5 septembre 1944 : D'autres Canadiens arrivent, ceux du service des affaires civiles canadiennes pour aider au rétablissement des services administratifs et ravitailler les populations libérées. Ils s'installent à la mairie déplacée depuis le 19 août 1942. Elle est maintenant installée dans le collège de jeunes filles, rue Victor Hugo. Le collège sera hébergé pendant plusieurs années dans divers locaux privés et publics.

Les services hospitaliers réintrègrent leurs locaux Avenue Pasteur abandonnés par les services allemands. Ceux-ci ont construits au coeur de l'hopital un énorme blockhaus qui va gêner pendant de longues années les travaux d'aménagement.

 

coll.J.D.

Le collège de jeunes filles devenu la mairie
 
   

 Après avoir libéré Dieppe, la Deuxième Division d'infanterie Canadienne a repris sa marche qui va l'emmener au coeur de la Hollande

Pour la marche des Canadiens

(voir cartes)

 Le Havre est libéré le 12 septembre, Brest le 17 septembre, Boulogne sur Mer le 21 septembre, Calais le 2 octobre. Les garnisons de La Rochelle, Lorient et Saint Nazaire ne se rendront qu'après le 8 mai 1945. Toutes ces villes sont en ruines après des bombardements massifs et des combats farouches. Dieppe et ses habitants auraient-ils eu de la chance ? Chance que les autorités locales aient envisagé le pire en créant des abris, chance que ces mêmes autorités (1) soient demeurées à leur poste, chance d'avoir été à l'écart des grandes migrations de population lors de l'Exode, chance de ne pas avoir été défendue par les Alliés en 1940, chance de ne pas avoir abrité de base navale allemande, chance ne pas avoir été occupée par des unités S.S., chance que le terrain d'aviation soit loin de la ville, chance de ne pas avoir été défendue par les Allemands en 1944 ! Quand on sait le sort des villes de Rouen et du Havre, disons que ses malheurs paraissent moindres.

L'eau, l'électricité, le téléphone sont rétablis dans une partie de la ville. Le black-out est maintenu entre 22h et 6h.

7 septembre 1944, arrivée des premiers navires alliés avec du ravitaillement malgré les épaves qui gênent l'entrée du port. (2).

 

La chambre de commerce

collect. A.Manoury

 
 

  

 

(photo informations dieppoises)

 25 septembre, le journal local parait sous un nouveau nom : Les Informations Dieppoises (le titre est toujours en vente aujourd'hui). Ce premier numéro revient sur les événements du 1er septembre mais aussi sur les obsèques le 9 septembre à l'église Saint Jacques de résistants tués en forêt de Croixdalle.

2 octobre, rentrée scolaire dans quatre écoles et deux collèges, mais pas toujours dans leurs locaux (3). Les autorités improvisent. Comme la S.N.C.F. qui reprend ses liaisons avec parfois l'aide des compagnies d'autocars. Par des chemins détournés, les liaisons avec le Havre s'effectuent de nouveau. Fin octobre 1944 : la ligne de chemin de fer pour Paris par Pontoise est rétablie. D'autres petites lignes locales sont remises en service.

Le 6 octobre, le maire Pierre Biez est confirmé dans ses fonctions par le Préfet. C'est Mr Biez qui recevra avec le sous-préfet, l'ambassadeur du Canada en France venu se rendre compte des besoins de la ville. Une ville dont les commerces rouvrent. Comme certaines boutiques ont été détruites, des locaux vacants sont réquisitionnés.

Le 24 octobre, installation du nouveau Conseil Municipal : maire : Pierre Biez, adjoints Robert Petit, Jules Pinsdez, Léon Leclerc, Jean Colas. A Neuville-lès-Dieppe, le maire déporté Jean Puech (dont on est sans nouvelle) est confirmé dans ses fonctions.

Lundi 9 octobre, ouverture de l'école des pêches rue de l'entrepôt (4). Réservé aux jeunes de 14 à 17 ans, l'école doit permettre de former des officiers pour les bateaux de pêche.

