1798 : TOUT FRANÇAIS EST SOLDAT ET SE DOIT A LA PATRIE

En vertu de ce grand principe, le 5 septembre 1798 (19 fructidor an VI), alors que des troupes françaises sont en route vers l’Égypte, la loi Jourdan-Delbel organise de façon plus précise : le recensement, le conseil de révision, le tirage au sort, le remplacement, la durée du service (fixée d’abord à un an) pour tous les jeunes de 21 ans, le remplacement des punitions corporelles par des tribunaux militaires. Le droit de vote est attribué à tous ceux qui ont participés au moins à une campagne, alors que le vote est alors réservé uniquement à ceux qui paient l’impôt. Rapidement, la durée du service armé passera à 5 ans en temps de paix et sera illimité en temps de guerre. Les hommes mariés sont exemptés du service militaire armé et les historiens constatent une augmentation considérable de mariages. Les vieilles filles jusqu’alors délaissées retrouvent une chance.

Ce service militaire obligatoire crée une armée nationale et populaire en remplacement des régiments d’enrôlés plus ou moins de force, des régiments de mercenaires, des régiments étrangers soldés par un chef de guerre, constituant les armées de l’ancien régime. Ces mercenaires, soldés au plus offrant, qui changeaient parfois de camp entre deux campagnes. D’autres nations européennes, à l’exemple de la France, vont recourir également à la conscription. En réalité, les décisions prises dans la loi Jourdan-Delbel ne seront pleinement opérationnelles qu’en 1805. Et le service militaire universel ne sera réellement

«C'en est fini des armées de métier, formées de nobles et de mercenaires. Le peuple entier est appelé à mourir sur les champs de bataille. La Révolution égalitariste banalise un privilège jusqu'alors réservé à quelques-uns. Elle démocratise la gloire et le trépas» (René Sédillot, Le coût de la Révolution française).

A l’encontre des idéaux d’égalité prônés par la Révolution, l’institution crée 2 systèmes profondément injustes : la possibilité de remplacement (institué réellement en 1802) et le tirage au sort (institué réellement en 1804). Ce qui devait être un système égalitaire et universel va être aménagé

Le remplacement va se révéler très injuste puisqu’il autorise ceux qui peuvent payer un remplaçant, à échapper au service armé, lorsqu’ils ont eu la malchance d’être tirés au sort. Il va s’instituer un véritable marché des remplaçants, des intermédiaires en présentent toute une liste de disponibles. Certains remplaçants en feront vocation en effectuant plusieurs séjours. Ce n’est qu’en 1872, que le remplacement

Pour le tirage au sort, chaque homme en âge de porter les armes va réellement tirer au sort un numéro, lors d’une cérémonie au chef lieu de canton. Suivant les besoins en hommes, ce numéro peut vous envoyer au service ou vous en exempter. Ainsi si le canton doit fournir 107 hommes, les conscrits qui tirent les numéros 1 à 107 sont “bon pour le service”. Quelques numéros suivants sont mis en réserve si d’aventure les premiers tirés sont refusés au conseil de révision. Les numéros les plus importants sont libérés de toute obligation. Pour échapper aux mauvais numéros, les futurs conscrits font intervenir des entremetteuses qui vont implorer les saints ou un monde surnaturel, pratiquer des envoûtements à la limite de la sorcellerie. Tout ce rituel va perdurer jusqu’à la suppression

Pendant les guerres de l’Empire, même si le système continue, les besoins en hommes sont tels et le prix demandé par un remplaçant est si important, que beaucoup de numéros seront “bon ”.


Caricature de la conscription

Le conseil de révision qui suit n’est qu’une visite médicale rapide. Un médecin militaire examine l’aspect général extérieur du candidat et sa taille (1,56 mètre minimum en 1829). Les exemptions pour déficience, vraie ou fausse, sont cependant nombreuses. Les archives de 1872 nous indiquent qu’un tiers des conscrits a des problèmes physiques, 5% mesurent moins d’1,40 mètres, 9% sont rachitiques, 4% boiteux ou atteints de hernies, 3% bossus. Ces critères n’empêchent toutefois pas toujours de partir aux armées. On demande surtout aux hommes d’avoir des dents saines, pour déchirer la cartouche de poudre et de savoir marcher. Les pieds plats sont réformés. Car des marches, ils vont en faire ces soldats, 25 à 40 kilomètres par jour, sac au dos. Mais ce que les chroniques appellent routes n’ont qu’un lointain rapport avec celles que nous connaissons. Le macadam ne sera utilisé qu’à la fin du XIX° siècle et ce sont des chemins empierrés qu‘empruntent les soldats lorsqu‘ils ne marchent pas sur les bas-cotés pour laisser le haut éaux carrioles et autres charrettes.

