importants et malgré des combats encore acharnés du 11 au 14 octobre, on doit se limiter au balcon qui surplombe la Masselote à l'ouest et à la reconquête du village de Cornimont et de la forêt de Gehan.

De Montabert ne peut se contenter de ce succès tout relatif. Il fait attaquer le 16 octobre, la 3e D.I.A renforcée du 6e R.T.M. sur l'axe Cerfs-Haut-du-Faing-le Rainkopf et la 1ère D.B. renforcée du 1er R.C.P. et des Commandos d'Afrique sur Travexin-Ventron-Oderen. Il pleut sans discontinuer lorsque les Tirailleurs partent à l'attaque. Le Haut-du-Faing est conquis mais les vallées sont tenues solidement par les Allemands. Toutes leurs réserves sont déversées dans la bataille et les Allemands contre-attaquent. L'artillerie allemande tire tout ce qu'elle peut. Sur le Haut-du-Faing, le 6e R.T.M. subit des pertes terribles, 700 tués et blessés. Les Commandos d'Afrique perdent 92 morts.

Malgré les nouvelles nouvelles rassurantes que laissent apparaître les premiers interrogatoires des nombreux prisonniers et déserteurs allemands, De Lattre ordonne l'arrêt de l'offensive du IIe Corps Français. Il ne peut fournir à de Monsabert, les fantassins que celui-ci réclame. Des décisions importantes ont été prise au niveau du Haut-commandement allié, tant au niveau politique qu'au niveau militaire et De Lattre doit s'y plier.

Une nouvelle fois les divisions françaises doivent changer de positions. Seront retirés du IIe Corps, la 1ère D.B., le 6e R.T.M., le Bataillon de Choc, les Commandos d'Afrique, le 2e Dragons, le Corps-franc Pommies, et la Brigade Alsace-Lorraine. La 1ère D.B. partira pour l'Atlantique à la bataille des Poches. Les autres unités passent en réserve d'armée. Il faut également se préparer à relever sur le front des Alpes les unités américaines qui y sont encore. La partie du front dévolue aux Français va passer à 400 kilomètres.

Le 3 novembre à 08H00, le IIe Corps français lance cependant une attaque dans les Vosges. Le 4e R.T.T., le 2e G.T.M., les 2e et 3e R.S.A.R., le 1er Bataillon de Légion, Les Chocs et les Commandos de France, le 6e R.T.M. (un bataillon), le C.C. 6 de la 5e D.B., et l'artillerie des 1ère et 5e D.B. attaquent les hauteurs de Rochesson sous la couverture aérienne du 1er Corps aérien français. C'est une attaque destinée à masquer les déplacements qui commencent au cours de la nuit. Les combats vont durer 3 jours aux termes desquels les hauteurs convoitées sont prises ainsi que les villages de Rochesson et Menaurupt. Les contre-attaques allemandes des 198.infanteriedivision et 269.infanteriedivision ont été partout repoussées. Au soir du 7 novembre, les déplacements de troupes ont été opérées sans intervention de l'ennemi.

Si la bataille des Vosges n'a pas obtenu les résultats escomptées, elle a permis d'infliger à l'ennemi des pertes sévères. Les Allemands y ont transportés 6 bataillons qui feront défaut en d'autres endroits du front. 7 bataillons de réserve sont venus d'Allemagne et une division complète est arrivée de Norvège. 50 villages vosgiens sont libérés mais 800 morts de la Première Armée reposent pour toujours dans les cimetières vosgiens à l'ombre du Croissant et de la Croix.

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La Bataille pour Belfort

De Lattre n'a pas attendu la suspension de la campagnes des Vosges pour porter la pression de la Ière Armée sur Belfort et sur la Haute-Alsace. Une population de 100 000 habitants attend ses libérateurs. Préserver les agglomérations de Sochaux-Montbéliard, d'Héricourt, d'Audincourt est l' un des objectifs du Ier Corps Français de Béthouart. Ensuite on foncera vers le Rhin.

Le Ier Corps voit arriver en renfort toute la 5e Division Blindée (gl de Vernejoul), un C.C. de la 1ère D.B., le 7e Chasseurs d'Afrique, le 1er Spahis de reconnaissance, un R.C.T. de la 4e D.I.M., le 1er G.T.M., le Groupement de Choc Gambiez, le 9e Zouaves, 11 groupes d'artillerie, il est attendu un groupe de 240mm et une batterie de 203mm américains venus d'Italie. De Lattre a aussi obtenu que les grandes unités prévues pour le front de l'Atlantique ne partent pas tout de suite.

