11 juin 1940 (1), les unités de
reconnaissance de la 51ème Division d'Infanterie de la Werhmacht (IV° armée
Von Kluge) entrent dans Dieppe de tous les cotés. La ville,
considérée comme base sanitaire, n'est pas défendue.
Les derniers soldats du 31ème Territorial et de la 204ème
Compagnie de mitrailleuses sont partis sur ordre.
Les derniers soldats britanniques sont également partis
après avoir bloqué l'entrée du port en y
coulant des cargos chargés de ciment (le Kaupo, le
Jacobus, le River Tyne). La ville est vide de tous défenseurs
lorsque les Allemands arrivent. Pour les Dieppois, l'arrivée
des Allemands, c'est le ciel qui tombe sur la tête. Ce
n'est pas la première invasion de Dieppe. En 1870, les
Prussiens étaient déjà venus occuper Dieppe
(5 décembre 1870), mais les témoins de cette époque
sont extrêmement rares et ils sont sur les routes. Des
années 1914-1918, ce dont se souviennent les Dieppois,
c'est le nombre important de blessés que les hôtels
et les écoles hébergeaient. Les "boches"
n'avaient jamais pu atteindre Dieppe. Les Poilus et les Tommies
étaient parvenus à les arrêter.
Pendant plusieurs jours en ce mois de juin
1940, très ensoleillé, la ville est morte, les
habitants terrés chez eux.
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Les Alliés livrent au même
moment des combats d'arrière-garde en divers endroits.
A Biville la Baignarde (25 kms de Dieppe), des éléments
de la 5ème
Demi-Brigade de Chasseurs Alpins de Chambéry (13ème B.C.A. du commandant Ponet, 53ème B.C.A., 67ème B.C.A.
du commandant Ear, 69ème B.C.P.)
appuyés par quelques hommes du 5ème Cuirassier ont résisté héroïquement
(31 chasseurs tués). Etrange destin pour ces Chasseurs
Alpins, dont certains ont combattu quelques semaines plus tôt
en Norvège, et qui viennent mourir en Normandie face aux
Panzerdivisionen.
Contrairement à ce que toute une thèse
va véhiculer, l'Armée Française de 1940
s'est battue, bien battue souvent face à une armée
mieux organisée. En de multiples endroits, des groupes
hétérogènes vont former des points de résistance,
Biville la Baignarde est de ceux là (l'Armée française
de 1940 a perdu 132 000 morts en 5 semaines). Les jeunes de la
classe 1939 mobilisés en avril 1940, sans entraînement,
ont été jetés dans la bataille.
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Hommage aux Chasseurs
( photo J.D.)
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Le 11 juin, la tragédie se déroule
autour de Saint Valéry en Caux où la 51st Highland
Division (Ecosse) et le 9ème Corps
d'Armée français (général Ihler)
avec sa 2ème Division Légère
de Cavalerie, les 31ème et 40ème Division d'Infanterie sont encerclés. Le 12
juin, les Allemands font 46 000 prisonniers (dont de nombreux
généraux comme le général Fortune
(Br) et le général Ihler (Fr). Le général
Berniquet (Fr) a été tué. Les communes sur
le trajet des Panzerdivisionen ont subi de gros dommages. Dieppe
est désormais occupée et la Werhmatch s'installe.
Dans la ville et dans les villages alentours, les uniformes felgrau
occupent le terrain. Ne vont par tarder à arriver : les
uniformes bleus de la Kriegsmarine et de la Luftwaffe. Ils sont
partout, le moindre village va recevoir sa garnison qui bien
entendu occupe les maisons les plus confortables.
Le 17 juin, le Maréchal Pétain
parle à la radio, il informe le pays qu'il faut cesser
le combat et qu'il a demandé aux Allemands l'armistice.
Mais combien de Dieppois ont entendu ce message ? Ils sont privés
d'électricité ou sont sur les routes toujours harcelés
par les meutes de stukas. N'oublions pas que les postes de radio
sont alors de volume respectable et qu'ils fonctionnent à
l'électricité. Pas de courant, pas de radio.
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Le 25 juin, la France demande l'armistice
qui est signé à Rethondes dans le wagon même
qui a consacré la victoire française de 1918. Les
Allemands ont atteint les Pyrénées. Le territoire
national est morcelé en plusieurs
zones. La ville de Dieppe est occupée par un
régiment d'infanterie de la Werhmacht
. Les lois françaises s'appliquent toujours, mais elles
vont subir de l'occupant de telles pressions que personne n'est
dupe. La France passe à l'heure de Berlin. Les Allemands
vont d'abord surprendre par une attitude apparemment correcte.