Ces conditions du choix des appelés n’empêchent pas la fête. Chaque tirage au sort est l’occasion pour ceux de la classe de se transporter en groupe à l’auberge, d’y boire beaucoup. Savoir boire est un signe de vitalité et de virilité. Cette notion de “classe” ira bien au delà de la période militaire. Tout au long de leur vie, les conscrits vont se rassembler par classes pour les fêtes locales et les filles ne sont pas oubliées. Dans beaucoup de régions, elles sont incorporées au groupe des jeunes gens du même âge comme conscrites ême si elles ne font pas de service militaire armé.

La France est, à l’époque, la nation la plus peuplée d’Europe occidentale avec 26 à 27 millions d’habitants (contre 9 millions à l’Angleterre) dont 23 millions de ruraux (85 %) dans lesquels les autorités vont puiser pour pouvoir mobiliser un grand nombre d’hommes. Ce nombre sera longtemps supérieur à chacun des pays voisins. Ceux-ci devront s’allier entre-eux pour que leurs troupes égalent en nombre l’ ée française.

Le grand souci stratégique des généraux de la Révolution puis de Napoléon sera de combattre tour à tour et vaincre ces diverses armées ennemies avant qu’elles ne se rejoignent. Faute d’une tactique plus élaborée, c’est souvent le nombre de baïonnettes, de sabres et de canons à opposer à l’ennemi à un moment donné, écis qui détermine la victoire.


Conseil de révision

La Révolution qui tente de s’exporter dans le reste de l’Europe mobilise d’autres hommes dans les pays nouvellement conquis au fur et à mesure des victoires. En Belgique, en Hollande, en Prusse, toute ’hommes sont requis.

Les souverains étrangers vont s’apercevoir qu’une armée populaire dotée d’un idéal, même mal entraînée (l’instruction militaire s’effectue en marchant ou à la halte), mal équipée (beaucoup d’hommes combattent encore dans leur tenue de travail), mal armée d’un fusil dangereux à manipuler, peut battre en rase campagne des soldats professionnels. La France s’apercevra un siècle plus tard, lors des guerres de décolonisation que sa propre armée sera défaite par ce même ’armée.

Nos soldats vont parcourir l’Europe à pieds, mal vêtus, mal chaussés de chaussures basses où il n’y a ni pied droit ni pied gauche (l’un des fournisseurs deviendra célèbre, Mr Godillot qui ne peut fournir ses chaussures à tous les soldats en temps utile) ; soldats mal nourris. Il faut souvent s’approvisionner sur le terrain en pillant les populations locales ; soldats mal soignés pour ne pas dire non soignés. L’intendance ne suit pas. Les fournisseurs s’enrichissent sur le dos de l’armée, mais ne fournissent pas ce qui est nécessaire à une armée en campagne. ébalbutiant.

Quand les fournitures ne sont pas volées en cours de route, ce ne sont que des quantités insuffisantes qui parviennent aux armées. Alors les soldats vont devoir se débrouiller. Les pays conquis sont mis à contribution et lorsque ces mesures ne suffisent pas, les soldats pillent les villes et villages traversés. C'est un usage courant pour l'époque pour toutes les armées


Les godillots

Nos soldats vont dormir à la belle étoile, été comme hiver, dans leur manteau ou leur couverture, auprès d’un feu de camp. Quel bonheur quand on peut dresser une tente. Quel luxe lorsque l’on peut occuper une grange ou une maison en ruines, et trouver de la paille tient du miracle. La tente pour 7 ou 8 dans laquelle on ne peut se tenir debout est un luxe qu'il est rare de pouvroir utiliser. Mais faire la soupe est une obsession. Diététique, équilibre alimentaire, qualité des produits, sont inconnus. La soupe est faite avec tout ce que le soldat ramasse. Tout finit au fond d'une marmite. Et plus c'est épais, plus c'est copieux, si la cuillère tient debout, mieux c'est, car demain ! Demain, il faudra marcher de nouveau. Pour aller où, le soldat ne le sait pas. Ils sont bien peu à savoir lire une carte (même chez les sous-officiers). Les noms des villes et villages qu'ils traversent leurs sont totalement inconnus et parfois même le nom des àfaire, marcher.


Les levées de 1793



Les campagnes militaires