Une opération d'intoxication est montée pour inciter l'ennemi à ne pas dégarnir les Vosges. Lui faire croire que la prochaine attaque aura lieu dans le secteur de Remiremont est l'objectif. Ostensiblement, des éléments de la 5e D.B. installe des pancartes, flèchent des itinéraires, usent sans précaution de la radio. Des P.C. fictifs sont installés aux yeux des inévitables espions allemands de la région. De faux ordres de jour circulent. De faux ordres de permissions sont lancés, à la grande déception des intéressés qui ne verront jamais leur application. Les Allemands, maîtres dans ce jeu sont bernés. Leur défense dans les Vosges est encore renforcée.

Le rôle principal de l'attaque prévue sur Belfort est dévolu à la 2e D.I.M. (gl Carpentier). Objectif : prendre la ville ou au pire, prendre ses arrières. La division est renforcée des C.C. 4 et 5 de la 5e D.B., des bataillons F.F.I. de Bourgogne, Vigan-Braquet et du Lomont, d'éléments importants du Génie et d'artillerie. A la droite de la 2, la 9e D.I.C. (gl Magnan) attaque dans une ligne parallèle à la frontière suisse et doit s'ouvrir une route vers le canal Rhin-Rhône. Pour ce faire, la 9 reçoit le renfort des 6e R.T.M. , 9e Zouaves, la demi-brigade Auvergne, le C.C.2 de la 1ère D.B., le Régiment colonial de Chasseurs de chars, un bataillon de mortiers chimiques (au phosphore blanc) américain, trois groupes de 105 mm et deux compagnies de Génie supplémentaires. La jonction avec le IIe corps est primordiale et le 1er spahis algériens, le 19e Chasseurs à pied, de nombreux bataillons F.F.I. sont dévolus à cette tâche. Sont gardés en réserve de Corps d'armée, le 1er G.T.M. et le C.C.6 (5e D.B.). L'appui d'artillerie est fourni par 10 groupes d'artillerie allant des 240 mm aux canons des F.T.A.. L'appui aérien est fourni par le 1er Corps aérien français (gl Gérardot) épaulé par plusieurs formations américaines. En réserve d'Armée, De Lattre a gardé "sous la main", le 2e G.T.M., le 4e R.T.T., le 7e R.C.A., et surtout le reliquat de la 1ère D.B. prête à marcher en préavis d'une heure. 6 groupes chirurgicaux sur les 8 que comptent l'armée sont prêts. Les compagnies lourdes de Matériel et de Réparations s'échelonnent sur la route Baume-Besançon-Dole, prêtes à pousser en avant. Difficile de cacher tous ces mouvements aux Allemands et difficile aussi de déplacer ces milliers d'hommes et de véhicules jusqu'aux lignes de départ, et pourtant. Il pleut sans discontinuer, il neige parfois. Le 9 novembre, le Doubs et ses affluents entrent en crue, des ponts sont emportés. Le 13 novembre, au matin prévu pour l'offensive, c'est un paysage nordique que dévoile le jour. La neige tombe sans arrêt, la visibilité est nulle. Churchill qui visite ce jour là le P.C. de De Lattre l'interroge : "vous n'allez tout de même pas faire attaquer par un temps pareil ?". L'attaque est reportée. En face, les Allemands ont fait la même analyse et s'apprêtent tranquillement à prendre leurs quartiers d'hiver. La 338.volksgrenadierdivision (gl Oschmann) tient un front de 30 kilomètres et incorpore des renforts qui lui arrive de l'arrière. Expliquons pourquoi nous retrouvons cette 338.division. Comme en 1914-1918, les Allemands ne recomplètent pas une division en phase d'être détruite, ses survivants passent à une division voisine. Son Etat-major sur un autre point du front reconstitue une autre division et ses régiments avec les mêmes numéros à partir de Kampfgruppen. La 338.infanteriedivision a été anéantie à Montélimar, anéantie dans les Vosges, aujourd'hui elle est dans le Jura, mais ce ne sont pas les mêmes soldats.

