1908 : France.

27-30 juillet : Graves incidents à Draveil et à Villeneuve-Saint-Georges entre grévistes et l'armée car chaque conflit social est réprimé fortement par les forces armées. À Draveil-Vigneux, un agent provocateur à la solde de la police provoque des incidents sanglants : l'Armée tire sur les manifestants et fait 9 morts et 56 blessés.

1908 : Mauritanie.

Depuis le début de l'année les Français ont perdu 3 officiers, 5 sous-officiers et 134 tirailleurs dans des combats mineurs. Entre chaque raid, les rebelles remontent vers le nord où les Français n'osent pas les poursuivrent. Gouraud ose. Il part avec 800 fantassins et 200 cavaliers dans l'une des régions les plus désolées du monde. Sa base arrière va se situer à 400 kilomètres. Les communications s'effectuent par coureurs. Parti en décembre du sud mauritanien, les Français parviennent le 9 janvier janvier à Atar (capitale de l'Adrar). Les combats vont durer toute la fin de l'hiver, le printemps et tout l'été. Les combats sont meurtriers. En septembre, les rebelles sont refoulés encore plus au nord et dispersés dans le désert.

1909 : Afrique saharienne.

Une colonne de 250 soldats et  300 supplétifs entre à Abéché, le Sahara est conquis. Du moins dans les esprits, car les tribus touaregs n’admettront jamais la tutelle de la France sur le territoire. En 1910, une colonne (cl Moll) est massacrée. En 1911, il faut l'intervention d'un régiment de tirailleurs sénégalais (Largeau) pour écraser la résistance.

1911 : France.

Un nouveau drame endeuille la Marine Nationale le 24 septembre. Dans la rade de Toulon, le cuirassé Liberté explose, les débris endommagent 3 autres grands navires. Les causes de la catastrophe resteront inconnues, certainement un incendie qui s’est propagé aux soutes à munitions. 300 marins disparaissent.

1911 : France.

Une tenue « réséda « est expérimentée au 106e d’infanterie. Elle est destinée à remplacer le pantalon garance et la veste bleue. Puis un compromis est expérimenté au 28e d’infanterie, vareuse réséda et culotte garance. Ces expérimentations sont sans lendemain. Les soldats entreront en guerre en pantalon garance et veste bleue.

1911 : Maroc

Les Allemands croient à une tentative de conquête du Maroc dont ils n'auraient aucune part. Ils proposent alors de fermer les yeux en échange de territoires. Devant l'obstination des Français, ils décident d'envoyer à Agadir, le 1er juillet un croiseur "le Panther" officiellement pour protéger leurs ressortissants. La tension monte et le 21, le Royaume-Uni s'interpose et se range du côté français alors que ces derniers refusent de céder. Un conflit armé semble inévitable. À l'automne, les Allemands décidés à entrer en guerre sont contraints de renoncer pour des raisons financières et le 11 novembre un accord est signé. L'Allemagne s'engage à laisser agir la France au Maroc. Cette dernière lui cède en compensation une partie du Congo.

Cela ne suffit pas à apaiser le Congrès pangermaniste allemand de Hanovre qui exige toute la Suisse, la France-Comté, le reste de la Lorraine, la Flandre-Française, l'Artois, la Belgique et la Hollande. Coment un pays comme la France peut-t'elle accepter ces revendications ? Comment croire également que le Kaiser Guillaume n'approuve pas ce congrès ?

1912 : Algérie.

Le 1er février 1912, un décret institue le Service militaire obligatoire pour tous les Algériens âgés de 19 ans, dans les mêmes conditions que pour les Français de métropole. Jusqu’alors le recrutement se faisait encore sous la base du volontariat.  De crainte que des incidents subviennent pour le premier appel de ces conscrits, des troupes sont envoyées de métropole.

De craintes d'incidents, aucune troupe issue d'Afrique n'est en garnison permanente en métropole. Seuls cinq bataillons venus de chacun des 5 régiments de zouaves sont en garnison à Paris et Lyon. 

1912 : Colonies.

Un décret rend le service militaire obligatoire de 4 ans pour tous les Africains de 20 à 28 ans dans les territoires contrôlés par la France.

1913 : France.

Après des débats houleux à la Chambre des Députés, mais devant les menaces de guerre, la durée du service actif est portée à 3 ans par la loi du 7 août 1913, plus 3 ans de réserve plus 7 ans en territoriale plus 9 an en réserve de territoriale. Cette loi donne à l’ armée française un complément immédiat de 117 000 hommes. L’effectif permanent des armées est ainsi porté à 850 000 hommes. Pour éviter de garder aux armées la classe 1911 qui a fait ses 2 ans et maintenir un effectif constant, les classes 1912 et 1913 sont incorporées coup sur coup.