 

 Des listes de noms sont diffusés dans la presse, les noms de ceux qui sont distingués par les mouvements de Résistance pour leur appui, les noms des victimes quotidiennes des mines enterrées partout, les noms de ceux livrés à la justice pour leur activité en faveur de l'occupant, les noms de membres de la L.V.F., de la Milice, de la division Charlemagne.

L'avance des troupes alliés fait l'objet désormais d'informations plus conformes à la réalité connue aujourd'hui.

Le 17 novembre, on apprend l'arrestation à Paris pour "épuration" de l'ancien directeur de la Vigie, Monsieur Poullain. D'autres collaborateurs ou prétendus tels, sont arrêtés, leur nom est diffusé dans la presse (5). Ils seront jugés par des tribunaux civils mais aussi par des tribunaux militaires. Sont également arrêtés les trafiquants ou voleurs de matériel, de fournitures des Alliés. Les personnalités locales de la collaboration sont sévèrement frappées mais le sentiment reste que les membres nationaux le seront beaucoup moins. Pendant des mois les lettres de dénonciation vont continuer à arriver à la Police, à la Gendarmerie et à la Justice, bien entendues non signées.

Les F.F.I. s'installe à la caserne Duquesne. Fondation du 6ème bataillon de marche de Normandie qui reconstituera ensuite le 39ème Régiment d'infanterie.

Le 1er novembre 1944, Dieppe subit sa 830ème alerte aérienne. Ce sera la dernière. L'année 1944 a vu 53 victimes civiles. Dans la commune voisine de Rouxmesnil-Bouteilles qui a la malchance d'abriter une gare de triage, 23 civils ont été tués. Les consignes de Défense Passive doivent être rappelées, les Dieppois auraient-ils oublié que la guerre n'est pas terminée, l'obligation de camoufler les lumières dès la tombée du jour est fermement rappelée.

Décembre 1944 : une des priorités est de rétablir la liaison entre le centre ville, le quartier du Pollet et Neuville-lès-Dieppe. Le pont Colbert étant détruit, il faut aux piétons et aux voitures parcourir plusieurs kilomètres pour franchir les quelques mètres du chenal. Provisoirement, est élevée à l'entrée du bassin du Canada une passerelle de bois qui permet le passage des piétons. Par manque de crédits, on se contente de sauver ce qui peut l'être et de boucher les brèches des quais avec des sacs de sable. Le pont Colbert ne sera rouvert que le 13 juillet 1946. Le couvre feu est rétabli le 12 janvier de 22h30 à 5h sauf aux détenteurs d'un laissez-passer.

Les autorités tentent de donner un peu de joie aux enfants. Plusieurs arbres de Noël se déroulent. Le premier janvier lui ne donne lieu à aucune réjouissance.

p
 

 

coll.Guy Naze

 1945. Au début de l'année 1945, les armées alliés ont déferlé sur l'Europe occupée. Sur le front de l'est comme sur le front de l'ouest les gains territoriaux sont considérables. La France se doit de participer à la fin de la guerre et la classe 1943 est appelée sous les drapeaux. Appel est fait pour des engagements volontaires, soit pour la durée de la guerre, soit pour un contrat à durée déterminée. En avril, seront appelés les contingents 1940, 1941, 1942. Les autorités font appel également à des volontaires pour garder les soldats allemands prisonniers qui arrivent pour travailler.

Sur le front de l'ouest, la France est en majeure partie libérée, les Alliés sont en Belgique et en Hollande, ils ont atteints le Rhin et malgré la contre-attaque allemande dans les Ardennes, ils sont prêts à entrer en Allemagne. En Italie, les Italiens sont passés dans le camp des alliés qui après avoir libéré Rome, remontent vers le nord. La Grèce s'est libérée. Toute l'U.R.S.S est libérée, les armées soviétiques sont entrées à Varsovie et Sofia, en Roumanie, en Albanie et en Yougoslavie. Elles sont aux portes de Vienne, de Prague, de Budapest. Dans le Pacifique, les Etats Unis remportent succès sur succès, reprenant les îles une par une. Les bombardiers lourds B 29 bombardent le Japon en toutes impunités.