Le 14 novembre, le temps s'est un tout petit peu amélioré, le ciel est gris et chargé de nuages. Une pâle éclaircie se dessine et deux appareils d'observation peuvent prendre l'air. L'artillerie pourra être guidée.

11H20, un bombardement d'une violence inouïe se déclenche sur la tête des Allemands totalement surpris. Il va durer une heure. Le gl Oschmann en tournée aux avants-postes ne comprend pas, il a lu les ordres de De Lattre ordonnant l'attaque sur les Vosges. Il va comprendre rapidement lorsque sur lui arrivent les Tirailleurs du 8e R.T.M.. Une rafale et Oschmann est tué, son escorte lève les bras. Dans les poches de son aide de camp, les ordres et le dispositif de la 338.division. Comme prévu le 8e R.T.M. est en tête au centre de l'attaque commencée à 12H00. Toute la 2e D.I.M. s'engouffre sur un front de 10 kilomètres. Vont rivaliser de courage les Tirailleurs et les Spahis marocains, les bataillons du Régiment de Bourgogne, de Corrèze-Limousin, le Bataillon Vignan-Braquet, plus au nord Spahis et Tirailleurs rivalisent eux aussi.

La 9e D.I.C. a lancé son attaque à 14H00, mais pour elle la surprise est manquée et le brouillard n'est pas entièrement dissipé. Magnan ne lance en avant que le groupement Salan avec le 6e R.I.C., la demi-brigade d'Auvergne, un escadron de Tank Destroyer, un groupe d'artillerie et une compagnie du Génie. Les autres démarreront demain. Les jeunes Marsouins du 6e enlèvent le village d'Ecot malgré la résistance acharnée de l'ennemi qui perd là un bastion important de ses défenses. Ecot va être le théâtre de combats nocturnes farouches où les Allemands parviennent au coeur du village pour y être rejetés par le P.C. du 6e Colonial. Revenant une seconde fois à la charge, ils sont rejetés encore une fois en arrière. Localisés avec précision, les attaquants sont attaqués par deux groupes de l'artillerie coloniale du Maroc (R.A.C.M.). Dans la foulée, les Coloniaux s'emparent de Villars-sous-Ecot, de Vermondans, nettoient les Grands Bois avec le C.C.3.. La route Pont-de-Roide-Clerval est dégagée.

A la nuit tombée, l'attaque du Ier corps a ébranlé le front allemand sur 15 kilomètres. En certains endroits, la percée atteint 5 kilomètres de preofondeur. L'ennemi ne veut pas croire encore que c'est la grande offensive française. Weise en doute et envoie devant la 2e D.I.M. uniquement deux bataillons prélevés sur deux divisions en réserve.

Le 15 novembre, le centre et la droite de la 9e D.I.C se mettent en mouvement sous un temps toujours aussi difficile. A 10H00, pour son baptême du feu, le 9e Zouaves attaque Ecurcey. Traversant le barrage d'artillerie, traversant les champs de mines, à 15H30 le 1/9e Zouaves qui perd 39 tués et 69 blessés prend le village. A sa gauche, le 2/21e R.I.C. s'empare de Bourguignon. A la droite, le 6e R.T.M. est aux prises avec un ennemi adossé à la frontière. Impossible de faire donner l'artillerie, des obus risquant de s'égarer en Suisse. Les Marocains sont refoulés. Au nord du Doubs , l'action de la 2e D.I.M. et du C.C.4 est déterminante : Gémonval, Arcey, Echenans, Desandans sont enlevés. Mais pour le bois du Chanois, c'est plus dur et le C.C.5 y perd son chef le cl Desazars de Montgaillard. Le 5e R.T.M. quand à lui refoule l'ultime réserve de la 338.division, une compagnie de cyclistes et un bataillon accouru des Vosges. Au soir du 15 novembre, seuls résistent les bunkers de la frontière. Partout ailleurs "la situation est excellente" selon De Lattre.