Ces chiffres cachent mal une impréparation chronique de l’Armée française. Les classes sont alors de 6 mois, si bien qu’incorporer des hommes ne les rend pas immédiatement disponibles. Par ailleurs, les anciens sont libérés généralement au début de l’été par le jeu des permissions agricoles et les bleus sont incorporés en septembre ou octobre. Pendant 2 mois, l’armée est incomplète. Rappelons-nous qu’en 1914, la guerre sera déclarée début août.

Cette nouvelle loi de réorganisation porte à 22 ans la durée de disponibilité. Un Français peut ainsi être rappelé jusqu’à 43 ans.


Manœuvres

Ceux qui s’étaient couverts de gloire aux quatre coins du monde pour le bien de l’Empire vont devoir tout abandonner pour revenir en France. Mais qui étaient-ils ?

La Grande Histoire retient le nom des Amiraux, des Généraux et des Officiers supérieurs qui commandent ces expéditions. Elle ne retient bien entendu aucun nom des sans grades, volontaires de l’Infanterie de Marine, punis de l’Infanterie de ligne, Alsaciens et Mosellans (considérés comme suspects pro-allemands), marins des vaisseaux de guerre constitués en compagnies de débarquement. Ces soldats luttent jour après jour dans des conditions de vie épouvantables, face à une nature hostile, à la merci de la moindre fièvre, mal nourri, ne sachant pas si le paysan devant eux est ami ou ennemi. Ils finissent bien souvent leur vie au fond d’une forêt, au bord d’une rizière, au fond d'un ravin caillouteux, la tête tranchée par un rebelle, pour le bien de l’Empire. Trop souvent nous ignorons le nombre d’hommes engagés dans une expédition, le chiffre des pertes, le statut de ces hommes : engagés, volontaires, conscrits. Il fallait pourtant des marins pour faire naviguer les grands navires ou les modestes canonnières. Il fallait pourtant des Européens pour encadrer les indigènes enrôlés sur place. Il fallait beaucoup d’hommes pour constituer les colonnes mobiles engagées en Afrique du Nord. Pour la Grande Histoire, la piétaille est quantité négligeable. La guerre de 1914-1918 va démontrer le contraire.

La France est encore essentiellement rurale, ses gros bataillons sont constitués majoritairement de villageois et paradoxalement c’est le caractère quelque peu “arriéré” de la France agressée qui va lui permettre de tenir. Après avoir mangé des repas chauds pendant ses transports en chemin de fer, l’Armée française vit pendant la retraite de 1914 de pain, de charcuterie et de fromage, ce qui ne change guère la masse des soldats de leur vie quotidienne. Par contre, les efforts d’alphabétisation sont en train de porter leurs fruits. De plus en plus de conscrits savent lire, écrire et compter. Ce qui va devenir important dans un conflit qui verra l’armement et les services devenir de plus en plus conséquents.

Ce qui a aussi considérablement changé, c’est le nombre de cadres de réserve, officiers et sous-officiers. Ces cadres qui vivent en temps ordinaire parmi les hommes qu’ils vont commander, sauront les mener au combat, endurer leurs souffrances et mourir avec eux.

Il y a peu de choses à dire sur l’antimilitarisme qu’une certaine littérature se complaît à véhiculer. Un chiffre de 1885, nous donne un total de 1 538 insoumis sur 308 058 inscrits, c’est bien peu. Il sera toujours inférieur à 1 500 jusqu’à la déclaration de guerre. Faisons également un sort aux écrits de Courteline qui dépeint complaisamment les travers de la vie quotidienne dans l’ Armée française, il n’y aura fait qu’un séjour de 2 mois.

1914 : Serbie.

Le 28 juin 1914, l’Archiduc d’Autriche François-Ferdinand et sa femme sont assassinés à Sarajevo. L'assassinat politique est un événement banal en cette période, sauf que les victimes sont autrichiennes et les assassins supposés être des Serbes. L’Autriche n’attendait qu’un prétexte pour montrer sa force face à la Serbie. Le 23 juillet, l'Autriche adresse à la Serbie un ultimatum. Guillaume II apporte son soutien à l'Autriche-Hongrie, dans sa politique vis à vis de la Serbie. La Serbie cède sur 9 des 10 points du mémorandum.

1914 : France.

Chaque Français sait que par le jeu des alliances, le pays peut à tout moment se trouver entraîné dans une guerre. Mais tout le monde est prêt. La Russie est l'alliée des Serbes. La France est l'alliée des Russes. La Grande-Bretagne est garante de la neutralité de la Belgique. L’Allemagne est l'alliée des Autrichiens-Hongrois. La Turquie est l'alliée des Allemands. L’Italie n’attend qu’une guerre pour conquérir des territoires autro-hongrois. La Japon rêve d'une expansion en Chine. Les États-Unis sont bien loin et ne pensent qu'à leurs intérêts.