5 janvier 1945 : reprise de la ligne Dieppe Newhaven aux horaires encore chaotiques. Mais il manque des navires, le service est assuré provisoirement par le Dinard, le Victori, l'Ile de Guernesey, l'Ile de Tanit. 27 février 1945 : les transports urbains reprennent leur service.

31 mars, la ligne directe ferroviaire Dieppe-Rouen est rétablie après les réparations du tunnel de Saint Pierre. Mais le train s'arrête à Malaunay car les tunnels de Rouen ne sont pas réparés. Les horaires ne cesseront pas d'être modifiés en fonction de l'avancement des travaux de reconstruction des ouvrages d'art.

 Les prisonniers de guerre libérés par l'avance des alliés commencent à rentrer. Mais la population découvre également les horreurs des camps de concentration. Ainsi les rumeurs étaient donc vraies. Le 27 avril, Dieppe apprend la libération de 3 de ses enfants des camps de concentration, Alfred Lallement, Charles Pieters et Guy Conxicoeur (J'ai eu l'honneur de connaître Guy Conxicoeur, jamais il ne m'évoquera sa déportation, je l'apprendrai par des tiers).

20 avril : les premiers travaux de remise en état de l'éclairage public démarrent.

29 avril : élections municipales générales : 1er vote des femmes. A Dieppe, la liste de Mr Biez et 2 anciens prisonniers de guerre sont élus. A Neuville, c'est la liste de Jean Puech qui est élue.

8 mai : reddition allemande. Fin de la guerre en Europe. Les cloches sonnent à toute volée, les sirènes hurlent.

VICTOIRE titre les Informations Dieppoises du 11 mai. Mais la joie n'est pas totale, il manque beaucoup trop de personnes, les victimes civiles, les déportés, les résistants et les otages. Les autorités peuvent commencer à établir un bilan de la guerre : 207 civils tués, 117 résistants ou déportés tués. Mais le bilan n'est pas définitif car des militaires manquent à l'appel et d'autres qui rejoignent l'Armée de la Libération vont se faire tuer.

Pour fêter la victoire, des cérémonies sont improvisées, cérémonie au Cimetière des Vertus, défilé des troupes (la garnison de Tirailleurs Nord-Africains et la section de démineurs), retraite aux flambeaux  Les restrictions d'éclairage sont levées pour l'occasion.

 

 1) Citons : René Levasseur, Marcel Caseau, Jules Pinsdez, Pierre Biez, le docteur Maillard, soeur Deminière, soeur Jeanne, le docteur Lesieur, le docteur Douay, l'abbé Willig (aumônier de l'hôpital), la centaine de pompiers, les chefs de secteur, les chefs d'îlot et les membres de la Défense Passive, même si certains ont été nommés ou maintenus à leur poste par Vichy.

(2) Les Allemands entre 1941 et 1944 ont commencé des travaux de destructions de ces épaves. A la Libération, le travail n'est pas encore achevé.

(3) Michelet et Florian regroupées à Michelet, Desceliers, Louis Vitet et Fénelon dans un immeuble Place Nationale, Richard Simon et Sévigné dans le vieil immeuble rue Richard Simon, Jules Ferry dans la vieille école chemin des Vertus.

(4) Il s'agit plutôt d'une réouverture car l'école des pêches date de 1896 au même endroit.

(5) Je me garderai de citer d'autre nom que celui du directeur de la Vigie. Ces personnes ont été relaxées, amnistiées ou ont subi leur peine. Leurs enfants pourraient encore habiter Dieppe et ne sauraient être tenu pour responsable des "erreurs" de leurs parents.