Cela ne durera pas, rapidement un régime de contrainte
va s'installer. Les affiches dans les deux langues ne vont pas
tarder à apparaître. Les billets de banque et pièces
de monnaie d'une version du mark allemand ont cours légal.
Les refuser est un délit (le mark d'occupation présente
un cours très avantageux pour les troupes d'occupation,
20 francs pour 1 mark). Ce mark n'a pas cours légal ailleurs
qu'en France occupée.
Le gouvernement français s'installe
à Vichy en zone non occupée. Le Maréchal
Pétain que l'on présente comme le vainqueur de
Verdun (2) devient Chef de l'État et Président
du Conseil (nous dirions aujourd'hui premier ministre), il a
84 ans. La Président de la République, Albert Lebrun
est mis à l'écart. Pierre Laval devient vice-président
du conseil et le véritable chef du gouvernement (il en
aura le titre en 1942). Le Parlement est dissous, les assemblées
élues au suffrage universel sont dissoutes comme les Conseils
Généraux par exemple.
Le drapeau tricolore est remisé au
placard, interdiction de le faire flotter sur les édifices
publics. Chanter ou même murmurer en public la Marseillaise
est un acte d'hostilité envers les Allemands. Les célébrations
du 14 juillet et du 11 novembre sont supprimées. Mais
Vichy est bien loin et ce qu'il s'y passe est totalement étranger
à beaucoup de gens.
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Les premiers Allemands arrivés
en ville ont poursuivi leur route et de nouvelles troupes arrivent.
L'autorité allemande réquisitionne l'hôtel
Select pour y établir le siège de leurs bureaux,
d'autres services s'installeront rue Jules Ferry. L'hôtel
Royal (Castel Royal) héberge l'État Major et l'hôpital
est réquitionné pour les besoins des soldats. La
Kriegsmarine s'installe sur le front de mer. Le drapeau nazi
à croix gammée flotte partout.
L'hôpital occupé, il faut improviser
un hôpital souterrain à quelques centaines de mètres
de l'existant (abri de la Biomarine). Une forêt de panneaux
indicateurs est positionnée aux carrefours. Des barrières
blanches délimitent l'entrée des bâtiments
militaires. Une foule de règlements, d'interdictions,
d'exigences s'abat sur la ville. Tout est soumis à autorisation.
Seule l'organisation de la Défense
Passive verra peu d'intervention allemande. Les autorités
locales sont constamment sous la surveillance de la Werhmacht.
Des affiches ne vont plus cesser d'être
apposées sur les murs. Bien des affiches signées
du Maire ne sont en réalité que la transmission
en français d'ordres venus de la Kreiskommandantur de
Dieppe (en 1941 : capitaine Bierduempfl), de la Feldkommandantur
de Rouen, du Militäersfehlshaber
in Frankreich, et d'autres autorités aux noms imprononçables
: Oberkommando der Wehrmacht (Commandement suprême de l'armée
allemande), Abwehr (service d'espionnage de l'armée),
Militarverwaltungbezirkes Nordwestfranckreich, Stadtkommandantur,
Stardorkommandantur, Ortskommandantur, Sicherheitsdienst, Propaganda
Abteilung Frankreich (antenne dieppoise dans un hôtel de
la plage), Geheimefeldpolizeï (police secrète de
campagne), Geheimstaadtspolizeï (la sinistre gestapo), Sicherheitspolizeï,
Schutzpolizeï.
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Hôtel Select
(coll.Guy Naze)
Hötel Royal
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photo J.D.
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7 août, pour occuper les nombreux chômeurs,
la ville entreprend le doublement du boulevard de Verdun sur
la plage.
Les troupes allemandes commencent à
préparer l'invasion de l'Angleterre. De Boulogne à
Cherbourg, les manoeuvres d'embarquement et de débarquement
de troupes sont continuelles. Le 23 août 1940 : dans le port de Dieppe,
36 Allemands procèdent à un exercice à bord
d'un remorqueur. Le capitaine Joseph Godu et son mécanicien
Jean de Ryck, tous deux de nationalité belge, se font
sauter avec leur navire. Aucun survivant.
Joseph Godu
photo Informations Dieppoises
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