Le 16 novembre au matin, c'est au tour des blindés du Ier Corps de foncer. Le long de la route Besançon-Héricourt-Belfort, le C.C.4 attaque. Sa progression entraîne le déblocage de la 2e D.I.M. qui progresse de 5 kilomètres. Il est rejoint par le C.C.5 qui attaque Sainte-Marie. Chaque maison est un îlot de résistance qui ne succombe qu'avec le dernier défenseur. A 16H00, c'est fini. Le C.C.5 se dirige alors vers Montbéliard et rejoint le 5e R.T.M. qui a progressé à travers la forêt. L'artillerie du Corps d'armée s'en prend au fort qui surplombe le mont Bart. Le C.C.3, dans la boucle du Doubs, progresse lui aussi et s'aligne avec le 6e R.I.C.. Le 2/9e Zouaves atteint Roches-les-Blamont. Le 2/23e R.I.C a suivi le mouvement et liquide les derniers bunkers sur la frontière qui bloquaient le 6e R.T.M.. Partout les Français progressent. La 2e D.I.M. avance sur la Lisaine en direction d'Héricourt et Montbéliard et doit pousser au maximum sur la RN 83 en direction de Belfort.

Héricourt, c'est une des clés de la défense de Belfort. Pour les Allemands, il faut tenir impérativement cette position sous peine de voir leurs défenses débordées. Sur Héricourt arrivent deux bataillons de la 189.infanteriedivision, deux bataillons de mitrailleurs, trois compagnies anti-chars, quatre bataillons du Génie transformés en fantassins, et tout ce qui traîne dans la région y compris le bataillon rassemblant les sourds de la Werhmatch (Ohren-bataillon). Leur résistance va être acharnée. Il faut la journée du 17 novembre au 8e R.T.M. soutenu par le C.C.4 appuyés par 2 pelotons du 1er Cuir pour entrer dans Tavey sur la route d'Héricourt et prendre le pont sur la Lisaine. Le 2/R.M.L.E entre à Héricourt, les Allemands refoulés, écrasés, s'effondrent, leurs survivants s'enfuient vers Belfort.

Partout les Allemands reculent. Les villages de Saint-Valbert, Bussurel, Béthoncourt, Luze, Faymont, Lomont sont repris. Le fort du mont Bart est enlevé par le 5e R.T.M. qui atteint ensuite la cité ouvrière de Saint-Suzanne. Il est 17H00 et Montbéliard est là, devant. Le colonel Piatte force la chance et son 5e R.T.M. fonce avec deux escadrons du 1er Chasseurs. Les F.F.I. locaux (groupe des pingouins) n'attendaient que cet instant pour empêcher les Allemands de faire sauter les ponts. La nuit est tombée mais les derniers nazis qui cherchaient à se cacher sont pris au piège.

La 9e D.I.C. sur la droite de la progression n'a pas voulu rester en arrière. Les dernières résistances sur le Doubs ayant été liquidées (23e R.I.C et C.C.3), la division attaque Bondeval puis Hérimoncourt (9e Zouaves). Le R.I.C.M. et le C.C.2 ont du mal à suivre mais rejoignent les Zouaves pour prendre Vaudoncourt, Seloncourt et Dasle.

La région industrielle de Héricourt-Montébéliard est libérée ainsi que les cités ouvrières Peugeot de Hérimoncourt, Soloncourt et Valentigney. Le front est désormais fixé au delà de ces agglomérations. Objectifs suivants : Belfort et ses forts et le Rhin.

Trois groupements marchent sur Belfort. C.C.4 , 8e R.T.M., 1er G.T.M. sur la RN 83 (Schlesser), C.C.5 et 5e R.T.M., suivent le canal Rhin-Rhône (D'Oléon). C.C.6 avec les Commandos d'Afrique et les Chocs débordent par le nord (Chappuis). Nous sommes le 18 novembre.