25 juillet 1914 : Europe.

La Serbie mobilise ses troupes, ce qui entraîne la déclaration de guerre de l’Autriche qui mobilise à son tour.

27 juillet 1914 : France.

Les permissionnaires sont rappelés dans leurs unités. Personne ne se fait plus d’illusions, la guerre est à nos portes. Le 29 juillet, la Russie mobilise 16 millions de soldats.

30 juillet 1914 : Europe.

L‘Allemagne n‘attendait que ce prétexte pour mobiliser à son tour. De menaces en ultimatum,  l’orage approche.

31 juillet 1914 : France.

La France déploie ses forces de couverture sur les frontières de l'est. Dans une dernière tentative d'apaisement celles-ci sont positionnées à 10 kilomètres de la frontière de 1871.

1914 : Afrique du Nord.

La fin de l'année est marquée par des troubles en Algérie. Des jeunes gens prennent le maquis pour échapper à la conscription, les Zouaves et les Chasseurs d'Afrique vont les traquer. Les troubles vont continuer en 1915, en 1916. Ils ne cesseront qu'en 1917. 12 000 hommes auront été utilisés pour ces opérations avec l'appui de l'artillerie. Deux régiments métropolitains ont du rejoindre l'Algérie, les 6 bataillons de Tirailleurs sénégalais et les Zouaves réservistes ne pouvant être utilisés en hiver. En 1916 et 1917, des incidents causés également par la conscription vont se dérouler au Soudan, en Haute-Volta, au Dahomey et à Madagascar. Les forces sur place et la police suffisent à juguler les émeutes.

Au Maroc, des troubles surviennent dès 1914, l'initiative malheureuse d'un commandant entraîne la perte de 22 officiers et de 550 soldats. Ensuite c'est dans la région de Taza, en 1915, que surviennent des incidents. Les compagnies montées de la Légion joue un rôle décisif dans la répression. En 1916, c'est tout le sud du pays qui est en effervescence. Les troubles vont durer 4 ans. En 1918, les Français doivent abandonner quelques postes pour se regrouper. Les forces au Maroc sont composées d'une mosaïque d'unités autour de 4 bataillons de Tirailleurs marocains, bataillons de Tirailleurs sénégalais en cours de formation, bataillons de réserviste de la Coloniale, bataillons irréguliers sous uniformes de la Légion, Goumiers. La Légion est amoindrie par l'envoi en métropole de Régiments de marche (d'où sont exclus les élèments germanophones).

En Tunisie, la valeur d'une division est maintenue afin de faire face à une intervention venue de Tripolitaine.

Mais l'essentiel de l'Armée d'Afrique part en France ; 172 000 Algériens dont 159 000 combattants avec près de 70 000 conscrits. La Tunisie fournit  54 000 hommes que les autorités présentent comme des volontaires (enrôlés de force ? ). Tunisiens et Algériens perdront 36 000 hommes au combat.  Le Maroc fournit 37 000 volontaires (pas de chiffres des pertes). Les Tirailleurs sénégalais seront 161 250 dont 134 300 combattants.  45 000 Malgaches feront la guerre chez les Tirailleurs ou d'autres unités y compris métropolitaines. 5 000 habitants de Djibouti serviront  chez les Tirailleurs somaliens. 93 000 Indochinois feront la guerre en Europe soit comme combattants soit comme soldats-travailleurs. 34 400 soldats originaires des comptoirs de l'Inde, des Antilles, de la Réunion, des Antilles et des 4 communes du Sénégal serviront aussi sur le front. Prenons garde de ne pas oublier les 36 000 Chinois recrutés par contrat pour travailler en France.


1914, Tirailleurs

En tout 2,5 millions d’Africains et d’Asiatiques participeront à l’effort de guerre pour les Alliés entre 1914 et 1918, soit comme combattants, soit comme ouvriers. En 1916 et 1917, des soulèvements auront lieu au Bénin pour protester contre cette levée de soldats et de travailleurs.

1871-1918 : Alsace et Moselle.

Ne quittons pas cette période d’avant la Grande Guerre sans une pensée pour les conscrits d’Alsace et Moselle qui sont contraints depuis 48 ans de revêtir l’uniforme allemand. Beaucoup ont refusé, préfèrent s’enfuir en France ou se mutiler pour échapper à cette conscription. En France de l 'intérieur, ceux qui s'y sont réfugiés sont considérés comme suspects et s'ils veulent servir dans l'armée, c'est à la Légion qu'ils sont envoyés.


Les Garnisons


1897



La Grande Guerre