Le groupement Schlesser est bloqué par le fort du Vauquois et les bois de Salamon. Les bois sont rapidement conquis par le 8e Tirailleurs, mais le fort résiste à tous les assauts et ne se rendra que le 21 novembre. Le groupement D'Oléon marche jusqu'à la rivière Savoureuse dont les ponts sont coupés mais en passant il a libéré Sochaux. La rivière en crue est franchie par le 1/5e Tirailleurs qui enlève le village de Brognard et poursuivra le 19 sur Allenjoie mais là aussi la progression est stoppée par un fort, celui du bois d'Oye qui tiendra jusqu'au 21. C'est le groupement Chappuis qui va enlever la décision. Avec les pires difficultés dans les bois de Saulnot, les Tirailleurs arrivent à forcer le passage de la Lisaine, dans lequel s'engouffrent le C.C.6 et les Commandos. Le 19 novembre, le groupement est à Chalonvillars, la banlieue de Belfort. Chappuis connait bien la région, il y a commencé sa carrière militaire. A partir de 21H00, les Commandos harcèlent le fort de Salbert jusqu'à 03H00 jusqu'à ce qu'ils arrêtent. Tout se tait et se rendort au coeur de la nuit. Le Commando Bouvet vers 04H00 à l'escalade montent les pentes du fort, surprend les sentinelles qui somnolent et capture la garnison. Un vrai travail de commando. Bouvet lance une compagnie dans la ville par les faubourgs y semant la confusion. La réaction allemande est immédiate, les Commandos se retirent et forment un point d'appui. Vers 15H00, les chars du C.C.6 arrivent couverts du Bataillon de choc. C'est le rush sur Belfort. Le premier char saute, mais les autres poursuivent rejoignant les F.F.I.. Au soir du 20 la partie nord-ouest de la ville est libérée. Dans la nuit du 20 au 21, les Commandos continuent leur avance. Vers 05H00, ils capturent les boulangers de la Werhmacht qui cuisent tranquillement leur fournée. Les stocks importants de vivres et de fournitures diverses sont capturés. Les combats de rue se font de plus en plus violents. A 09H20, la Kommandantur est enlevée, la préfecture libérée. Les derniers défenseurs de la vieille ville s'enferment dans la château. Des Allemands résistent encore dans les anciennes fortifications et le 4e R.T.M. et le 3e R.S.M. éprouvent les pires difficultés à nettoyer la ville. Belfort ne sera considérée comme entièrement libérée que le 25 novembre avec la fuite des derniers Allemands menacés d'encerclement.

* voir le lexique pour les abréviations

La route du Rhin

Sur la droite de l'Armée, le C.C.2 est arrivé le 18 au matin au delà d'Hérimoncourt. Du Vigier l'oriente vers Morvillars. Le but, empêcher les renforts allemands d'aller vers Belfort. Le C.C. Kientz rencontre une forte opposition au delà de Meziré devant Morvillars où il est bloqué. La solution viendra d'encore plus à droite où une colonne (cdt Barbier) enlève Montbouton, Beaucourt, Badevel, Fesches-l'église, entre dans Grandvillars. Une autre colonne (cl Le Puloch) s'empare de Croix, Saint-Dizier, Lebetain et arrive devant Delle. Un peloton à pied du R.I.C.M. entre dans la ville, le coin fourmille d'allemands. Les Zouaves viennent prêter main forte aux Marsouins et à leur 3 canons de 57. Le fossé anti-char creusé autour de la ville comblé, les chars entrent en scène. 250 prisonniers sont capturés. Le Puloch ne s'en contente pas et lance les gars du R.I.C.M. sur Faverois, Courtelevant, Suarce et Jocherey. La progression atteint 30 kilomètres.

A Morvillars, les combats continuent, les Zouaves s'avancent jusqu'à 300 mètres de la ville mais subissent un feu incessant de la Flak et de Minen. C'est par le nord que Morvillars est débordé mais pas envahi.

A la droite, trois groupements marchent vers le Rhin éclairés par des détachements du 3e R.C.A et du R.I.C.M. Le groupement du lt-cl de Lépinay marche vers Kembs, le groupement du cdt Gardy marche sur Rosenau, le groupement du cdt Dewatre marche sur Ferrette. C'est le groupement Gardy qui va "gagner la course". Le R.I.C.M. commence par enlever le village de Seppois (premier village alsacien libéré). Les accrochage se poursuivent à Bisel, Feldbach, Waldenghoffen. A chaque fois, les Allemands surpris décrochent après avoir subi des pertes et perdus des dizaines de prisonniers. La colonne arrive à Jettingen. A la charge ! A toute vitesse, un peloton (lt de Loisy, tué à Mulhouse le 23 novembre) de 5 Sherman et une section du 1er Zouaves fonce vers l'est. Helfranzkirch, Kappellen, Bartenheim, 6 kilomètres encore. Rosenau, puis le Rhin est là à 500 mètres derrière un rideau d'arbres, 15 nouveaux prisonniers stupéfaits. L'Armée française est sur le Rhin ! Il est 17H30. Dans la nuit, les habitants surpris regardent passer avec étonnement cette colonne blindée. Lorsqu’ils s'aperçoivent que ce sont des chars français, c'est une joie délirante et ils font au détachement un accueil inoubliable.
Il commence à faire nuit, Gardy prévenu du succès de de Loisy, fait allumer les phares de tous ses véhicules et arrive avec le gros du groupement. Il est 19H30, ce 19 novembre 1944, le Rhin est atteint par les Français et ils sont les premiers de toutes les armées alliées. Le 2e groupe du 68e d'artillerie met en batterie quelques pièces et envoie les premiers obus sur l'Allemagne. Les deux autres groupements débordent par la route dégagée et atteignent la zone de Kembs et le sud de la Harth. Prochain objectif Mulhouse !


L'arrivée sur le Rhin

Mulhouse

Ne pas laisser les Allemands se reprendre. Du Vigier donne de nouvelles directions à ses Combat-commands. C.C.2 sur Dannemarie, C.C. 1 sur Altkirch, C.C. 3 sur Mulhouse et l'Ile Napoléon. Le R.I.C.M. en reconnaissance du C.C.3. Le R.C.C.C. et des éléments des 3e et 4e R.C.A. en couverture. En réserve le 2/6e R.T.M.. Le 20 novembre, 13H30, les Combat-commands démarrent, à 16H00 le C.C.3 est aux limites de l'agglomération mulhousienne. Les villages de Batteheim, Sausheim, Baldersheim sont repris coupant les voies de retraite des Allemands. L'entrée du groupement de Gardy par Riedisheim va semer la confusion chez l'ennemi qui se réfugie dans les nombreuses casernes. La ville est grande. Les F.F.I. du cdt Winter-Daniel se joignent aux combats et le nettoyage commence. L'immeuble de la Feldpost est pris avec ses 80 ennemis. Puis c'est au tour de la caserne de police, puis la caserne Coehorn. Mais les Allemands de la caserne Lefebvre ne se rendent pas. Les groupements Lépinay et Dewattre aussi sont entrés en ville. Les Allemands contre-attaquent à Batteheim avec une dizaine de chars. Le R.C.C.C. et le R.I.C.M. reçoivent le renfort des Zouaves et de Sherman, et la contre-attaque avorte. L'histoire retiendra ce 20 novembre 1944 comme la date de la Libération de Mulhouse alors que des points de résistance subsistent encore. La caserne Lefebvre tiendra jusqu'au 22.

Le C.C. 1 rencontre de plus fortes résistances encore. Les localités deVellescot, Suarce, Hirsingue, Wittersdorf sont reprises. Le 21 novembre, des chars Panther et la 30.waffen.S.S.division font leur apparition et l'affaire promet d'être rude devant Altkirch. Des Shermann flambent. Mais des Français ont réussi à contourner la ville et prennent l'ennemi à revers. Il s'enfuit.

Le C.C.2 se porte sur Waldighoffen pour aller à Mulhouse quand apparaissent sur la route de Delle à Bâle des commandos allemands accompagnés de chars lourds. Le ravitaillement des 3 C.C. est menacé, il sera même coupé une journée entière. Marche arrière pour le C.C.2 qui doit opérer le nettoyage de la zone et rouvrir la route.

Que s'est il donc passé pour que l'ennemi reprenne une route libérée par toute une division blindée ?

carte du rhin
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La carte montre bien les positions des Français.Il est nécessaire de revenir en arrière pour comprendre la manoeuvre de Wiese. Entre la large poche tenue par les Allemands (avec Dannemarie au centre) et la frontière suisse, il n'existe qu'un mince corridor et couper ce corridor suffirait à bloquer le ravitaillement des 3 C.C. à l'est. C'est l'échec de la 5e D.B. sur Cernay qui va entraîner cette menace.

La mission de la 5e D.B., le 20 novembre est de se porter en avant sur l'axe Fontaine-Cernay après avoir franchi l'Allaine à Grandvillars et Morvillars. C'est la première fois que la 5e D.B. intervient dans sa globalité. Jusqu'à présent ses détachements ont combattu au sein d'autres groupements mais jamais ensemble. L'optimisme est de rigueur. Un groupement (cl Miquel) constitué du 1er R.E.C., d'une compagnie du R.M.L.E., d'une section du Génie et d'un escadron du 1er Chasseurs doit se porter dans la région de Fontaine-Foussemagne, rétablir le passage sur le canal et continuer vers Cernay-Neuf-Brisach. Derrière ce groupement, le C.C 5 doit verrouiller les directions de Giromagny et le Ballon d'Alsace. Le C.C. 4 doit suivre la RN 83 jusqu'à Cernay, et le C.C. 6 doit partir vers Bernwillet et Wittelsheim. La résistance de la 198.infanteriedivision descendue des Vosges va contrecarrer tous les plans. Des blindés et canons d'assaut de la 5e D.B. sont démolis devant un canal où tous les ponts sont détruits. Un peloton de la 3e/R.M.L.E. se jette dans l'eau froide et à la nage traverse le canal, fait plusieurs prisonniers, et entre à la mairie de Montreux, il lui reste 30 hommes. Une contre-attaque allemande de 2 bataillons contraint les Légionnaires à se replier, ils ont perdu 34 tués et disparus. Le blocage du groupement Miquel se répercute sur toute la division. L'embouteillage atteint un maximum. L'avance ne se fait plus que par à-coups d'autant que se présente le C.C. 2 retiré de l'attaque sur Mulhouse. Les champs sont détrempés, impossible de quitter les routes. De Lattre improvise en donnant priorité à la 5e D.B. au détriment de la 1ère D.B.. Le 21 novembre, la situation ne s'améliore pas, le C.C 5 piétine toujours devant un ennemi installé en force. Le C.C. 4 ne progresse pas non plus. Le renfort du C.C.2 permet toutefois de s'emparer de la route Delle-Saint-Louis (RN 463) malgré la menace des Jagdpanther et d'un régiment allemand. Les Français sont bloqués devant Faverois.

Nous avons laissé le IIe corps en position dans les Vosges avec pour mission de tenir la ligne tout en se montrant pressant. Le 19 novembre, le IIe Corps reprend sa marche en avant. Il ne comporte plus que la 1ère D.F.L., la 3e D.I.A. et des éléments F.F.I.. L'ensemble compte sur le Ier corps US à sa gauche. Les renseignements laissent penser que les Allemands sont en train de décrocher pour se porter en avant du Ier Corps français dans la plaine. Le Corps-franc Pommies et le 1er Régiment du Morvan se portent sur Le Thillot et Miellin. Le R.C.T. 2 s'avance sur le col de Chevestraye, il est vide. Le R.C.T 3 s'empare de Plancher-les-Mines . Le 20 novembre, si l'avance reste minime, elle permet à la D.F.L. de s'aligner sur la 2e D.I.M. positionnée autour de Belfort. La D.F.L. perd ce jour là son chef emblématique, le Général Brosset qui trouve la mort dans un accident de sa jeep tombé dans un ravin. Le général Garbay prend sa place. La 3e D.I.A a fait également quelques progrès en prenant le village du Tholy entièrement incendié par les Allemands. Même chose à La Bresse où le Régiment de Franche-Comté trouve le village en flammes et où les hommes ont été emmenés par les Allemands. La D.I.A. recueille les vieillards, les femmes et les enfants poussés dans nos lignes. Le général Wiese a ordonné dans les Vosges, la terre brûlée, exécutée avec zèle par ses subordonnés.

Le 20 novembre, le 2e R.S.A.R., le 3e Bataillon de France-Comté et le Bataillon de l'Aveyron entrent à Gérardmer. 8 000 habitants y survivent après les destructions allemandes (gl Schiel). Gérardmer est détruit à 85 %. Le 3e R.T.A avance dans la vallée de Rochesson. Le 21 novembre, le 2e Spahis entre dans les ruines de Longemer. Partout la XIX° armée allemande a décampé après avoir commis une multitude de destructions et massacré de nombreux habitants.

Le gl Wiese espère couper les troupes françaises de Mulhouse et du Rhin du reste de la Première Armée en coupant la route Delle-Bâle vers Courtelevant. Il a retiré de Vosges les 198 et 269.infanteriedivisionen, refondu la 30e Waffen S.S., incorporé une brigade entière de Jagdpanther venue directement des usines, limogé une foule de généraux renvoyés en Allemagne. Le tout forme le 63.Armeekorps (gl Schalk) qui attaque le groupement Miquel à Montreux (voir ci-dessus). Ce ne sont donc pas des incidents locaux auxquels se heurtent les Français mais bien à une attaque en force. Les Allemands s'installent à Chavannes, Chavanattes,Veleescot, malgré la résistance obstinée du R.C.C.C. et du 1/6e R.T.M.. Les Allemands reprennent Suarce et Lepuix. Schlesser fait charger 5 chars du 1er Cuirs tous phares allumés, des Légionnaires du R.M.L.E.accrochés aux structures. La route de Courtelevant et de Réchésy est dégagée. Le 22 novembre les Français contre-attaquent. Lepuix et Suarce sont repris (C.C.4 et C.C.5). Le 9e Zouaves reprend Chavannes et Chavanattes.

La 30.Waffen S.S. a attaqué Friesen avec trois Jagdpanther et il faut toute la détermination du R.C.C.C. et du 1/6e R.T.M. pour reprendre le village. Si la journée du 22 novembre n'a pas apporté aux Français de succès déterminants, l'action de la XIX° Armée allemande a été limitée, elle a perdu 200 tués, 720 prisonniers et 7 chars neufs. La 5e D.B. a perdu 49 tués, 139 blessés et 4 chars. Wiese ne renonce pas et lance deux régiments de chaque coté de Friesen. Le 6e R.I.C. contre-attaque. Il est rejeté par les mitrailleuses lourdes et les panzerfaust allemands. La RN 463 et le RD 24 sont de nouveau coupées. Partout la résistance allemande est féroce. Les routes du Rhin sont une nouvelle fois coupée, le ravitaillement et les renforts sont une nouvelle fois bloqués.

Le 24 novembre, Béthouart établit comme priorité la liberté de circulation. Sur la RN 463, l'action est confiée au C.C.4 qui arrive facilement à Seppois d'où il continue vers Altkirch en vue d'attaquer Dannemarie. Dans ses chenilles marchent le 152e R.I. et deux bataillons du Groupe Mobile d'Alsace. Sur la RD 24, un barrage d'artillerie commence sur les Allemands. Le 2/6 R.I.C n'a pas plus de succès que la veille. Cachés dans les arbres, les Allemands mitraillent les Marsouins et les F.F.I. de la brigade du Languedoc qui les épaulent. La progression s'en trouve ralentie. A 11H30 , la route Nationale est malgré tout libérée sur laquelle s'engouffre les renforts destinés à Mulhouse. 300 survivants du 30.infanterieregiment se réfugient en Suisse où ils sont internés. La libre circulation sur les routes qui mènent au Rhin est rétablie.

Mulhouse connait également quelques "frayeurs". Deux coups de mains allemands ont été refoulés avec difficulté. Un résistant, chef de la gare de chemin de fer de Grunhutte (Mr Eugène Maurer) au péril de sa vie continue à informer les Français sur les mouvement des Allemands. Trois trains de troupe et de matériel sont arrivés à Chalempé et sont positionnés pour prendre Mulhouse en tenaille. C'est le CC.2 qui se charge de repousser les assauts de la brigade blindée Feldhernahalle et des 3 bataillons des 2e S.S.Erzatzbataillon et Kampfgruppen Diemer. Le C.C.3 est lui aussi attaqué, il réussit à se maintenir à Lutterbach, évacue Heimsbrunn mais reprend Morschwiller. Les Français ont réussi à tenir leurs positions.

voir les unités de la Première Armée Française

Le 23 novembre, les troupes françaises et américaines entrent au camp d'extermination du Struthof/Natzweiler. Mais ils est vide depuis début septembre, 5 000 déportés ont été emmenés par leurs geôliers à Dachau, des centaines ont été tués les derniers jours d'août. Ce n'est que le début de la découverte des horreurs des camps pour nos jeunes soldats alliés. Sur le front de l'ouest, le premier camp encore occupé par des détenus est celui d'Ohrdruf, dépendant de Buchenwald, libéré le 5 avril 1945. Des photos montrent le gl Eisenhower, le gl Patton et le gl Bradley en train de regarder les cadavres des prisonniers mitraillés. Selon Eisenhower, Patton refusa de visiter le réduit utilisé pour les punitions parce qu'il craignait d'en être malade. De fait, il vomit peu après. Quelques jours après c'est Buchenwald. C'est après Ohrduf que Eisenhower a écrit une phrase qui restera célèbre "on nous dit que le soldat américain ne sait pas pourquoi il combat. Maintenant, au moins, il saura contre quoi il se bat".

Cette page est en partie mon concentré personnel du livre du Maréchal De Lattre de Tassigny : "Histoire de la Première Armée Française" auxquels sont ajoutés des renseignements fournis par d'autres ouvrages.


La bataille de France



La Libération de l'Alsace